De Nicolet aux Îles Turquoise, le parcours exceptionnel de François Hubert

François Hubert est chef cuisinier comme d’autres sont artistes. Amoureux de ces tableaux qu’il crée dans l’assiette et qui s’évanouissent dès la première bouchée, curieux de tout et passionné de voyages, le Nicolétain possède un talent qui lui permet de diriger depuis un an sa cuisine dans l’un des paradis terrestres: les Îles Turquoise.

Au moment de la rencontre, le jeune chef de 23 ans est en vacances pour quelques jours. Il est revenu pour l’occasion chez ses parents, à Nicolet. Le jour est à l’émoi dans le voisinage : tous cherchent le lièvre qui grignote les plates-bandes et les potagers depuis quelques jours. François sourit. Il aime le Québec et ses bonheurs simples: les fleurs, les lièvres, les potagers. Et ceux qui veulent protéger leurs légumes de la gourmandise du petit animal. Il aime les gestes du quotidien qui parlent des gens qui habitent un pays. Ici, la chasse au lièvre. Là-bas, la pêche aux lambis. «Les lambis, ce sont les gros coquillages de forme triangulaire dont on ramène souvent la coquille pour «entendre la mer». Aux Îles Turquoise, c’est la bibitte locale; il y en a plein. On marche dans l’eau jusqu’au nombril et on n’a qu’à se pencher pour les ramasser au fond. Dans les saisons creuses du poisson, c’est ce que les pêcheurs ramènent. C’est délicieux.», explique François Hubert, l’œil allumé et gourmand.

Cuisiner, au paradis

Visiblement passionné par la vie qu’il a trouvée sur la luxueuse île principale de l’archipel, Providenciales, le jeune chef cuisinier raconte les études à l’Institut d’hôtellerie de Trois-Rivières et le restaurant de Tadoussac où il est passé rapidement de cuisinier à sous-chef, et enfin à chef cuisinier. Puis l’amitié avec un maître d’hôtel qui, une fois embauché aux Îles Turquoises, a pensé à lui. «Le propriétaire du restaurant m’a téléphoné. J’ai eu juste le temps de régler mon passeport et mon visa. Quelques jours plus tard, j’étais dans les Caraïbes», raconte-t-il. «Je suis chanceux parce que l’immigration est très difficile là-bas. Même en tant que touriste, on ne peut pas passer plus d’un mois aux Îles Turquoise. Pour y rester, il faut pratiquer un métier dont ils ont particulièrement besoin, comme chef cuisinier.»

Situées juste au nord de la République dominicaine, les Îles Turquoise comprennent huit îles principales et plus de 20 petites îles. Superficie totale de terre de l’ensemble : 616 kilomètres carrés et une population de moins de 40 000 personnes, dont 22 000 demeurent à Providenciales, l’île touristique par excellence avec ses 61 kilomètres carrés complètement entourés de plages de sable blanc et d’une mer turquoise, d’où l’archipel tire son nom. «L’île est faite en forme de banane. À certains endroits, la bande de terre est tellement étroite qu’on voit la mer tout près en regardant des deux côtés de la route», s’émerveille le Nicolétain, dont les loisirs sont pourtant relativement restreints sur l’île. «C’est beaucoup de travail, être chef cuisinier! Même en saison creuse, j’ai toujours plus de 100 personnes le midi et 125 personnes le soir. En plus, le restaurant où je travaille – le «Coco Bistro» – est l’un des plus beaux et prestigieux de l’île. Il faut être la hauteur», affirme le chef, qui doit gérer les horaires, l’inventaire, les menus et tout le fonctionnement de la cuisine et de sa brigade de huit cuisiniers. En plus évidemment de s’assurer de commander à temps tous les produits dont il a besoin, qui arrivent en quasi-totalité par avion de Miami. «Les seuls produits locaux sont les poissons et les fruits de mer. L’agriculture n’existe pas sur l’île. Alors tout vient des États-Unis. Tout, sauf les meilleurs fruits du monde, que je fais venir de la République dominicaine: les papayes, les mangues, les avocats, les ananas, les fruits de la passion.» Avec ces merveilles, dont la description suffit à faire saliver, le jeune chef explore un monde de saveurs qu’il n’avait pas encore soupçonné et donne à son menu des accents de la Caraïbe. «Il faut manger léger, sinon on est incapable de faire quoi que ce soit tellement il fait chaud. Alors, je cuisine beaucoup le poisson et les fruits, comme un mérou à la salsa mangue et papayes ou des crevettes caramélisées sur un bâton de canne à sucre.» Tout autant de tableaux éphémères, dont les noms suffisent ici à évoquer un coin de paradis.