(OPINION) Des services de santé mentale pour les services en santé mentale

Depuis le début de la pandémie, le gouvernement Legault se targue d’avoir mis en place des outils efficients pour les soins et services en santé mentale. Depuis plusieurs années, la nouvelle gestion en santé et services sociaux exige de se fier à des indicateurs de performance. Alors, comment se porte la performance aujourd’hui, à un moment où les indicateurs ne semblent pas prendre en compte la réalité populationnelle ?

Augmentation des demandes de services en lien avec les dépendances (alcool/drogues/jeux), ouverture d’unité de débordement en dépendances, augmentation des demandes de services en violence conjugale, augmentation de la consommation d’antidépresseurs…

La réponse à ce portrait désolant, ajouter une étape de plus avant de pouvoir recevoir des services en santé mentale.

Ainsi, le programme québécois pour les troubles mentaux (PQPTM) propose désormais de passer par les autosoins avant de recevoir l’aide d’un professionnel. Le but, vous offrir « des informations sur les symptômes ou le trouble vécu », « des suggestions d’activités » et « des conseils sur le mode de vie ». Les personnes qui se rendent au point de demander de l’aide sont en souffrance et ont fait leur possible pour aller mieux. Il est trop tard pour faire du travail de prévention en lien avec les saines habitudes de vie.

Pendant ce temps, les services en dépendances et en santé mentale du CIUSSS MCQ sont en débâcle. Plus de 100 personnes attendent pour recevoir des traitements en lien avec les dépendances. Le personnel absent de tous les secteurs œuvrant en santé mentale n’est pas remplacé. Le roulement de personnel est tellement élevé qu’il permettrait d’alimenter les turbines d’un barrage hydroélectrique.

Une quantité impressionnante de travailleuses et travailleurs cherchent le moyen de quitter ce navire qui prend l’eau. Les psychologues, psychoéducateurs, psychoéducatrices, ergothérapeutes, travailleuses et travailleurs sociaux… tentent de reprendre une certaine stabilité qui leur permettra de retrouver du plaisir à faire leur travail.

Lorsqu’on demande pourquoi ils choisissent de quitter le réseau, aucun d’entre eux ne dit vouloir augmenter leur temps de travail, recevoir un meilleur salaire ou s’encombrer de la gestion de la pratique privée.

Tous nous répondent qu’ils veulent avoir la possibilité de faire ce qu’ils aiment. Ils désirent offrir les services de qualités, avoir l’impression d’être utiles, diminuer les tâches administratives, arrêter de subir la pression harcelante du système, mais, par-dessus tout, qu’on respecte leur autonomie professionnelle et qu’on reconnaisse la qualité de leurs services.

Dans le réseau, on leur permet de faire des heures supplémentaires avec tout l’épuisement que cela apporte. On achète à cout très élevé des services auprès de ressources privées. On oublie de se souvenir que la dernière fois qu’on a procédé ainsi, les salariés du réseau, plus compétents, on refait près de la moitié des évaluations effectuées par des ressources externes. On ne sait tellement plus comment agir qu’on va jusqu’à demander à des ressources du secteur privé de faire de la co-intervention dans les dossiers. Cela ne permet pas d’offrir plus de services, seulement de demander aux contribuables de payer le service deux fois.

Les services en santé mentale et en dépendance sont instables. La situation est grave et récurrente. Le réseau de support s’effrite, son état de santé est alarmant et ses conditions de survie sont inquiétantes. Bref, si on faisait son analyse selon les critères du PQPTM, c’est beaucoup plus que des autosoins dont il aurait besoin.

 

Jean-Christophe Côté-Benoît
Représentant national – APTS Mauricie-et-Centre-du-Québec