La hausse des crimes violents au Canada reprend après une pause pandémique

Homicides, tentatives de meurtre, voies de fait graves, vols qualifiés et situations d’extorsion ont tous été plus nombreux l’an dernier qu’ils l’avaient été en 2021 au pays, selon Statistique Canada, qui constate que la tendance à la hausse de la criminalité qui avait été observée avant la pandémie pourrait bien être en train de reprendre de plus belle.

Ce n’est donc pas qu’une impression: il y a bel et bien eu plus d’homicides et de crimes violents au Québec et au Canada en 2022. À l’échelle du pays, le taux d’homicides a atteint son niveau le plus haut depuis 1992, tandis que l’Indice de gravité des crimes violents — qui est utilisé par Statistique Canada pour mesurer à la fois le volume et la gravité des crimes — a atteint son sommet depuis 2007.

Dans son ensemble, l’Indice de gravité de la criminalité (IGC), qui englobe les crimes violents et les crimes non violents, a augmenté de 4 % en 2022. La hausse a été remarquée partout au pays, alors que seuls le Nouveau-Brunswick, le Yukon et le Nunavut y ont échappé. Le Québec s’est placé au-dessus de la moyenne nationale, à 6 %.

«Les augmentations consécutives de l’IGC global pourraient témoigner d’un retour à la tendance à la hausse de la criminalité qui avait été observée avant le début de la pandémie», a indiqué Statistique Canada, jeudi, dans l’édition 2022 de son document intitulé «Statistiques sur les crimes déclarés par la police au Canada».

Si la première année pandémique, en 2020, a été caractérisée par une baisse du volume et de la gravité des crimes déclarés par les corps policiers du pays, une hausse de l’IGC avait auparavant été observée pendant cinq années consécutives, à partir de 2015, à hauteur de 19 % sur cinq ans.

Les chiffres pour 2022 qui renouent avec cette hausse de la période pré-pandémique pourraient donc être le début d’une nouvelle tendance.

«Ça se peut. C’est encore trop tôt pour le savoir, mais on sait qu’on a observé une diminution pendant la pandémie et que maintenant ça commence à augmenter encore», a confirmé en entrevue l’analyste chez Statistique Canada Warren Silver.

Mis au fait des constats publiés jeudi matin par Statistique Canada, le premier ministre Justin Trudeau a promis que son gouvernement agira pour empêcher un retour à la hausse constante de la criminalité au pays.

«Oui, ça veut dire plus d’investissements en sécurité et en force policière, mais ça veut aussi dire plus d’investissements dans les programmes communautaires pour aider les jeunes à rester impliqués et positifs», a-t-il mentionné lors d’une mêlée de presse à Terre-Neuve-et-Labrador.

«C’est des investissements dans la santé mentale, dans les travailleurs communautaires et pour contrer l’épidémie des opioïdes avec une approche ancrée dans la science pour garder les gens en sécurité», a affirmé le premier ministre.

Le taux d’homicides à son plus haut depuis 1992

Les données publiées par Statistique Canada ont révélé que 874 homicides ont été rapportés par les corps policiers du pays l’an dernier, soit 78 de plus qu’en 2021. Le taux d’homicides a ainsi augmenté de 8 %, atteignant 2,25 homicides pour 100 000 habitants — le plus haut taux enregistré depuis 1992.

Montréal a été le théâtre de 65 meurtres en 2022, bon pour le troisième rang parmi les villes canadiennes, derrière Toronto (139) et Vancouver (73). Il s’agissait de l’année la plus meurtrière dans la métropole québécoise depuis 2002 et d’une hausse considérable par rapport à 2021, où il y avait eu 48 homicides.

Malgré cette hausse importante, M. Silver, de Statistique Canada, a souligné qu’il faut remettre les choses en perspective.

«Montréal est quand même plus bas que la plupart des places au Canada, a-t-il noté. Le taux d’homicides au Canada est de 2,25 (meurtres pour 100 000 habitants), tandis qu’à Montréal, c’est 1,49. Alors même avec l’augmentation, c’est encore plus bas que le reste du Canada.»

Le taux d’infractions violentes commises à l’aide d’une arme à feu a quant à lui augmenté pour une huitième année consécutive au pays, tandis que le taux d’agressions sexuelles de niveau 1 a augmenté de 3 %.

Les crimes liés à la cybersécurité ont aussi poursuivi leur montée en flèche amorcée il y a déjà quelques années. Les cas d’extorsion ont notamment bondi de 39 % en une seule année, en plus de passer de 5 à 25 affaires pour 100 000 habitants sur une période de 10 ans.

Hausse marquée à Gatineau en 2022

De toutes les villes du pays, c’est à Gatineau que l’Indice de gravité de la criminalité a le plus augmenté l’an dernier, selon Statistique Canada, bondissant de 20 %.

En entrevue avec La Presse Canadienne, le directeur du Service de police de la Ville de Gatineau (SPVG), Simon Fournier, a confirmé que les activités criminelles ont repris depuis la fin des restrictions sanitaires. Le corps policier a même constaté environ 1000 événements de plus l’an dernier que ce qu’il avait l’habitude de traiter avant l’arrivée de la pandémie.

«On est une ville jeune, une ville qui est en augmentation de la population, la quatrième ville en importance au Québec et la quatrième agglomération en importance au Canada, donc ça amène une diversité de personnes. Avec la fin des limitations de la pandémie, les gens ont repris de plus belle leurs activités — dans tous les sens — donc c’est sûr qu’il y a eu une augmentation qui a été remarquée», a analysé M. Fournier.

Statistique Canada a expliqué cette hausse de l’IGC à Gatineau par un nombre important d’introductions par effraction et de vols qualifiés. Le dernier rapport annuel du SPVG corrobore ces constats: les introductions par effraction ont connu une hausse de 71 % l’an dernier et les vols qualifiés ont explosé de 141 %.

Même si les données laissent présager une situation difficile, une fois de plus, une remise en perspective s’impose, selon l’analyste Warren Silver.

«C’est une grande augmentation, mais c’est important de savoir que Gatineau est l’un des endroits avec le plus bas Indice de gravité de la criminalité, avec 60,4 comparativement à la moyenne canadienne de 78,1», a-t-il relevé.

L’IGC demeure aussi plus bas qu’il y a 10 ans à Gatineau.