L’asphalte montre patte blanche auprès des écologistes

Revêtement chouchou des baby boomers, l’asphalte faisait grincer des dents les écologistes qui n’avaient pas tardé à braquer leurs projecteurs sur ce produit en apparence dommageable pour l’environnement. Il fume au soleil, il pue lors de l’application sur les routes et les entrées de cour et il renferme du pétrole. Mais le vent commence à tourner.

La nouvelle est passée presque inaperçue. Pourtant, une étude commandée par le ministère des Transports du Québec (MTQ) a permis d’apprendre que l’asphalte comme revêtement de chaussée est un produit écologique et conforme au développement durable.

 

Les experts du MTQ s’étaient mis au travail en 2002 pour analyser les bons et les mauvais côtés de l’asphalte et du béton. Conclusion : l’asphalte est écologique et efficace tout en étant rentable sur le plan économique.

 

Selon le MTQ, les chaussées d’asphalte sont de 82 à 111 % moins polluantes. Plus souple que le béton, l’asphalte génère peu de bruit. Comme le béton, l’asphalte est recyclable en grande partie.

 

La nouvelle a fait le bonheur des dirigeants de Bitume Québec: « Les industries du bitume et des enrobés bitumineux étaient convaincues de la supériorité écologique de leurs produits depuis de nombreuses années et nous en avons maintenant la preuve. Il s’agit d’une belle victoire qui nous incite à redoubler d’efforts afin que l’asphalte continue d’être reconnu comme le revêtement le plus écologique, sécuritaire, durable, silencieux et entièrement recyclable», a affirmé le président Claude Blais.

 

Le 16 avril dernier, Bitume Québec brandissait une deuxième étude, européenne cette fois-ci, menée par l’International Agency for Research on Cancer selon laquelle les vapeurs dégagées par l’asphalte ne provoquent pas le cancer du poumon.

Résine et huile végétale

N’empêche: des tests sont effectués un peu partout dans le monde pour améliorer l’asphalte et la rendre encore plus écologique. À commencer par la Ville de Montréal qui expérimente un nouvel asphalte inodore, composé de matières recyclables et appliqué à froid. En Suède, on met à l’épreuve un nouveau type d’asphalte écologique qui, selon l’entreprise qui l’a conçu, permet de réduire la facture de l’énergie de 20%, les émissions de dioxyde d’azote de 70% et celles du dioxyde de carbone de 30%. Un nouveau mélange et un nouveau procédé de fabrication sont à l’origine de cet asphalte «vert». On chauffe le mélange à une température d’environ 120 degrés Celsius au lieu de 160 degrés. Un bonus : ce type d’asphalte dure plus longtemps que le type traditionnel. Mais l’innovation qui fait le plus jaser appartient à la multinationale Colas. D’abord, il faut savoir que l’asphalte traditionnel renferme un mélange de granulats (roche, sable et gravier) que lie entre eux un bitume obtenu à partir de pétrole. Qui dit pétrole dit pollution. Colas a fait preuve d’imagination en créant un nouveau lien : le Végécol. Le produit comprend de la résine et de l’huile végétale. Le Végécol est déjà testé au Québec, notamment à Dorval où des traverses pour piétons sont composées de bitume végétal.

Entrées de cour

Par contre, l’asphalte présente un inconvénient majeur comme revêtement de chaussée pour les entrées résidentielles. C’est là que les écologistes risquent de livrer leur prochaine bataille.

Le Bureau d’assurance du Canada et l’Union des municipalités du Québec aimeraient bien voir les propriétaires de terrains réduire leur surface asphaltée ou couverte de béton et de pavés unis afin de permettre aux eaux pluviales de s’écouler non pas dans les puisards des villes et villages, mais dans le sol jusqu’à la nappe phréatique. Les deux organismes rappellent que le gravier et les pavés conçus expressément pour laisser les eaux de pluie prendre la direction du sol représentent des solutions de rechange intéressantes.

 

L’avantage est double. D’une part, le ruissellement naturel épargne le réseau d’évacuation municipal qui en arrache de plus en plus avec les pluies soudaines et diluviennes appelées à se multiplier avec les changements climatiques. De l’autre, les refoulements dans les caves des propriétés seront réduits à leur strict minimum.

 

De plus, le sol serait mieux hydraté, surtout dans une ville à la terre argileuse comme celle de Montréal, un atout majeur en cas de sécheresse.

 

Autrefois, la libre circulation des eaux pluviales se révélait néfaste parce qu’elle drainait dans son trajet vers la nappe phréatique toute sortes de matières polluantes déposées par l’être humain : pesticides, restes d’huile, excréments, saletés, résidus de sel, etc. Mais l’obsession de protéger l’environnement des dernières années a fait apparaître un citoyen davantage conscient des dommages causés par sa négligence.

Peu esthétique

Reste que l’asphalte fait toujours figure de mouton noir dans l’univers des revêtements de chaussée. Le 3 mai dernier, des élus du Plateau Mont-Royal étaient fiers d’annoncer en conférence de presse que la surface asphaltée allait être réduite dans les parcs de l’arrondissement au profit d’espaces plus verts.