L’ail à la mode de chez nous

La Chine a la réputation d’être le manufacturier du monde. En sera-t-il bientôt aussi le garde-manger?

En tout cas, pour ce qui est de l’ail, c’est déjà fait. Les bulbes que les consommateurs achètent dans nos épiceries québécoises ont été cultivés dans leur grande majorité par des Chinois – le quart de la production mondiale plus précisément – et emmenés chez nous par transport maritime.

Néanmoins, il est toujours possible de trouver de l’ail cultivé localement, ici dans la région. «Ça demeure une production marginale mais ça fait partie de quelques paniers offerts par les producteurs maraîchers biologiques», affirme Jacques Painchaud, agronome et conseiller en production légumière et fruitière au bureau du MAPAQ à Drummondville.

Pourtant dans les années 1990, Les Cultures de chez-nous, un producteur de poireaux et d’asperges de Sainte-Brigitte-des-Saults, avait tenté l’aventure de l’ail à grande échelle. «Il pratiquait la culture et la transformation, relate Jacques Painchaud, mais il a cessé rapidement de le cultiver car l’ail de Chine est trop bon marché pour arriver à le concurrencer et faire ses frais. Même la transformation a été abandonnée un peu plus tard pour les mêmes raisons.»

Il faut pourtant goûter une fois l’ail du Québec pour constater toute la différence. «On ne parle pas de la même qualité, confirme l’agronome. L’ail qu’on consomme a perdu une bonne partie de sa fraîcheur lorsqu’il arrive sur les tablettes des supermarchés. Il n’y a qu’à voir ces germes sur les bulbes pour le constater.»

À la mode de chez nous

«Ça n’a rien à voir avec la finesse de l’ail rose de Lautrec», renchérit Jacques Dehais, des Serres de la Nouvelle-France. Ce producteur bio de Charette, dans la MRC de Maskinongé, a planté les 24 et 25 décembre 2009 plus de 3000 bulbes d’ail de Lautrec, une variété française protégée par un label en Europe. «J’ai risqué le paquet comme on dit et cela a très bien fonctionné», raconte ce Français de la région de Normandie établi au Québec depuis 33 ans.

Parce qu’il est cultivé en serre, l’ail de Lautrec de M. Dehais est arrivé rapidement à maturité dès le mois de juin même si il avait été planté tard en saison. «Il est je dirais trois fois plus fort de celui qu’on retrouve dans les épiceries mais il se digère mieux», poursuit-il. Le producteur est vendu comme on dit à cette plante potagère. «J’en consomme tous les jours. C’est un anti-bactérien naturel et c’est bon pour le cholestérol.» L’ail rose de Lautrec se caractérise par son goût doux et légèrement sucré.

Jacques Dehais écoule sa production via les groupes Écomarché à Trois-Rivières et Fierté d’ici à Louiseville. Cet automne, il refera l’expérience avec cette fois-ci 5000 bulbes. Il tentera aussi l’expérience avec une nouvelle variété qui lui permettra d’offrir de l’ail tressé, ce que ne permet pas l’ail de Lautrec à cause de sa hampe florale rigide. Environ 5000 autres bulbes de ce type seront également mis en terre dans les prochaines semaines.

Jacques Dehais est bien conscient que les Serres de la Nouvelle-France n’arriveront jamais à concurrencer la Chine mais chaque consommateur qui goûte une seule fois son ail ne voit plus jamais celui offert dans les supermarchés de la même façon.