Une erreur qui cause des maux de tête

Saint-François-du-Lac demande au gouvernement d’indemniser une douzaine de contribuables de la rue du Domaine dont les propriétés sont prises en otage en raison d’une erreur sur la carte des mouvements de terrain.

«Il n’y a personne qui sera évacué, assure l’inspecteur municipal, Marcel Niquet. Les propriétaires qui sont là vont pouvoir continuer de faire usage de leur propriété. Par contre, ils peuvent soit se considérer comme étant en danger, avoir de la difficulté à vendre leur maison ou voir la valeur de leur résidence considérablement réduite».

 

«Ce qui est encore pire, c’est qu’il y en a qui ont investi des sommes importantes pour acheter des terrains et qui ne peuvent plus bâtir leur maison», continue l’inspecteur municipal.

 

La municipalité, de son côté, a investi près de 300 000 $ pour installer un réseau d’aqueduc dans le secteur de la rue du Domaine. «Notre projet n’aurait pas dû, lui non plus, être accepté», déplore Marcel Niquet.

Un agent pour évaluer les pertes

Après avoir écrit des lettres aux différents ministères concernés, la municipalité de Saint-François-du-Lac a décidé de se servir des médias pour tenter de faire bouger les choses.

Le député de Nicolet-Yamaska, Jean-Martin Aussant, a aussi remis les lettres en main propre aux ministères concernés, mais les démarches n’ont toujours pas abouti.

 

Tout comme la municipalité de St-François-du-Lac, il souhaite qu’un agent vienne évaluer les pertes de chacun des propriétaires concernés. «Ce serait la meilleure façon, en nommant un arbitre indépendant», lance-t-il.

 

«Ce ne serait pas très compliqué de mettre un homme là-dessus, insiste M. Niquet. On parle d’un secteur d’une dizaine de terrains».

 

«Tout comme pour les sinistrés de la rivière Richelieu ou ceux qui ont été incommodés par les vents et les grandes marées en Gaspésie, il y a des programmes qui existent pour indemniser les propriétaires», plaide le député de Nicolet-Yamaska.

 

L’enrochement des berges n’a pas été retenu comme solution puisque cela coûterait plus cher au gouvernement que de racheter toutes les maisons de la rue du Domaine.

Une erreur qui remonte à près de 30 ans

Le gouvernement s’est aperçu de cette erreur au printemps 2009, lorsqu’un glissement de terrain a emporté un champ d’épuration d’une maison et forcé le déplacement de cette résidence.

L’imbroglio vient du fait que la municipalité s’était toujours servie de la carte émise par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune datant de 1983 que lui avait remise la MRC de Nicolet-Yamaska.

 

Sur celle-ci, la rue du Domaine était identifiée comme étant une zone à risque «hypothétique». La municipalité s’appuyait donc sur ce document pour accorder des permis de construction.

 

À la suite du glissement de terrain de 2009, le ministère des Transports du Québec (MTQ), qui gère désormais les zones de risque de mouvement de terrain, a manifesté son étonnement. Sur la carte du MTQ, la zone était identifiée comme étant à «faible risque».

 

Or, depuis 2003, l’application du règlement de contrôle intérimaire (RCI) sur les zones à risque de mouvement de terrain de la MRC interdit la construction sur les zones identifiées comme étant «à faible risque».

 

Depuis l’entrée en vigueur du RCI, neuf terrains vacants ont changé de propriétaires, dont deux ont été construits. Les sept autres sont encore vacants. Il y a aussi trois terrains déjà occupés par une maison mobile qui ont changé de main. Ce sont ces terrains qui sont touchés par la situation.

 

«L’erreur est due au fait qu’il manquait un identifiant au photo-interprète lorsqu’il a délimité les zones», explique l’aménagiste de la MRC de Nicolet-Yamaska, Jean-François Albert.

 

«Après le glissement de terrain, je me suis inquiété. Il y avait peut-être d’autres secteurs dans le même cas, raconte l’aménagiste. Le ministère a repris les analyses. Il manquait effectivement des identifiants à certains endroits, mais c’était toujours en plein milieu d’un champ où il n’y avait pas d’enjeu».

Des propriétaires en colère

Plusieurs propriétaires concernés étaient présents lors de la conférence de presse tenue au sous-sol de l’Hôtel de Ville de St-François-du-Lac.

Certains s’inquiétaient pour la valeur de leur propriété ou leur cote d’assurance et d’autres remettaient en question le paiement de leur compte de taxes municipales. Il a aussi été question d’entreprendre un recours collectif.

«Nous sommes surpris. Nous étions corrects et tout à coup, on se retrouve dans une zone où on ne peut plus construire. C’est un choc», témoigne Sylvie Paquet, l’une des personnes concernées.

«Mettons que je suis choqué, renchérit Kevin Boisvert. Ma maison préfabriquée était prête. J’ai dû annuler la commande après qu’on m’ait refusé le permis. J’ai quand même dû payer du temps à la compagnie pour la maison».

Jesus Perez, qui est le voisin immédiat de la maison qui a été emportée au printemps 2009, ne craint pas pour sa sécurité. «Je ne me sens pas en danger, assure-t-il. Je veux rester ici. J’aime demeurer sur le bord de la rivière».