Jacinthe Lampron: opérer en zone de conflit armé

La nicolétaine Jacinthe Lampron vient de s’envoler pour l’Afghanistan. Pas militaire pour deux sous, ni membre d’une mission humanitaire, comment cette jeune femme est-elle passée du rang du Pays-Brûlé à une mission civile à Kandahar? Par la passion… de la médecine.

«Je suis une grande voyageuse. Alors quand j’ai entendu parler des contrats de deux mois à Kandahar, l’idée a fait son chemin et je me suis lancée», raconte avec joie Jacinthe Lampron, un brin timide mais souriante.

Comme plusieurs autres, la jeune femme, dont les parents agriculteurs demeurent toujours à «Nicolet-Sud», est partie de la région depuis un certain temps. «Au cégep, j’avais de bonnes notes. Je me suis dit «Je vais essayer médecine». Ça semblait inaccessible, mais ils m’ont acceptée, et je me suis mise à aimer ça de plus en plus», explique celle qui en est ainsi tombée dans la marmite de la médecine presque par hasard. «Je ne savais pas exactement ce que c’était, ce qu’on faisait en médecine. J’ai fini par réaliser que c’était très physique. Qu’il fallait une bonne constitution pour faire ça.» Hasard aussi que cette prédominance, dans une classe urbaine de médecine, des enfants d’agriculteurs? «On est fait fort on dirait!», lancera en riant la jeune femme, dont la force personnelle ne semble effectivement pas avoir de limites. «Ce que je préfère, ce sont les situations de grande urgence. Il y a beaucoup d’adrénaline, mais je suis très calme, et je ne vois pas le temps passer.» Les grands accidentés, les patients en état critique tout comme ceux en détresse respiratoire, se retrouvent souvent ainsi entre ses mains, pendant plusieurs jours. «Je fais en ce moment une spécialisation universitaire qui mélange trauma – donc les accidents – et soins intensifs –ce qui se fait dans les heures qui suivent», détaille la chirurgienne.

Prises d’otages et mines antipersonnel

C’est précisément cette spécialisation actuellement menée à l’Université d’Ottawa qui, en plus de mener la jeune femme vers les salles d’urgence du Québec, la fera travailler quelques semaines auprès des militaires et des civils victimes du conflit qui sévit en Afghanistan. «À Ottawa, il y a beaucoup de militaires dans nos classes parce qu’il y a des quartiers généraux et un hôpital militaire dans la ville. C’est par un collègue que j’ai entendu parler que l’armée avait besoin de médecins civils spécialisés.» Tentée par l’aventure, elle a ensuite participé à une simulation à la base de Petawawa. «Ça m’a convaincu», dit avec vigueur Jacinthe Lampron, dont la réserve s’estompe aussitôt qu’on parle de médecine et d’aventure. «Je suis entrée dans le processus. Et j’ai eu une formation sur la réalité du terrain: ce qu’on peut s’attendre à voir là-bas comme blessures, la convention de Genève, quoi faire si on est pris en otage, ce que sont les mines antipersonnel…» énumère sans broncher la jeune femme, bien consciente qu’elle fera tout sauf du tourisme à Kandahar. «Je serai soumise au code de discipline militaire et je ne pourrai pas sortir de la base, alors non, je ne ferai pas de tourisme! Mais je me considère vraiment chanceuse de pouvoir vivre ça», conclut Jacinthe Lampron, qui devrait être de retour au pays à la fin de mois de novembre et retrouver son quotidien, pas si différent d’une zone de guerre: soigner les grands blessés du Québec.