Près d’un «point de non-retour» pour la planète, croit Jean Lemire

ENVIRONNEMENT. Après avoir complété son tour du monde dans le cadre de son projet «1000 jours pour la planète», le biologiste et cinéaste Jean Lemire sonne l’alarme.

À bord du voilier Sedna IV, lui et son groupe de scientifiques ont vu des choses qu’il a qualifiées d’horribles. À un point tel qu’il estime que la planète est arrivée à un «seuil critique» et se trouve tout près d’un «point de non-retour».

«Jamais la biodiversité sur l’ensemble de la planète n’a connu un taux d’extinction des espèces aussi élevé», a-t-il rappelé, en marge de l’inauguration d’une exposition immersive sur le fleuve Saint-Laurent et d’un Espace qui porte son nom au Centre de la biodiversité du Québec, à Bécancour.

«En ce moment, on surexploite les ressources. Si on regarde seulement les Canadiens, on aurait besoin de 150% des ressources naturelles de la planète par année, indique-t-il. On a besoin de plusieurs planètes par année pour simplement balancer notre «budget» entre ce que l’on consomme et ce que la Terre produit. Ça ne peut plus durer».

Jean Lemire estime que la Conférence de Paris sur les changements climatiques, qui aura lieu en décembre prochain, sera déterminante. «Je garde confiance, parce que l’éducation est en train d’amener des changements de mentalité, mais il faut maintenant agir», a-t-il commenté.

Son groupe a d’ailleurs demandé aux enfants de partout dans le monde de faire des dessins sur ce que sera pour eux la planète de demain. Ils se sont engagés à remettre les œuvres aux dirigeants de la planète pour tenter de les sensibiliser.

«J’ai assisté à beaucoup de réunions de l’ONU et c’est souvent dans les derniers milles que le vote se prend. Il y a toujours des facteurs qui influencent un OUI ou un NON, ou une concession qu’on doit faire sur une convention qui va être signée, mentionne-t-il. Il n’y a que nos enfants pour réussir à toucher le cœur de ses dirigeants, pour qu’ils pensent à eux. Parce que toutes ces actions que l’on tente de mettre en place sur la scène internationale, nous les faisons d’abord et avant tout pour nos enfants.»

Il admet toutefois avoir des doutes que la Conférence de Paris réussisse à atteindre son objectif de maintenir le réchauffement mondial en deçà de deux degrés Celsius. «Parce que les efforts à faire vont être énormes. Est-ce que ce sont les premiers pas qui vont nous amener à nous diriger vers des restrictions de plus en plus grandes? Je l’espère».

Celui qui parcourt les mers depuis une douzaine d’années estime tout de même qu’il y a plus d’optimisme qu’il y en a eu lors des autres conférences, parce que la Chine et les États-Unis se sont engagés sur une entente de réduction des gaz à effet de serre.

Jean Lemire croit toutefois que le Canada doit afficher une position beaucoup plus avant-gardiste. «Le Canada fait figure de cancre dans les réunions internationales, déplore-t-il. Il a longtemps été un leader sur la scène internationale et il est maintenant parmi les pires joueurs qui retardent le processus».

La filière gazière à éviter

Par ailleurs, Jean Lemire estime que le transport du pétrole sur le fleuve Saint-Laurent est un non-sens. «On n’est pas équipé pour faire face à un déversement. Si jamais il arrive quelque chose, il va y avoir des effets catastrophiques».

Pour lui, le développement de la filière gazière est à éviter. «Ce sont les grands experts qui le disent: tout ce qui est dans le sol devrait rester dans le sol. On a tellement d’autres alternatives», note-t-il, estimant que l’épineux dossier des gaz de schiste doit rester sur la glace pour encore très longtemps.

Le biologiste et cinéaste de réputation internationale déplore d’ailleurs le double discours du gouvernement du Québec dans le développement de la filière gazière. «D’un côté, on nous dit que le Québec peut être un modèle dans la lutte au gaz à effet de serre. De l’autre côté, attiré par les retombées économiques, on veut absolument développer la filière pétrolière et gazière au Québec, souligne-t-il. C’est un discours qui ne tient pas la route. On ne peut pas dire oui et non de la même bouche».

 

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