Le juriste qui s’oppose à l’expansion des hydrocarbures

PORTRAIT. Il aurait pu devenir l’un des meilleurs journalistes de sa génération. Brillant orateur à l’esprit vif et excellent vulgarisateur, Richard E. Langelier a pourtant perçu le droit comme la meilleure façon de vivre en adéquation avec ses valeurs, celle d’informer les gens de leurs droits. Quitte à le faire sans profits monétaires.

L’homme originaire d’Upton a vécu de nombreuses années à Montréal avec sa compagne, Marie-France Benoit. Sous peu, sa maison de campagne de Saint-Bonaventure deviendra sa résidence principale.

Si le nom de Richard E. Langelier circule autant dans les médias en ce moment, c’est que l’homme à la chevelure grisonnante s’investit corps et âme à pourfendre l’exploitation des hydrocarbures, dénuée d’un encadrement législatif clair.

Le juriste doté d’un doctorat en droit aurait pu prendre sa retraite, terminer tranquillement sa deuxième thèse doctorale (en sociologie), mais le hasard en a décidé autrement.

Le Règlement dit de Saint-Bonaventure

Un jour, le maire de Saint-Bonaventure Félicien Cardin est venu cogner à sa porte afin d’être conseillé dans l’élaboration d’une règlementation municipale visant à régir les distances séparatrices entre les sources d’eau et les installations gazières.

Citoyen de l’endroit,  Richard E. Langelier s’est senti immédiatement interpelé. Il n’a pas fait ni une ni deux et s’est entouré d’experts et juristes de haut calibre : Jean Hétu, Jean-François Girard et Céline Marier. Le groupe a ainsi articulé ce qui est désormais connu sous le nom de Règlement dit de Saint-Bonaventure et qui a été depuis adopté par plus de 125 municipalités.

Ce geste d’implication citoyenne aura des répercussions à long terme dans l’agenda de l’homme de loi. Il délaissera (temporairement) la rédaction de sa seconde thèse doctorale puis, sollicité par de nombreuses organisations environnementales, il s’investira peu à peu dans la législation liée aux hydrocarbures.

De passion et de devoir

Petite anecdote au passage, sa femme Marie-France rapporte que son homme ne connait plus tellement la définition du mot vacances. «Cet été, nos vacances en Gaspésie ont tourné en une série de conférences», raconte celle qui est elle-même engagée pour la cause des femmes depuis de nombreuses années.

L’environnement n’est pas la première cause qui retient l’attention du juriste, sur le point de devenir l’un des plus qualifiés bénévoles que le Québec ait connu.

Au début des années 1970, fraichement diplômé en droit, le juriste et sa femme avaient ouvert une clinique de services juridiques à Saint-Hyacinthe, devenant ainsi l’un des premiers centres d’information juridique accessible à tous, au Québec. «On nous appelaient les avocats populaires», se rappelle-t-il.

Il insiste pour être présenté comme «juriste», car il a sauté l’étape du Barreau. En raison de ses performances académiques, l’université lui a plutôt suggéré de s’orienter vers la recherche, de pousser ses études jusqu’au doctorat.

«Ma vie est partagée en segments. J’ai différents centres d’intérêts», admet-il.

L’importance d’informer

En plus d’étudier de près le travail des journalistes en lien avec l’administration de la justice, M. Langelier a enseigné au Mali, au Bénin, en Guinée-Conakry. «J’adore enseigner, j’aime le rapport avec les gens et les aider à cheminer», confie-t-il.

L’homme de droit de Saint-Bonaventure n’est pas seulement doté d’une facilité à comprendre les puzzles législatifs. Il est également animé d’une passion hors du commun qui le pousse à s’investir intensément à tout ce qu’il approche.

Son opposition à l’expansion des hydrocarbures a suivi naturellement son intérêt pour la protection de l’eau potable, en raison du caractère dévastateur de la fracturation hydraulique.

Depuis plusieurs mois, le juriste et quatre experts scientifiques (Marc Brullemans, Marc Durand, Céline Marier, Chantal Savaria) rencontrent citoyens, organisations et élus municipaux pour leur apporter une preuve tangible qu’il faut cesser les forages dans la Belle Province et à Anticosti.

La région de Drummondville ne fait pas bande à part. Sous ses terres passe l’oléoduc Lévis-Montréal. Lors de son installation en 2012, il était prévu que le pipeline transporte 100 000 barils de pétrole par jour. L’une des deux stations de pompage est située à Saint-Majorique.

Récemment, le collectif de Richard E.Langelier a repris sa croisade. Cette fois, c’est le projet de loi 106 qui en est au cœur. «C’est un projet de loi Mammouth», s’insurge-t-il, en soulignant le manque de clarté totale qui en découle et qui laisse une large marge de manœuvre au ministère ainsi qu’aux pétrolières. Trop, selon lui.

L’homme de Saint-Bonaventure ne s’attarde jamais longtemps sur lui-même. Il n’a pas été père, aussi s’est-il consacré au bien de sa collectivité. Un jour, son nom sera inscrit sur la liste des bâtisseurs du Québec.