Les propos du pape accueillis avec joie au diocèse de Nicolet

ENVIRONNEMENT. L’encyclique du pape François, Laudato Si’ sur la «sauvegarde de notre maison commune» a trouvé un écho dans le diocèse de Nicolet.

Cette lettre interpelle l’ensemble de «la famille humaine» dans la reconsidération d’une question que François estime urgente pour déterminer «quel genre de monde [nous voulons] laisser à ceux qui nous succèdent, aux enfants qui grandissent».

Le Pape poursuit: «Cette question ne concerne pas seulement l’environnement de manière isolée, parce qu’on ne peut pas poser la question de manière fragmentaire», et ceci conduit à s’interroger sur le sens de l’existence et de ses valeurs à la base de la vie sociale.

Pour les personnes engagées dans l’Église de Nicolet, le document important que vient de publier François est un encouragement à poursuivre dans la voie du soin à la Création. «Non seulement est-il important de le poursuivre, mais d’aller plus loin et d’ancrer cet engagement radical toujours plus fortement dans la foi chrétienne: une foi qui nous pousse à prendre soin de tous nos frères et soeurs», indique l’évêque de Nicolet, Mgr André Gazaille.

Parmi les exemples de lieux d’engagement pour la protection de l’environnement déjà en marche dans le diocèse de Nicolet, il mentionne le travail du comité diocésain Alonvert, du programme Église verte dans lequel sont entrés plusieurs paroisses et organismes, et de Développement et Paix qui a mis en place tout un plaidoyer sur la justice écologique.

Le point de presse du diocèse de Nicolet s’est d’ailleurs tenu en marge de l’assemblée générale annuelle du conseil diocésain de Développement et Paix. Une trentaine de personnes impliquées y participaient.

Des porte-parole de l’organisme catholique de solidarité internationale – bien connu pour la campagne du Carême de partage – ont voulu mettre en lumière un autre pan très important de leurs activités: les campagnes de plaidoyer.

Ces actions de sensibilisation qui comprennent souvent une intervention de nature politique non partisane se déroulent à l’automne.

«La prochaine campagne de plaidoyer, à l’automne 2015, portera justement sur les changements climatiques sous le thème "Créons un climat de changement"», a indiqué Élisabeth Desgranges, animatrice régionale.

«On proposera aux membres de faire signer des cartes d’action pour rappeler aux dirigeants l’importance de prendre des engagements fermes pour la lutte aux changements climatiques en vue de la conférence de Paris. De plus, nous inviterons la population à prendre part à des vigiles pour la justice écologique entre le 24 et le 26 octobre, et à marcher le 29 novembre prochain dans le cadre de la mobilisation internationale de la coalition climat 21», souligne-t-elle.

L’enjeu des changements climatiques

L’encyclique aborde d’ailleurs le problème du climat sans détour, six mois avant la Conférence de Paris sur les changements climatiques. Le texte affirme, avec quantité d’études scientifiques à l’appui, que «l’humanité est appelée à prendre conscience de la nécessité de réaliser des changements de style de vie, de production et de consommation, pour combattre ce réchauffement […]

De nombreuses études scientifiques signalent que la plus grande partie du réchauffement global des dernières décennies est due à la grande concentration de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, oxyde de nitrogène et autres) émis surtout à cause de l’activité humaine», est-il écrit au 23e paragraphe.

Jean-Denis Lampron, qui a participé récemment à une assemblée nationale de Développement et Paix, en revient avec une conviction: «Le pape François a été très clair pour exprimer son désir que l’encyclique "Loué sois-tu" puisse être une contribution de l’Église catholique au sommet des Nations Unies sur les changements climatiques à Paris», a-t-il mentionné.

Développement et Paix y aura d’ailleurs une délégation nationale pour participer à deux niveaux: «Au niveau du plaidoyer, nous assisterons à titre d’observateurs aux négociations internationales; au niveau de la mobilisation, nous ferons partie des nombreuses organisations de la société civile sur place. Il y a aura diverses activités organisées auxquelles nous prendrons part», explique Élisabeth Desgranges.

D’autres thèmes de la justice écologique

Les deux autres grands thèmes environnementaux dont traite Laudato Si’ sont la perte de la biodiversité et la question de l’eau.

Avec les changements climatiques, ces trois enjeux, lorsqu’ils ne sont pas abordés avec un souci «du droit de vivre et d’être heureux» sont à la source d’une détérioration de la qualité de la vie humaine et d’une dégradation sociale.

Ils entraînent aussi, selon François, de graves inégalités planétaires qui affectent surtout les plus pauvres et les plus vulnérables.

Comme propriétaire d’entreprise, le diacre permanent Jean-Denis Lampron a la conviction que nous avons des choix à faire pour renverser la vapeur sur ces questions environnementales. «Les choix individuels sont importants, mais les citoyens doivent aussi connaître leur pouvoir en tant que consommateurs, pour inciter les entreprises à changer leurs pratiques. Et comme citoyens, nous avons aussi un lieu d’influence après de nos représentants. Si on a accès à un autre niveau décisionnel, comme élu ou comme entrepreneur, il faut prendre conscience que notre façon d’exercer ce pouvoir doit s’ancrer dans une autre vision du monde, une vision solidaire où nous sommes responsables de l’avenir de l’humanité et de sa maison commune», dit-il.

Un ancrage spirituel

Dans de nombreuses déclarations, le pape a aussi été clair sur un point: les questions écologiques ne sont pas seulement l’affaire des écologistes ou des «verts» dans l’Église. C’est l’affaire de tous les chrétiens.

«Je veux proposer aux chrétiens quelques lignes d’une spiritualité écologique qui trouvent leur origine dans des convictions de notre foi, car ce que nous enseigne l’Évangile a des conséquences sur notre façon de penser, de sentir et de vivre. Il ne s’agit pas de parler tant d’idées, mais surtout de motivations qui naissent de la spiritualité pour alimenter la passion de la préservation du monde», écrit François (paragraphe 216).

La responsable du service Présence au monde, Odette Laroche-Belval, se réjouit de ce lien fort qui est fait entre la foi et l’engagement écologique: «Parfois, comme chrétienne ou chrétien, on a la fausse impression que c’est Dieu qui décide tout et que nous subissons les conséquences. Mais ce genre de conception mène à la fatalité et au désengagement. Au contraire: la Bonne Nouvelle c’est que nous sommes des humains libres, et que cette liberté engage notre responsabilité à vivre à la suite de Jésus qui met l’amour du prochain au centre de notre foi. Cela inclut notre engagement pour les conditions de vie de tous les êtres humains, au coeur de la Création», dit-elle.

Elle souligne l’importance de développer la conscience d’une communion universelle, comme le dit si bien l’encyclique: «Créés par le même Père, nous et tous les êtres de l’univers, sommes unis par des liens invisibles, et formons une sorte de famille universelle […] qui nous pousse à un respect sacré, tendre et humble.» (paragraphe 89)

En lisant l’encyclique Laudato Si’, on ne peut ignorer que les questions économiques, sociales et politiques ne sont pas considérées à part de la spiritualité chrétienne qui motive nos actions; pas plus que les questions liées à l’environnement ne sont comprises en dehors du souci pour l’humanité qui trouve sa source dans l’Amour inconditionnel de Dieu pour son peuple. «C’est là tout l’inédit de l’écologie intégrale», souligne Mgr Gazaille.

Et l’encyclique rappelle: «L’amour, fait de petits gestes d’attention mutuelle, est aussi civil et politique, et il se manifeste dans toutes les actions qui essaient de construire un monde meilleur. L’amour de la société et l’engagement pour le bien commun sont une forme excellente de charité» (paragraphe 231).

Ce texte de 192 pages s’appuie non seulement sur les Écritures (notamment le récit de la Genèse et l’attention de Jésus à la nature dans l’Évangile) et sur l’intuition spirituelle de plusieurs saints, à commencer par François d’Assise, mais aussi sur une abondante littérature scientifique qui fait consensus.

«L’Église n’a pas la prétention de juger des questions scientifiques ni de se substituer à la politique, mais j’invite à un débat honnête et transparent, pour que les besoins particuliers ou les idéologies n’affectent pas le bien commun», écrit François (paragraphe 188).

L’écologie globale nous amène à rééquilibrer notre conception de l’environnement, souligne Mgr André Gazaille. «Il ne s’agit pas de voir les ressources de la terre comme un objet, un réservoir dans lequel nous pourrions puiser sans fin: pour Dieu, toute sa Création est bonne. Mais on ne peut pas non plus considérer l’environnement d’une manière qui méprise la vie humaine pour valoriser seulement la nature et sa préservation: ce serait aller à l’encontre de l’Amour infini de Dieu pour nous, les humains, à qui il confie son oeuvre». L’encyclique cherche à réunifier le rapport de l’être humain avec le reste de la Création: «S’il est vrai que, parfois, nous les chrétiens avons mal interprété les Écritures, nous devons rejeter aujourd’hui avec force que, du fait d’avoir été créés à l’image de Dieu et de la mission de dominer la terre, découle pour nous une domination absolue sur les autres créatures», explique le Pape (67). Aux humains incombe la responsabilité de «cultiver et protéger» le jardin du monde (cf Gen 2,15) (67), en sachant que «la fin ultime des autres créatures, ce n’est pas nous. Mais elles avancent toutes, avec nous et par nous, jusqu’au terme commun qui est Dieu» (83).