«C’est extrêmement préoccupant»
La découverte de carpes asiatiques près du lac Saint-Pierre n’a rien de rassurant pour le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP), qui a mis en branle plusieurs mesures pour diminuer sa propagation.
Il faut dire que ce poisson, qui peut atteindre jusqu’à un mètre de longueur, fait beaucoup de ravages sur les habitats naturels partout où il passe. Se nourrissant principalement d’herbiers, il est une menace pour toutes les espèces qui en ont besoin à un moment ou à un autre de leur reproduction.
C’est notamment le cas de la perchaude. Celle-ci fait l’objet d’un moratoire depuis cinq ans justement en raison des problèmes de reproduction qui sont liés à la disparition des herbiers au cours des dernières années.
Selon les analyses fournies par ADN environnemental, quelques spécimens ont en effet été prélevés dans les rivières Saint-François et Richelieu, ainsi que près des îles de Sorel, entre 2015 et 2017. L’étude a été menée conjointement avec le laboratoire de génétique du docteur Louis Bernatchez de l’Université Laval et le MFFP.
«Pour le moment, nous avons seulement la confirmation de la présence de carpe de roseau. Nous n’avons pas encore de données sur la taille de la population, ni sur les dégâts qu’elle a pu faire», souligne la biologiste Véronik de la Chenelière.
«C’est extrêmement préoccupant de confirmer sa présence quand on connaît l’ampleur qu’a prise la carpe asiatique dans le bassin du Mississippi, ajoute-t-elle. On en retrouve aussi dans les Grands Lacs.»
«Actuellement, nous sommes dans le développement d’une expertise propre au Québec, continue la porte-parole du ministère sur ce dossier. Nous explorons toutes les méthodes d’interventions possibles.»
Des mesures pour éviter sa propagation
Le ministère a décidé d’imposer quelques mesures préventives pour tenter de réduire les chances de la carpe de s’introduire dans le lac Saint-Pierre et le fleuve Saint-Laurent.
L’une d’entre elles n’est pas sans déplaire à l’industrie de la pêche sur glace (voir autre texte), soit l’interdiction de l’utilisation des poissons-appâts vivants. «Vous étiez l’une des rares régions où c’était encore possible», précise la biologiste.
«Les pourvoyeurs se les procurent auprès des pêcheurs commerciaux qui les rejettent parce qu’ils sont trop petits. Ils essaient de trier les espèces du mieux qu’ils le peuvent, mais la carpe, à son état juvénile, est très semblable aux autres espèces», précise-t-elle.
«Comme il pourrait se trouver des carpes parmi les lots, ça accélèrerait son introduction, note Véronik de la Chenelière. On veut mettre toutes les chances de notre côté pour limiter sa propagation et éviter les dégâts.»
Le ministère veut aussi une meilleure gestion des barrages et des passes migratoires. «Ça nous permettrait d’être en mesure de constituer des barrières plus efficaces», espère la biologiste.
L’implantation de saines pratiques de nettoyage des embarcations et de gestion de l’eau des viviers sont les autres mesures préventives implantées par le MFFP.
Avec la collaboration de Pier-Olivier Gagnon