La pause de l’Alberta sur les énergies renouvelables pourrait être néfaste

EDMONTON — Ce n’était censé être qu’une pause, un répit permettant à un régulateur surchargé et à un public inquiet de rattraper un secteur qui connaît un essor au-delà des attentes. 

Mais pour ceux qui étudient l’industrie de l’électricité renouvelable, ainsi que pour ceux qui en font partie, le moratoire de six mois sur les approbations de projets prévus pour février pourrait s’avérer être un faux pas crucial qui coûterait à l’Alberta son avance, peut-être pour toujours.  

«Il est peu probable que ce genre de pause et de décision n’ait aucun impact sur les investissements, a déclaré Sara Hastings-Simon, de l’École de politique publique de l’Université de Calgary. Il est difficile de savoir quelle est l’ampleur (de l’impact)… mais nous sommes dans un marché concurrentiel pour attirer les capitaux.»

Pas plus tard que l’été dernier, le soleil brillait et les vents étaient favorables aux énergies renouvelables de l’Alberta. Le Business Renewable Centre, un groupe qui relie les acheteurs et les producteurs d’énergie renouvelable, a déclaré que l’Alberta était sur la voie de voir 3,7 milliards $ de constructions d’ici la fin de cette année, créant plus de 4500 emplois.

Puis, en août, le gouvernement du Parti conservateur uni de l’Alberta a annoncé un moratoire sur l’approbation de tous les projets éoliens, solaires et géothermiques supérieurs à un mégawatt. L’annonce a été faite subitement, sans concertation.

Les responsables gouvernementaux ont initialement déclaré que la pause avait été prise à la demande des municipalités rurales et de la Commission des services publics de l’Alberta . Lorsqu’il s’est avéré qu’aucune demande de ce type n’avait été formulée, cette décision a été justifiée par des préoccupations concernant la remise en état, la destruction des terres agricoles et le saccage de ce que le gouvernement a appelé des «paysages vierges».

La première ministre Danielle Smith a depuis exprimé publiquement ses doutes à l’égard des énergies renouvelables, les qualifiant de «fantaisie» et suggérant qu’elles sont peu fiables et coûteuses. Elle a réfléchi à la création d’une société d’État spécifiquement chargée de financer la production d’électricité au gaz naturel.

«Ils ont été assez clairs dans leurs messages publics, a indiqué Tim Weis, professeur à la faculté d’ingénierie de l’Université de l’Alberta. Il semble y avoir de nombreuses attaques directes contre les énergies renouvelables.»

Cela a érodé la confiance, a déclaré Claude Mindorff de PACE Canada, une entreprise à l’origine de plusieurs projets solaires en Alberta, y compris une installation bloquée de 14 mégawatts à l’extérieur du village de Caroline.

«J’ai l’impression qu’il y a des intentions sous-jacentes de la part du gouvernement», a-t-il déclaré.

M. Weis a affirmé que la date de fin de la pause, le 24 février, ne correspond pas nécessairement à un retour à la normale.

La Commission des services publics de l’Alberta dispose d’un mois supplémentaire pour mener à bien une enquête sur l’industrie. Ensuite, le gouvernement doit évaluer et mettre en œuvre les recommandations.

«S’il a annoncé qu’il nous faudrait encore deux ou trois ans pour définir les règles, cela va ajouter à l’incertitude», a déclaré M. Weis.

L’agriculture possible autour des sites d’énergie renouvelable

Pendant ce temps, d’autres juridictions prennent des mesures. La Nouvelle-Écosse, l’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique ouvrent leurs portes à davantage d’énergie renouvelable – sans parler du vaste appétit des États-Unis pour les capitaux d’investissement.

Les conditions économiques favorables de l’énergie renouvelable en Alberta pourraient également être érodées par une augmentation des coûts, qu’il s’agisse de nouvelles exigences réglementaires qui obligent les entreprises à anticiper les coûts de nettoyage ou de la concurrence pour la main-d’œuvre et les matériaux alors que l’arriéré des projets se résorbe.

«Cela pourrait faire sortir (les accords d’achat d’électricité) d’une marge économique», a soutenu Jorden Dye, du Business Renewables Centre.

Mme Hastings-Simon a déclaré qu’installer suffisamment d’énergie solaire pour que l’Alberta dispose d’un réseau  carboneutre consommerait environ 0,1 % de ses terres arables.

«Nous devons certainement réfléchir aux impacts locaux de l’utilisation des terres, a-t-elle déclaré. Mais en ce qui concerne la concurrence pour l’accès aux terres, l’ampleur des terres disponibles suggère que ce n’est pas une préoccupation sérieuse.»

La Commission des services publics de l’Alberta a demandé un rapport sur les effets agricoles. L’étude a révélé que l’agriculture peut continuer autour des sites d’énergies renouvelables, passant du pâturage des animaux à la culture.

La commission a également demandé un rapport sur la manière dont les moulins à vent géants pourraient affecter les paysages tant appréciés de la province.

Quant aux coûts de démantèlement et d’assainissement, les promoteurs affirment que cela influe déjà sur leurs budgets. M. Mindorff a soutenu qu’une pause n’était pas nécessaire pour renforcer les règles concernant quelque chose que les entreprises faisaient déjà.

Il a affirmé que placer des obstacles devant une industrie qui n’a causé aucun problème est d’ «un culot incroyable».

«Sans aborder la question du démantèlement des sites pétroliers et gaziers, comment pouvez-vous dire sans détour que l’industrie des énergies renouvelables devrait s’occuper du démantèlement ?»

Un autre rapport de la commission a conclu que les installations solaires et éoliennes ont une valeur de récupération importante, bien que variable. Les énergies renouvelables ne créent pas non plus les problèmes de contamination chimique des sites pétroliers et gaziers.

La pause prendra fin tôt ou tard et de nouvelles règles seront établies. L’abondance du soleil et du vent de l’Alberta, ainsi que son marché de l’électricité à libre accès, sont de puissants facteurs de motivation pour les entreprises à s’implanter ici.