«Je pensais annoncer que je quittais» – Dr Guillaume Langlois

Au fil des ans, la lumière au bout du tunnel est devenue une toute petite lueur pour le docteur Guillaume Langlois. C’est à elle qu’il s’accrochait pour tenir le coup. Mais il y a quelques mois, cette lueur s’est éteinte. Comme la motivation du docteur, fatigué de tenir à bout de bras la Coopérative de santé de Sainte-Gertrude.

«Je ne veux pas travailler dans n’importe quelle condition médicale. Je veux être capable de prendre en charge mes patients correctement. Dans la dernière année, j’ai tellement travaillé… Je ne voyais plus le bout et j’ai perdu le goût. À chaque jour, je voyais de 15 à 18 patients sans rendez-vous et comme ça débordait, certains n’étaient pas contents. C’était très difficile de subir cette pression en sachant qu’on a un projet qui peut tout régler.»

 

Ce projet, c’est l’agrandissement de la clinique de santé, qui permettrait de recevoir en renfort du personnel tant médical qu’administratif. Un projet qui stagne depuis deux ans. «C’était dans les plans initiaux, quand on m’a demandé de venir travailler dans la région. J’étais supposé pouvoir déléguer une partie de mes patients à d’autres professionnels pour gérer seulement ce qui concernait le médecin de famille», explique celui qui oeuvre à Sainte-Gertrude depuis trois ans et demi et qui souhaite ardemment la venue d’un pharmacien, d’un physiothérapeute et d’une infirmière au sein de son équipe. «Ça prend une équipe minimale pour bien travailler», clame-t-il.

 

Mais les délais et les changements au sein de l’administration de la coopérative se sont multipliés, retardant l’arrivée de cette aide si précieuse pour le Dr Langlois et ses collègues. «J’ai envoyé une lettre de démission en juillet en disant qu’il fallait qu’en novembre, on avance. Je voulais qu’on me donne des réponses par rapport au projet : est-ce qu’il allait se faire? Les gens étaient-ils prêts à avancer?»

Sur le point de quitter

N’ayant pas de réponses claires à ses questions, le Dr Langlois a tout simplement cessé d’y croire. «Je pensais annoncer que je quittais en début de semaine dernière (30 janvier)», confie-t-il.

Dans sa tête, il s’était déjà fait un scénario: «Je serais parti de façon progressive, sur six mois ou un an, pour laisser à mes patients le temps de se revirer de bord. J’étais en négociation avec différentes cliniques pour voir où je pourrais m’installer temporairement pour recevoir mes patients, au cas où la clinique fermerait», admet le jeune docteur de 31 ans.

 

Mais deux jours avant de rencontrer le conseil d’administration pour lui annoncer son départ, le docteur Langlois a croisé un de ses patients dans un commerce. «En voyant son visage, j’ai pensé à tous mes autres patients, et je me suis demandé ce qu’ils en penseraient…»

Lettre ouverte

C’est dans cet esprit qu’il a décidé de publier, d’abord sur Facebook et ensuite dans le quotidien régional, une lettre dans laquelle il se vide le coeur et décrie la situation. «Les gens ont tout de suite réagi. Ils se sont mis à m’envoyer des mots d’encouragement, de remerciement et m’ont demandé de ne pas laisser tomber. Même chose au bureau le lundi matin : le téléphone ne dérougissait pas, et les fax et courriels se multipliaient», s’étonne-t-il. Des médias d’un peu partout au Québec ont parlé de cette lettre ouverte. Le Dr Langlois a accordé des entrevues à V Télé, dans l’émission Face à Face, de même qu’à la revue L’actualité médicale, une publication destinée à tous les médecins et étudiants en médecine du Québec. Dans les jours suivants, cette même revue l’a engagé pour s’occuper d’un blogue. Le Groupe de médecine familiale (GMF) de la MRC de Bécancour a également rencontré le Dr Langlois afin de discuter de la situation et trouver une solution pour lui permettre de souffler un peu. «On a conclu une nouvelle entente qui me permettra de prendre en charge plus efficacement 250 de mes patients», se réjouit-il. Même l’Université de Montréal a communiqué avec lui pour l’inviter à poser sa candidature pour l’obtention d’une bourse de soutien au rayonnement. Il promet que s’il est primé, la bourse sera remise à la clinique de Sainte-Gertrude. Bref, les appuis fusent de toutes parts. Par exemple, il a appris vers la fin de la semaine qu’une fondation montréalaise, bien au fait de la réalité des médecins en région, désirait s’impliquer financièrement dans le projet d’agrandissement. Même chose du côté du Centre local de développement, de la Société d’aide aux collectivités de Nicolet-Bécancour et de la Chambre de commerce du Cœur du Québec. La Ville de Bécancour a offert son support moral et technique. Des élèves de St-Sylvère souhaitent aussi donner un coup de main par le biais d’un projet de vitraux. Des particuliers ont commencé à faire des dons et, surtout, une foule de bénévoles s’est mobilisée.

Surfer sur la vague

Gonflé par toute cette énergie, Guillaume Langlois a repris confiance et retrouvé le sourire. «Tout a l’air de vouloir se placer. On dirait que l’esprit de communauté du début est revenu.»

Un esprit de communauté cher à ses yeux : «Quand je suis venu m’installer ici, on m’avait dit qu’il y avait 2000 personnes prêtes à faire tout ce qu’il y avait à faire pour assurer des services de qualité dans leur communauté. Que la coopérative était un moyen de sauver leur village. C’est dans cet esprit-là que je suis arrivé. Je me suis dit qu’ensemble, on allait le sauver, le village.»

 

Dr Langlois souhaite de tout coeur que la vague qui déferle aujourd’hui à Sainte-Gertrude ne s’estompera pas une fois les caméras parties. Il revoit enfin de la lumière au bout du tunnel. Et il ne veut plus qu’elle s’éteigne.