La lutte à la pauvreté ou le changement promis

LETTRE OUVERTE. Messieurs Lamontage, Lefebvre, Martel et Schneeberger, une majorité écrasante de l’électorat du Centre-du-Québec a voté pour le « changement ». C’est une responsabilité qui vous incombe désormais à vous, députés de la Coalition Avenir Québec.

Au cours des dernières années, vous avez su tisser des liens étroits avec les collectivités que vous représentez. Certains ont déjà démontré leur sensibilité à l’égard des personnes les plus démunies et les plus vulnérables.

Maintenant que votre parti détient le pouvoir à l’Assemblée nationale, il ne faut pas se surprendre que nous en attendions plus de vous. Avec le pouvoir viennent des responsabilités. Les forts pourcentages de votes que vous avez obtenus ne vous en dispensent pas. Au contraire. S’il est vrai que le Centre-du-Québec a voté pour le changement, il vous faudra l’incarner.

Toutefois, ce ne sera pas facile.

Votre parti a donné son appui au programme «Objectif emploi» dont les sanctions d’une réduction significative de la prestation de base d’aide sociale — déjà insuffisante pour couvrir les besoins essentiels d’un être humain — continuent d’être décriées par toutes les organisations de défense des droits. Et en campagne, il a persisté à voir dans ce programme une amélioration du soutien aux moins nantis.

De la même façon, votre parti s’oppose à sortir de la pauvreté les travailleuses et les travailleurs qui travaillent au salaire minimum de crainte — non fondée — de provoquer une crise économique apocalyptique au Québec.

Votre parti a aussi refusé clairement de soutenir le troisième plan de lutte à la pauvreté, déposé en décembre 2017. À quoi doit-on s’attendre en cette matière ? Le programme de revenu de base que le gouvernement a adopté à la fin de la dernière législature sera-t-il maintenu, malgré sa portée limitée et ses imperfections ? Et quel sort réservez-vous aux organismes communautaires qui forment, avec les services publics et les programmes sociaux, les mailles du filet de sécurité sociale pour l’ensemble des Québécoises et des Québécois ?

L’austérité les a mis à genou. Saurez-vous les aider à se relever dignement et à poursuivre leur travail de fond auprès de leurs collectivités ?

Un vent de changement a soufflé, dit-on. On veut y croire.

Messieurs, vous devez trouver les mots qui rallient. Nous sommes plusieurs milliers de personnes qui espèrent. Vous devez trouver les mots pour nous convaincre. Mais vous devez aussi trouver les mots pour convaincre les autres membres de votre parti et votre chef de l’obligation qui incombe désormais au gouvernement de la Coalition Avenir Québec de prendre soin des 800 000 personnes en situation de pauvreté au Québec.

De l’obligation de les soutenir, de préserver leur dignité. De l’obligation de travailler en amont pour contrer les désordres de la pauvreté. De l’obligation de voir au-delà des mesures comptables et des lois économiques inexistantes du marché du travail, la responsabilité humanitaire qui vous incombe.

Le Collectif de lutte contre la pauvreté du Centre-du-Québec en appelle à votre nouveau pouvoir d’agir sur l’iniquité qui touche les personnes en situation de pauvreté. Quatre gestes significatifs pourraient faire une grande différence :

  • Relever rapidement le salaire minimum à 15 dollars l’heure pour faciliter la sortie de la pauvreté des travailleuses et des travailleurs les plus vulnérables ;
  • S’assurer de l’application du programme de Revenu de base à l’ensemble des prestataires du programme de Solidarité sociale, sans délai de carence et à son plein montant ;
  • Retirer les pénalités assorties au programme Objectif emploi qui le discréditent ;
  • Étendre l’exemption des pensions alimentaires des enfants du calcul des mesures d’aide sociale de leurs parents où elle n’est pas encore appliquée (aide financière aux études, aide financière de dernier recours, aide juridique et aide au logement).

Une majorité écrasante s’accompagne de responsabilités écrasantes. Ce n’est pas un chèque en blanc.

Si vous savez lire le vent du changement pour qu’il gonfle les voiles des forces sociales qui traversent le Québec, peut-être découvrirons-nous de nouveaux ports, de nouveaux havres où les Québécoises et les Québécois pourront s’épanouir en toute dignité, en tout respect, où l’équité et la solidarité entre les générations et les groupes sociaux seront une réalité.

 

François Melançon

Collectif de lutte à la pauvreté Centre-du-Québec