Jessica Laneuville : refuser d’être prisonnière de son corps

BÉCANCOUR.  Jessica Laneuville a besoin d’une nouvelle cuisine. Si ce souhait peut paraitre banal pour monsieur et madame Tout-le-Monde, ces rénovations dans la résidence de la Bécancouroise sont essentielles pour qu’elle puisse continuer à cuisiner pour elle, pour sa fille et pour son mari.

Jessica Laneuville a reçu le diagnostic de l’ataxie de Friedreich en 2007, une atteinte neuromusculaire dégénérative. Il était impensable pour Jessica d’attendre que la maladie prenne le dessus sur sa vie et de se laisser devenir prisonnière de son corps. C’est en femme combattante et positive qu’elle a décidé de fonder une famille et de faire du bénévolat, à son rythme. 

Depuis maintenant plus de 5 ans, elle ne peut plus se passer de son fauteuil roulant pour se déplacer. Marcher n’est plus une option. Le nouveau mode de transportation de Jessica Laneuville est synonyme de changements majeurs qui doivent être apportés à sa résidence. « La motricité fine est grandement réduite, j’ai sans cesse des pertes d’équilibre et manger sans me mordre la langue est devenu un exploit! L’ataxie se présente aussi avec des troubles de coordination et de proprioception, ce qui complexifie chacun de mes mouvements ».

Après avoir adapté son bureau, sa salle de bain ou encore sa chambre à coucher, c’est au tour de la cuisine d’avoir besoin d’être entièrement refaite. La cuisine, c’est une passion qui la nourrit et qui la fait mordre dans la vie, mais il est maintenant rendu trop dangereux pour elle d’être à ses fourneaux.

En 2021, Jessica était encore capable de se lever de son fauteuil en se tenant au comptoir, en équilibre pendant une vingtaine de minutes afin de préparer les repas. Elle pouvait également se lever devant le fourneau et cuire ses aliments. Jusqu’au jour où elle a perdu l’équilibre et qu’elle s’est brulé le pouce au deuxième degré. « Cet accident a été le premier d’une longue série. Par exemple, j’ai échappé ma soupe sortant du four à micro-ondes partout sur moi et le plancher, je me suis coupée à de nombreuses reprises parce que je perdais pied et mon temps à rester debout a grandement diminué. Depuis un an, je ne me lève presque plus de mon fauteuil à l’exception de mes transferts », raconte-t-elle.

La limite des subventions

Bien qu’il existe le Programme d’adaptation de domicile (PAD) de la Société d’habitation du Québec (SHQ) pour l’adaptation du domicile ou encore la Fondation d’Ataxie Canada, Jessica Laneuville a déboursé plusieurs milliers de dollars pour adapter sa maison et son véhicule à ses nouveaux besoins, toujours grandissants. 

Le PAD est une subvention gouvernementale octroyée aux cinq ans. Si la condition médicale de la personne s’est considérablement dégradée à l’intérieur de ces années, ils sont enclins à offrir de nouveaux montants. En 2021, elle a choisi d’adapter sa salle de bain, car le défi de l’époque était de se laver, mais, rapidement, l’autonomie qu’elle avait en cuisine s’est dissipée. Jessica a donc fait une nouvelle demande au PAD qui a été refusée, sans explication, puis une demande de réévaluation en joignant les résultats de deux consultations avec un neurologue et un physiatre qui appuyaient sa demande. Elle a toutefois essuyé un deuxième refus et devra attendre 2027 pour faire une nouvelle demande. « Trois ans, c’est long, car j’ai déjà perdu la moitié de mes capacités en cuisine après un an. Si je ne pratique pas, l’ataxie va prendre le dessus », assure-t-elle.

« Un représentant du PAD m’a appelée pour me donner des explications, pour finalement me dire que ma dégénérescence était prévisible et qu’il n’y avait pas d’urgence d’intervenir. Oui, ma dégénérescence est prévisible au point où je vais en mourir. Est-ce que je devrais m’acheter un lot et une urne tout de suite? », s’insurge-t-elle. Car cuisiner, c’est une activité qui lui procure beaucoup de bonheur et qu’elle considère comme une thérapie.

« Je pense que les gens ne comprennent pas quand ils ne sont pas tous les jours avec moi », croit-elle.

Le projet de rénovation consiste à vider l’espace sous les comptoirs pour que le fauteuil roulant puisse s’y insérer, installer un évier peu profond, abaisser les comptoirs pour être en mesure de cuisiner assise dans son fauteuil, revoir la configuration des armoires et supprimer l’ilot. Le coût total est évalué à près de 50 000$. Avec le refus du PAD, Jessica Laneuville a relevé ses manches et à continuer à se battre et à cumuler les démarches pour amasser les fonds nécessaires à son projet.

Elle a réussi à obtenir l’équivalent de 15 000$ de main-d’œuvre, 5000$ en don via la Fondation Ataxie Canada qui doublera le montant et 5000$ à la suite d’une levée de fonds avec Tupperware. La communauté se mobilise également pour organiser des collectes de fonds en son nom. Un souper spaghetti a notamment permis d’amasser 5000$ supplémentaires.

Il est également possible de contribuer à une campagne de sociofinancement Go Fund Me pour aider Jessica Laneuville à financer son projet.