Yves Bourque: une flamme difficile à éteindre

JEUX PARALYMPIQUES. Yves Bourque demeure réaliste: les Jeux de PyeongChang seront probablement ses derniers. À 52 ans, il est déjà le doyen de la délégation canadienne de ski paralympique. Et la perspective de s’imposer quatre autres années intensives d’entraînements et de compétitions lui pèse un peu.

«C’est sûr que je ne referai pas d’entraînement aussi intense, répond-il, lorsqu’on aborde la question avec lui. Ça fait huit ans que je fais ça six jours par semaine,  11 mois par année. C’est certain que je vais ralentir à ce niveau-là pour récupérer parfaitement de mes blessures.»

Mais après avoir goûté aux Jeux et à tout ce qui les entoure, difficile d’éteindre la flamme. Au bout du fil, il rêve déjà à une qualification de dernière minute en 2021, pour les Jeux de 2022 à Pékin. «Ça peut se faire. Il suffit qu’il y ait une ou deux personnes blessées et des places disponibles… Je pourrais alors tenter ma chance.»

Car il admet que passer à autre chose sera difficile. «Les Olympiques, c’est gros. Les projecteurs sont rivés sur nous. On a droit à des cérémonies d’ouverture et de fermeture, et les estrades sont bondées. Or, comme athlète paralympique, on n’a généralement pas ce genre de visibilité.»

Un couteau à deux tranchants, juge-t-il. «Le danger, après ça, c’est que la balloune dégonfle. Je l’ai vécu après les Jeux de Sotchi. Je trouvais Bécancour plutôt tranquille! J’avais aussi l’impression de n’avoir plus rien à quoi m’accrocher. Ma préparation aux Jeux était devenue un mode de vie, alors je me demandais ce que j’allais faire maintenant. J’ai vécu quelques jours difficiles, même si je suis une personne qui a généralement un bon moral», admet-il.

C’est en refaisant du ski que tout s’est replacé. Ce n’est donc pas un hasard si, à peine trois semaines après Sotchi, il prenait la décision de tenter sa chance pour les Jeux de 2018. Mais à quoi s’accrochera-t-il, cette fois, à son retour de PyeongChang?

«Peut-être le kayak. Je suis curieux de voir comment ça fonctionne au niveau compétitif. J’en ai fait pour le plaisir, il y a quelques années, et c’est quelque chose qui me tente», dit-il, évoquant aussi l’aviron. «Je vais également poursuivre quelque peu en ski. Le Championnat du monde et les Jeux du Canada sont dans ma mire».

Chose certaine, les projets ne manquent pas. «Je vais être mieux préparé après les Jeux de la Corée que je l’étais après Sotchi. J’aurai d’autres défis et je pense qu’avec ça, ce sera correct. Je verrai comment ça se présente», note Yves Bourque.

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Le moyen de ses ambitions

Un athlète a beau avoir la plus grande détermination du monde pour se rendre aux Jeux Olympiques, s’il n’a pas le bon équipement, il n’ira pas bien loin! Armé de cette conviction, le skieur paralympique Yves Bourque a travaillé fort pour se doter des outils susceptibles de l’aider à se hisser parmi l’élite de son sport.

Comme ce fut le cas à Sotchi, il ira à PyeongChang avec une luge qu’il a lui-même conçue. C’est une toute nouvelle création, qu’il peaufine depuis deux ans, que le Bécancourois emmènera avec lui sur le circuit de ski paranordique coréen. «C’est la quatrième luge que je fabrique, dévoile-t-il. Et c’est assurément la meilleure!»

Meilleur contrôle, meilleure stabilité, meilleur équilibre, meilleure mobilité; voilà les caractéristiques qui la rendent si particulière aux yeux de son créateur.

«Ç’a été très difficile de trouver la recette idéale pour moi, car mon handicap est peu commun. Je suis né sans jambes du tout, alors contrairement aux personnes amputées, je n’ai pas de moignon sur lequel accrocher le matériel», raconte celui qui a essayé toutes sortes de sièges et de systèmes avant d’en arriver à son attirail actuel.

«Ma luge actuelle offre un bon contrôle et me permet de bouger sur mon siège. Par exemple, je suis capable de me coucher à plat ventre dans les descentes pour me couper du vent.»

Pour perfectionner son bolide, Yves Bourque a pu compter sur l’aide et les idées de précieux collègues du Centre de réadaptation Interval . «Je n’aurais pu arriver à ce résultat tout seul, confie-t-il  modestement. On travaille dans le milieu, alors on a une longueur d’avance! On a fait beaucoup d’essais et d’erreurs.»

Yves Bourque précise que sur le circuit de la Coupe du monde, en ski paranordique, aucun coureur n’est positionné de la même façon. «On n’a pas tous les mêmes problématiques au  niveau physique, alors on n’a pas le choix de personnaliser nos équipements.»

Il y a toutefois des règles de base à respecter. Par exemple, la hauteur de l’équipement ne doit pas dépasser 40 cm et tout doit être statique. Les luges sont également inspectées régulièrement pour s’assurer de leur conformité.

Bref, c’est mieux équipé que jamais qu’Yves Bourque skiera à Pyeongchang. Cela jumelé à sa grande détermination devrait suffire pour lui faire vivre des Jeux à la hauteur de ses attentes.