De l’urée au méthanol, non merci!

LETTRE OUVERTE. Décidément, on n’arrête pas le progrès. Après la cigarette au menthol supposée moins dommageable pour notre santé, voici l’urée au méthanol supposée moins dommageable pour notre climat et qui permettrait de réduire notre dépendance aux fournisseurs extérieurs. Investissement massif, création d’emplois, respect de l’environnement, prospérité de la région et des familles agricoles québécoises… On croit rêver! Mais tout ce qui brille n’est pas or et cet enrobage affriolant nous cache une réalité bien amère.

 

Qui pourrait reprocher aux promoteurs de vouloir assurer l’approvisionnement en urée des agriculteurs québécois? Le problème est que, pour remplacer des importations qui étaient d’environ 350 000 tonnes en 2018, ils visent une production annuelle de 783 000 tonnes. Se pourrait-il que la prospérité recherchée ne soit pas que celle des familles agricoles québécoises?

À cet égard, l’agronome Louis Robert, lanceur d’alerte congédié pour avoir dénoncé l’influence des lobbies en agriculture, rapporte une découverte inquiétante faite dans le cadre d’une recherche sur les quantités d’engrais à épandre pour la culture du maïs. Les recommandations formulées par le Québec étaient trois fois plus élevées qu’en Ontario et jusqu’à six fois plus élevées que dans certains États américains. Un document du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, daté de mai 2018, démontre pourtant que les rendements dans le maïs ne sont pas supérieurs dans la province par rapport aux autres juridictions. Il est intéressant de noter que le comité mandaté par le gouvernement pour les recommandations de fertilisation compte deux représentants de La Coop fédérée, principal vendeur de pesticides et d’engrais au Québec et l’un des promoteurs de ProjetBécancour.ag.

Mais, nous disent les promoteurs, cette urée serait fabriquée à partir des sous-produits et émanations de l’unité de production de méthanol, ce qui offrirait des avantages considérables sur les plans économique, énergétique et environnemental. Le méthanol produit viendrait notamment réduire notre dépendance aux sources d’approvisionnement extérieures. Or, les importations québécoises de méthanol ont été de 237 398 tonnes en 2018, et la production annuelle visée de l’usine projetée est de 1 205 000 tonnes. Encore une fois, c’est tout un écart!

Enfin, cette usine qui, faut-il le rappeler, utiliserait le gaz naturel comme matière première, viendrait accroître notre dépendance aux hydrocarbures. En émettant environ 630 000 t eq. CO2/an, elle deviendrait le 12e plus grand émetteur industriel de GES du Québec. Tout compte fait, à l’instar de la cigarette au menthol, l’urée au méthanol respectueuse de l’environnement n’est rien d’autre qu’une nouvelle lubie à laquelle nous disons bien fort : Non merci!

Les auteurs Denis Hébert et François Poisson s’expriment ici au nom d’Alternatives Bécancour, une coalition de groupes citoyens et d’individus rassemblés dans le double objectif de s’opposer au projet d’usine de méthanol et d’urée, et de proposer une alternative de développement cohérente avec la lutte aux changements climatiques et la protection de l’environnement.