En guise de réponse à l’article Vers un ProjetBécancour.ag plus vert?

Quelques dates à propos d’Alternatives Bécancour

Notre coalition a vu le jour à la mi-janvier 2019. Le nom Alternatives Bécancour date de la mi-février. J’en ai fait une première mention dans les pages de La Grand’Rivière, journal de Sainte-Angèle-de-Laval, à la mi-mars. Dès la parution, un dénommé Patrick Dupont m’écrivait ce qui suit, entre autres :

«(…) le Gouvernement du Québec a investi déjà plusieurs millions dans un partenariat avec plusieurs industriels privés (dont de très grands joueurs dans le monde du pétrole) et universitaires pour la mise en place, de loin du plus grand projet expérimental de captage de CO2et de valorisation du carbone au monde.  Le Québec est sur le point de devenir le chef de file mondial dans ce domaine. Aujourd’hui, la technologie permet de capter le CO2et de le valoriser en le transformant en d’autres produits à valeur ajoutée.»

La semaine d’après, le 19 mars, j’avais rendez-vous avec Maurice Richard, directeur général de la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour. J’espérais qu’il n’ait pas encore lu La Grand’Rivière, pour avoir avec lui l’échange le plus neutre possible, mais une copie trônait sur une petite table dans son bureau… La conférence de presse d’Alternatives Bécancour a eu lieu le 25 mars. Le lendemain, 26 mars, ProjetBécancour.ag (PB.ag) annonçait sa participation au défi INNO+ d’Écotech Québec qui visait «à trouver des partenaires afin de développer des solutions qui permettront de capter et valoriser les émissions de CO2» (site Internet de PB.ag). Je n’attribue aucunement le mérite de cette démarche à Alternatives Bécancour, même si l’existence de notre coalition était sans doute connue avant son dévoilement officiel. Ces choses-là prennent du temps à mettre en place et ça devait donc dater un peu. N’empêche, il est quand même étrange — et décevant — qu’on devienne «plus soucieux» de l’environnement au gré d’une mise à jour.

La nouvelle économie du carbone

Il est difficile de se prononcer sur des solutions gardées confidentielles. De la même façon, les gens de PB.ag ne peuvent se prononcer sur nos «alternatives», non encore dévoilées. Évidemment, nous nous sommes penchés sur la trilogie captation – séquestration – valorisation du dioxyde de carbone (CO2). La séquestration, à mon sens, n’est pas souhaitable, autre que dans des puits de carbone naturels comme le sol et les végétaux. Enfermer du CO2dans des poches souterraines ne ferait que créer d’autres «bombes climatiques» à retardement. Les technologies de captation et de valorisation, elles, arrivent peut-être à maturité. Encore récemment, on les disait pas au point et surtout très dispendieuses. Nous demandons donc à voir et à savoir. Il y  a un point d’interrogation après le «plus vert» du titre, n’est-ce pas?

Ce que nous savons déjà, par contre, c’est que développer ce genre de technologies, c’est poursuivre avec cette même logique industrielle qui nous mène dans le mur, avec cette même logique de l’économie d’abord et de l’écologie ensuite qui nous conduit à notre perte. Qu’arrive-t-il immanquablement quand l’être humain accorde une valeur à quelque chose ? Il en veut plus ! Plus, plus et toujours plus. Or, du CO2, il en faut moins, pas plus. Mais la folie est déjà en marche. Lors de la Vitrine des technologies vertes organisée par Groupé à Trois-Rivières, une dame du centre d’innovation Innofibre m’est tombée dessus en me reprochant de ne pas voir l’opportunité économique que représentait le CO2et sa captation. M. Dupont, ce cher M. Dupont, concluait déjà son courriel ainsi au mois de mars : «Bref, il y a ici une opportunité pour le Parc portuaire de prendre pied dans la prochaine économie qui sera celle du carbone, avec des projets innovateurs. (…) En plus de rendre les projets socialement acceptables, le captage du CO2est une occasion d’affaires sans précédent.»

Réaction positive ?

On parle de diminuer de 355 000 t. éq. CO2l’émission de gaz à effet de serre (GES) de l’usine. Comme on partait de 630 000 tonnes, on descend donc à 275 000 tonnes. On passe du top 15 au top 30, environ, selon l’Inventaire québécois des émissions atmosphériques, qui répertorie les établissements qui émettent plus de 10 000 t. éq. CO2par année. C’est encore beaucoup trop, d’autant plus que cela ne tient compte que de la production, laissant de côté les émissions fugitives dans le transport de la matière première, essentiellement du méthane (facteur 30 comme GES par rapport au CO2) et en aval le protoxyde d’azote (facteur 300) libéré par l’utilisation de l’urée comme engrais chimique. Cet engrais chimique auquel, d’ailleurs, nous devrons tourner le dos dans l’avenir le plus rapproché possible, pour mettre fin à l’appauvrissement des sols et à la pollution autant de l’eau que de l’air.

Pour ce qui est de réagir positivement… Nous réagissons positivement, bien sûr, à un plus grand souci de l’environnement. Nous croyons toujours que la meilleure preuve de bonne volonté à cet égard serait de renoncer à cette usine. Ces Messieurs de PB.ag ont sous la main des ressources en recherches, semble-t-il. Je souhaite qu’ils trouvent eux-mêmes tant de solutions pour leur projet qu’ils en changent complètement. D’autres usines, moins dommageables et plus utiles attendent d’être construites. Mieux encore, d’autres modèles que notre vieux modèle industriel extractiviste attendent de connaître une plus grande diffusion à travers la société.

 

François Poisson

Alternatives Bécancour