«Les changements climatiques risquent d’aggraver les problèmes d’eau»

EAU. Avec, en main, le Plan directeur de l’eau que viennent d’approuver douze ministères différents, les gens de l’organisme de concertation pour l’eau des bassins versants de la rivière Nicolet (COPERNIC), la directrice générale Karine Dauphin et le président Carol Mc Duff ont entrepris une tournée des municipalités, au moins cinq MRC faisant partie du bassin versant de la rivière Nicolet.

Ces visites sont d’autant plus opportunes que la mission et les services de COPERNIC, pourtant créé en 2002, demeurent méconnus, reconnaît le président.

Opportunes aussi puisque le Plan directeur de l’eau deuxième génération, c’est à la fois le portrait, le diagnostic et les actions (84) que l’on pourrait mener afin de contrer les problèmes d’érosion, de sédimentation et d’inondation de la Nicolet et de sa tributaire, la Bulstrode.

«Et, malheureusement, ces problèmes risquent de s’accentuer avec les changements climatiques», craint M. McDuff.

Il explique que la dynamique de la rivière a été bouleversée par des décennies de redressements, de drainage, d’urbanisation. «Comme si on avait construit un canal pour que l’eau s’écoule le plus rapidement possible vers le fleuve», illustre-t-il.

Les pluies soutenues provoquent l’érosion et, par conséquent, laissent de plus en plus de sédiments dans le lit des cours d’eau, poursuit-il, ce qui menace la qualité de l’eau. Le président de COPERNIC craint même que si rien n’est fait, on en vienne à manquer d’eau potable.

«Il nous faudra voir l’eau autrement qu’en voulant toujours s’en débarrasser vers le fleuve. Il va falloir tenter de la retenir», dit encore M. McDuff. Et les moyens sont nombreux, évoquant notamment la protection des milieux humides, le reboisement de coulées agricoles, la stabilisation des berges… et pas que par enrochement.

Là-dessus, le président de COPERNIC dit qu’on a tendance à vouloir régler un problème en bordure d’un cours d’eau sans se demander ce qui le cause en amont, définissant ainsi en quelques mots le concept de gestion par bassin versant. Par bassin versant, on désigne l’ensemble d’un territoire drainé par un cours d’eau principal et par ses tributaires. La Nicolet et ses tributaires baignent le territoire compris entre Saints-Martyrs-Canadiens, Nicolet, Saint-Fortunat et Drummondville.

Des «vis» à serrer

Les rencontres avec les élus municipaux sont d’autant plus importantes que si plusieurs intervenants «jouent dans l’eau» comme dit Karine Dauphin, les municipalités détiennent un rôle important, ayant de plus en plus de règlements à faire respecter pour assurer la qualité de l’eau.

Mme Dauphin donne l’exemple des installations septiques pour lesquelles le ministère veut que les municipalités serrent la vis quant à leur conformité. À Ham-Nord, notamment, on a fait appel aux services de COPERNIC pour dresser l’inventaire des fosses septiques et Saint-Norbert-d’Arthabaska vient d’adopter une résolution afin de confier un mandat similaire à l’organisme.

Autre règlement auquel les municipalités devront s’astreindre, le RPEP adopté en 2014, visant à produire, au plus tard en 2021, un rapport sur la protection des sources d’eau potable. Géomorphologue de formation, Mme Dauphin explique que ce rapport devra définir les aires de protection autour des sources d’eau potable, repérer les menaces (activités agricole, industrielle ou urbaine) dans les zones concentriques. Ham-Nord, toujours, et Wotton ont fait appel à l’expertise de COPERNIC.

Financement inadéquat, coup d’épée dans l’eau?

Carol McDuff souligne que si, comme 39 autres organismes de bassin versant au Québec, l’organisme à but non lucratif COPERNIC détient, depuis 2009, la reconnaissance légale pour la gestion intégrée de l’eau, qu’il a l’obligation de produire un plan directeur, il ne reçoit toutefois pas le financement pour le mettre en œuvre.

COPERNIC reçoit quelque 125 000 $ par année et pour recruter ses professionnels (des biologistes et des ingénieurs par exemple), il crée des projets, sollicite contrats et subventions. Il en faudrait au moins le triple pour mener les actions inscrites à son Plan, selon M. McDuff.

Est-ce à dire que ce Plan est un bottin de vœux pieux, un «coup d’épée dans l’eau»? «Non, répond le président. Parce que le Plan oriente les actions, qu’elles peuvent être prises en charge par plusieurs intervenants. Les MRC ont avantage à se servir du Plan afin d’éviter la gestion ponctuelle si elles veulent du durable.»

Avec plus d’argent, on pourrait par exemple, multiplier les stations d’échantillonnage – on en dénombre sept sur les 350 kilomètres carrés du bassin versant, effectuer des prélèvements plus fréquents qu’une fois par mois et procéder à d’autres analyses que les actuelles pour se faire une meilleure idée de ce qui se trouve dans l’eau, explique la directrice générale.

«C’est pour cette raison, qui en est même une de survie, que COPERNIC veut développer une offre de services», note le président.

Puisque, comme une «araignée a des pattes un peu partout» sur le territoire entre le lac Nicolet et le fleuve Saint-Laurent, COPERNIC peut tout à la fois répondre à une municipalité qui veut stabiliser une berge, qu’à un producteur dont l’érablière est menacée par une érosion, qu’un propriétaire dont la maison risque de glisser dans la rivière.

On peut prendre connaissance du Plan directeur de l’eau au http://www.copernicinfo.qc.ca/pde.html.

Trois problèmes

Inondations

«Le linéaire du réseau hydrographique des bassins versants de la rivière Nicolet porte les cicatrices de nombreux aménagements de cours d’eau, en raison de motifs économiques, entre autres la mécanisation agricole et l’extension urbaine. Les cours d’eau ainsi modifiés ont souvent perdu leur dynamique naturelle.»

Érosion

«L’érosion dans la zone Nicolet est devenue un problème général très significatif et, dans l’hypothèse d’un changement climatique, ce phénomène ira en s’aggravant. Des conséquences aussi importantes demandent de trouver des solutions pour en minimiser les effets. L’érosion a également des conséquences sur d’autres problématiques majeures dans le bassin versant, comme l’accroissement de la sédimentation et des inondations.»

Sédimentation

«Cette problématique dans la zone Nicolet est majeure, et particulièrement dans les lacs et dans les cours d’eau en milieu agricole. Les Trois Lacs, le lac Denison, le réservoir Beaudet en sont des exemples, et leur sédimentation excessive les conduit plus rapidement à leur comblement et à leur disparition dans un futur proche, et à une perte d’eau potable pour le cas du réservoir Beaudet. Sans oublier le lac Saint-Pierre, pour lequel une modification de son écosystème a déjà été documentée.»

Extraits du Plan directeur de l’eau (deuxième génération) de COPERNIC