Renaissance de la lutte au Québec: le point de vue de Pat Laprade

LUTTE. Observateur avisé et acteur d’importance de la renaissance de la lutte au Québec, Pat Laprade est animateur de la lutte à TVA Sports. En plus d’être l’auteur de livres sur ce thème en compagnie de Bertrand Hébert, il a récemment participé à la réalisation d’un documentaire sur le Géant Ferré qui a été diffusé à HBO. L’historien Pat Laprade identifie différentes causes qui expliquent le regain de popularité de la lutte au Québec comme la présence dans les médias et des changements dans les perceptions.

La lutte se conjugue au féminin. On voit, à l’avant-plan, Lufisto, et, derrière elle, Azaelle.

«Au début des années 2000, on riait de la lutte les rares fois qu’on en parlait à la télé québécoise. On mettait le focus sur la violence ou on exploitait le fait que c’était présenté dans des sous-sols d’église au détriment de la performance athlétique de la chose. Suite à la sortie de nos livres sur l’histoire de la lutte au Québec et la biographie de Mad Dog Vachon en 2013 et 2015, Bertrand Hébert et moi-même avons été appelés à faire plusieurs entrevues et nous avons vu les médias parler de lutte de façon différente. Dans nos interventions, on a voulu redonner le sérieux à ce divertissement sportif. En parler pour ce que c’est: un théâtre unique et une performance athlétique exceptionnelle», se rappelle Pat Laprade.

Heureuse coïncidence, au même moment, Sami Zayn et Kevin Owens sont signés par l’organisation la plus puissante au monde, la World Wrestling Entertainment. Les astres s’alignent. «Lorsqu’Owens a fait ses débuts à Raw en 2015, puis gagner le titre Universel en aout 2016, les médias en ont beaucoup parlé. Kevin devenait le premier lutteur québécois actif à parler de son métier pour ce que c’est et non pas comme un vrai sport. C’était un discours actuel et rafraîchissant. Et c’est encore plus à partir de là qu’on a commencé à voir un changement. Au Québec, on soutient nos vedettes. Les arts martiaux mixtes sont devenus populaires lorsque Georges Saint-Pierre y a excellé. C’est pareil pour le poker avec Jonathan Duhamel ou la course automobile avec Jacques Villeneuve», ajoute-t-il.

Ce changement d’attitude a amené une nouvelle façon de percevoir la lutte. «Les gens ont commencé à la voir comme un spectacle où ils pouvaient se divertir au même titre qu’un one-man-show ou une soirée au théâtre. Je le vois dans certaines salles de lutte. Des couples y vont. Des groupes de filles y vont. C’est là que tu t’aperçois que la lutte est capable d’attirer autre chose qu’un groupe de chums ou des enfants. Elle est capable d’attirer monsieur madame tout le monde, de tous âges et de tout acabit. Aller à la lutte un samedi soir de 20h à 22h30 est une activité tout comme aller dans un stade, un aréna ou dans une salle de spectacle», constate Pat Laprade.

TVA Sports, en ramenant la WWE à la télévision après une absence de près de 20 ans en français au Québec à l’automne 2017, est un autre facteur qui explique la renaissance de la lutte au Québec. «La WWE étant la plus grosse organisation de lutte au monde, cela a créé une nouvelle génération de fans. Kevin Raphaël et moi recevons des messages de pères qui voulaient faire découvrir ça à leurs gars, car eux-mêmes avaient été fans plus jeunes. C’est vraiment cool à lire», se réjouit-il.

Pour Pat Laprade, s’il faut voir un dénominateur commun à tous ces facteurs, c’est la langue. «Des livres publiés en français, des intervenants d’ici capables d’en parler intelligemment, des Québécois francophones qui deviennent des vedettes internationales et la WWE qui revient en français à la télévision, il ne faut pas chercher plus loin pour comprendre comment le tout a évolué depuis quelques années».