Des événements imprévisibles et des interventions spontanées
NICOLET. Comment les policiers peuvent-ils prévoir l’imprévisible? C’est ce à quoi l’École Nationale de Police du Québec (ENPQ) tente de répondre à la suite d’une vaste étude des dossiers qui ont mené à une enquête indépendante.
Après avoir décortiqué les 143 dossiers survenus entre 2006 et 2010, au Québec, la chercheuse Annie Gendron, du Centre de recherche et de développement stratégique (CRDS) de l’ENPQ a été en mesure de dégager quelques tendances. Elle poursuit d’ailleurs son travail en analysant les cas de 2011 à 2015, pour voir si l’on peut observer les mêmes constats.
Les événements étudiés jusqu’ici sont souvent imprévisibles et demandent des interventions policières spontanées auprès d’individus qui sont dérangés pour la plupart. «C’est très imprévisible. Le policier croit intervenir à propos de quelque chose, et c’en est une tout autre que ce produit», fait valoir la chercheuse.
Les dossiers en cause sont des tirs policiers en réaction à une menace, des tentatives de fuite, des collisions routières, des tentatives de suicide, des malaises ou morts subites en présence policières.
La plupart du temps, les individus en cause sont des hommes (95%), qui ont soit un trouble de santé mentale et/ou qui sont dans état d’intoxication (79%), qui sont déjà judiciarisés (63%), ou qui tentent de se suicider en provoquant une intervention policière (36%).
Les policiers qui sont appelés sur les lieux sont souvent des patrouilleurs (80%), et les événements sont survenus de façon spontanée après que les agents aient pris en charge un appel ou constaté un événement (90%).
Près de la moitié des événements ont nécessité l’emploi de la force, et les sujets étaient munis d’une arme blanche ou d’un objet contondant dans 41% des cas ou d’une arme à feu dans 32,8% des situations d’agressions ou de menaces d’agressions.
Une formation enrichie
Bruno Poulin, l’expert-conseil en emploi de la force de l’ENPQ, a travaillé à transférer l’expertise de cette étude commandée par le ministère de la Sécurité publique, afin de l’adapter à la formation policière.
Après avoir pris connaissance des constats de l’étude, il a collaboré à enrichir la formation initiale en patrouille-gendarmerie d’une douzaine de scénarios afin d’augmenter le réalisme dans les domaines de l’intervention physique, des activités policières, du contrôle des foules, de la conduite d’urgence et du tir défensif.
Des situations complémentaires ont aussi été ajoutées, avec des personnes en crise et vulnérables présentant plusieurs variantes, dont un sujet armé ou non armé, qui est suicidaire, qui tente de se suicider par personne interposée, qui présente délire agité, ou qui est dans état de conscience altéré.
Un séminaire est aussi donné sur la gestion du stress et des émotions afin de mieux outiller les aspirants policiers.
L’offre de cours a également été enrichie en matière de technique de désescalade, tandis que le tir réactif a été intégré à la formation.
De plus, les résultats de cette étude ont largement contribué à l’élaboration d’un programme de formation destinée aux membres du tout nouveau Bureau des enquêtes indépendantes.