Grimper le Mont Denali, du rêve à la réalité

EXPÉRIENCE. En juin dernier, un jeune groupe de cinq alpinistes âgés entre 19 et 21 ans a grimpé le Mont Denali, situé au centre de l’Alaska, la plus haute montagne d’Amérique du Nord culminant à 6 194 mètres d’altitude.

Jean-Philippe Auger, de Grand-Saint-Esprit, est l’instigateur de cette expédition de grande envergure que les aventuriers ont surnommée «Projet Grizzly», soit simplement une association avec une créature vivant en Alaska.

Il aura fallu 3 ans à Jean-Philippe, Vincent Turbide (Saguenay), Jali Lebovitz (Saguenay), Nicolas Dubreuil (Shawinigan) et Félix Meunier (Montréal) pour s’entraîner, ramasser les fonds nécessaires et acquérir les connaissances techniques.

C’est au Cégep de Gaspé et des Îles que les cinq jeunes hommes se sont rencontrés, alors qu’ils étaient tous inscrits au programme «Tourisme d’aventure». C’est seulement 48 heures après être arrivé à Gaspé, en 2014, que Jean-Philippe lance le projet à ses nouvelles connaissances. «On ne se connaissait pas beaucoup, mais juste en discutant, on est quand même capable de feeler les gens et voir quel type de personnes serait partant pour ce genre d’aventure», mentionne Jean-Philippe Auger.

Mais comment a bien pu germer l’idée dans sa tête? «Je me suis toujours intéressé à la montagne et je lisais beaucoup de récits d’autres aventuriers. Puis j’avais le désir de faire ça. Parfois, quelque chose nous pousse et on ne sait pas pourquoi. Moi, c’était ça: je voulais le faire absolument.»

C’est ainsi qu’au jour J, 3 des gars sont partis en auto et ont pris 5 jours pour traverser le Canada, tandis que 2 autres ont pris l’avion. Ils se sont rejoints à Talkeetna, en Alaska, d’où un avion de brousse de 6 places les a embarqués pour les déposer directement sur le glacier.

«Aucune photo ne serait assez représentative pour démontrer à quel point c’est grand. C’est un milieu austère des hommes; c’est tellement immense! C’est un lieu qui nous permet de s’abandonner à soi-même et de faire la paix. Je pourrais dire que c’est comme de faire un «Compostelle», mais en hauteur!», résume Jean-Philippe Auger.

Une préparation de longue haleine

Au départ, les gars voulaient que ce projet soit leur projet de fin de DEC. Ils prévoyaient donc déjà le réaliser quelques années plus tard. Par contre, l’école ne pouvait pas endosser un tel projet avec un haut risque. C’est pourquoi le groupe a pris 3 années pour amasser de l’argent et de l’équipement. Au total, ils estiment entre 6 000$ et 7 000$ par personne le coût de cette expédition. «Pour des jeunes qui avaient un loyer et des études à payer, 3 ans ce n’était pas de trop pour amasser le tout!», lance l’instigateur.

Il ne cache pas que c’est un projet qui a demandé beaucoup de travail, de logistique et de préparation. «La logistique, c’est un domaine qu’on ne connaissait pas; il y a beaucoup d’aspects techniques à maîtriser, que ce soit en matière d’escalade, de camping, etc. On devait aussi se préparer pour affronter les conditions hivernales.»

Les sportifs devaient aussi entraîner leur corps, puisque cette aventure allait en être une difficile sur le plan physique. Heureusement, cette préparation physique n’a pas été compliquée pour eux étant donné que chacun avait une vie active et que leur travail respectif, pendant ces années, était propice à l’entraînement.

Côté nourriture, ils ont pu compter sur une amie qui se lançait en affaires dans le domaine des aliments et mets de plein air. D’ailleurs, la nourriture représentait une partie importante de leurs bagages, car ils devaient manger 5 000 calories par jour chacun pour tenir le coup!

Une aventure marquante

L’expédition des 5 alpinistes a été couronnée de succès. Leur aventure s’est déroulée une bonne partie du mois de juin. Ils avaient prévu faire le tout en 21 jours, mais ont finalement complété leur parcours en 13 jours. La dernière journée, ils ont marché pendant 23 heures. «La température était de notre côté et les gars avaient envie de poursuivre. Le beat était bon», raconte le jeune de Grand-Saint-Esprit.

Il faut savoir que le Mont Denali est la montagne avec le plus haut taux d’échec (70%). Autrement dit, cela signifie que plusieurs grimpeurs ne terminent pas leur ascension, que ce soit en raison de blessures, d’épuisement, de la météo, etc.

La température est effectivement un important facteur à considérer. À titre d’exemple, il peut parfois tomber jusqu’à un mètre et demi de neige par nuit. «La température, en termes de degrés, était très variable. Certaines journées, c’était très vivable. On était confortable en combines et en chandail, alors que d’autres fois, il faisait tellement froid qu’on avait beau être habillé en «Bonhomme Michelin» qu’il ne fallait pas rester trop longtemps sans bouger parce qu’on gelait!», confie Jean-Philippe Auger.

Enfin, selon lui, l’une de leurs forces était sans contredit l’équipe. «Ça faisait 3 ans qu’on se préparait pour ça. On était prêt. Au départ, on était des amis. On est ensuite devenus des colocs et aujourd’hui, je dirais que ce sont pratiquement des frères. On a tous tripé et on referait l’expérience n’importe quand. On a tissé des liens serrés!», affirme-t-il, ajoutant que bien que depuis leur retour le groupe se soit un peu dispersé, il est fort possible qu’ils refassent un projet commun les cinq ensemble.

Le saviez-vous?

Le Mont Denali peut être grimpé à l’année. Par contre, pour se donner une chance, le groupe de Jean-Philippe Auger a décidé de le monter au moment où la météo est la plus propice, soit en juin.

Il est important de mentionner que le Parc national de Denali émet de 1 100 à 1 200 permis par année pour que des aventuriers puissent grimper le Mont Denali. Il en coûte 300$ par personne pour obtenir l’autorisation et l’administration du Parc étudie aussi le parcours et le CV de chacun afin de s’assurer que les alpinistes soient suffisamment entraînés et en forme pour en faire l’ascension.