Une occasion en or pour s’ouvrir à la différence

EXPÉRIENCE. Sylvie Carbonneau est enseignante en sciences pour les élèves de 3e secondaire de l’École secondaire Jean-Nicolet (ESJN) et elle a joué un rôle important dans la vie de Pierre-Alexandre, avec qui elle a développé une belle complicité.

C’est suite à la suggestion de la travailleuse sociale de l’école que P-A a confié son plus grand secret à son enseignante. «On m’avait suggéré d’en parler à un professeur ou un autre adulte dans l’école. J’ai choisi Sylvie parce que j’aimais son énergie», rapporte-t-il.

Il faut dire que depuis le jour où Pierre-Alexandre, alias Alice, est arrivé à l’école avec ses cheveux courts et son genre plus «garçon», Mme Carbonneau lui faisait des compliments sur son nouveau style, alors qu’elle ignorait tout de la démarche en cours du côté de l’élève.

«Quand P-A m’a annoncé qu’il était transgenre, il était super timide, et certainement un peu stressé, raconte l’enseignante. Mais une fois qu’il a partagé son histoire, je lui ai sincèrement répondu: "Parfait! Et est-ce que tu es bien avec ça?"»

À partir de ce moment-là, Sylvie Carbonneau s’est immédiatement vue comme une alliée pour Pierre-Alexandre. Il lui a d’ailleurs demandé qu’elle en parle à ses autres professeurs.

Saisir la balle au bond

Quand un élève transgenre fait partie du groupe d’un enseignant, quelle réaction doit-il adopter face au reste de la classe? Sylvie Carbonneau a choisi de saisir l’occasion, faire preuve d’ouverture et aborder le sujet, directement, avec ses élèves.

Depuis que P-A lui avait fait la «grande annonce», l’enseignante l’approchait régulièrement en lui disant: «Quand  tu seras prêt, tu me le diras et on pourra l’annoncer au groupe.» Pendant ce temps, P-A était en questionnement.

«Je n’aurais pas agi de la même façon avec tous les groupes. Mais je trouvais que le groupe de P-A était un beau groupe, avec une belle ouverture. Je sentais que ce groupe-là avait la capacité d’aborder la question et moi, je sais que j’ai une ouverture d’esprit et je savais que je pourrais dealer avec les questionnements que la discussion allait engendrer. Je suis une personne sarcastique et j’ai une belle relation avec mes élèves, ce qui me permet parfois d’aller un peu plus loin», exprime Mme Carbonneau.

Puis, un matin de mai 2016, Pierre-Alexandre fait savoir à sa complice qu’il se sent prêt. Ce sera donc le grand jour! «Je me souviens que j’ai commencé mon cours en disant au groupe: "J’ai une question quizz pour vous ce matin: Savez-vous ce qu’est un transgenre? En connaissez-vous dans votre entourage?" Puis, après un petit tour d’horizon, j’ai poursuivi en leur disant que dorénavant, ils pourront répondre «oui», car Alice devient Pierre-Alexandre», indique la professeure.

Évidemment, à ce moment précis, les regards se sont immédiatement tournés vers P-A. «J’étais tellement prêt, convaincu et confiant dans ma démarche, que ce qui allait se passer autour m’importait peu. Peu importe les réactions des autres, je me sentais délivré», soulève le jeune homme.

Ainsi, toute l’heure du cours a été passée sur le sujet. Les élèves posaient leurs questions à P-A, sous la supervision de l’enseignante. Quand elle sentait qu’il était un peu embarrassé, elle reprenait la balle au bond. La discussion a tellement suscité l’intérêt que même quand la cloche a sonné, les élèves sont restés!

«Je me dégênais tranquillement, j’étais de plus en plus dans un état de détente. Les jeunes me disaient qu’ils m’acceptaient et certains m’ont écrit des messages sur Facebook après l’école», se souvient Pierre-Alexandre.

«C’était tellement beau à voir. Le groupe était fier de lui et il n’y a eu aucun commentaire de cabochons! Ce n’est pas facile d’emblée, mais aucun élève n’a porté de jugement négatif, renchérit son enseignante. À la limite, certains adultes ont plus de difficulté avec la différence…sûrement par ignorance.»

Puis, Sylvie Carbonneau s’est adressée à ses élèves avec une directive très claire: «J’ai avisé ma gang qu’ils pouvaient en parler à leurs amis des autres groupes. Mais je les ai avertis que le message qui allait circuler devait être amené dans le respect et dans une approche positive.»

Pour le reste de l’année scolaire, tout s’est très bien déroulé. Comme le changement de nom de P-A s’est effectué de manière progressive, ça a parfois laissé place à des anecdotes. Les deux complices admettent qu’ils ont toujours utilisé l’humour pour désamorcer les situations.

Pierre-Alexandre s’est aussi réjoui de voir que ses autres enseignants ont fait preuve d’ouverture et de compréhension face à lui. Signe que son cheminement progressait et qu’il s’assumait pleinement, quand quelque chose ne fonctionnait pas avec un prof, par exemple, il s’affirmait et n’hésitait pas à en discuter.

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