Un dernier Kiss pour Richard Gaudet?

CULTURE. Centre Vidéotron le 2 avril et il y a quelques jours à Montréal, le célèbre quatuor américain Kiss est de passage au Québec pour son adieu ultime à son armée d’admirateurs. Richard Gaudet, natif de Aston Jonction, était de la fête rock and roll pour une douzième fois.

Aston Rock City

Fin des années 70, un jeune Richard Gaudet de sept ans s’ennuie en visite chez sa grand-mère maternelle. Il monte les marches qui mènent vers le deuxième étage, l’escalier vers le ciel en feu dirait-on. Une porte est ouverte, il entre dans la chambre de son oncle Raymond Jutras, le plus jeune frère de sa mère. Là, une batterie, Raymond joue dans un orchestre, et, sur un mur, une étrange affiche avec quatre gars maquillés aux costumes extravagants. «Je suis émerveillé devant le poster. Je ne peux pas le quitter des yeux», de dire Richard Gaudet qui, 40 ans plus tard, est toujours émerveillé.

Enfant, Richard est un fanatique de bande dessinée. Apercevant l’affiche de son oncle et, plus tard, la pochette de l’album de Destroyer, une connexion s’établit entre sa passion pour la musique et les super héros. Ce n’est pas un hasard: il faut savoir qu’il y avait dès le départ de la formation de Kiss par son leader Gene Simmons, c’est lui la grande langue, une volonté de créer un groupe plus grand que nature avec des personnages à qui l’on associe une imagerie débordante et puissante. Le démon, l’enfant étoile, l’homme de l’espace et l’homme chat meubleront l’imaginaire de Richard Gaudet.

Comme des milliers de jeunes de la fin des années 70, Richard ne reçoit pas le baiser de Kiss à moitié. Car, les initiés le savent, quand on est pris de cette «Kiss» de folie, on ne se contente pas d’écouter la musique de son groupe préféré. On est Kiss! «Moi je suis Gene, toi tu es Paul Stanley, lui il est Ace Frehley. Toi tu es Peter Criss». On se fait des guitares avec des morceaux de bois, une batterie en boites de carton et on se maquille avec tout ce que l’on trouve.

Dans le sous-sol ou dans le garage, on se fait des séances de lipsync avec Dynasty sur la table tournante. «Baissez votre musique de fou», de dire une maman ou un papa qui, dans le fond, comprennent. Quand on vient à avoir un peu d’argent de poche ou un salaire, c’est encore pire, on s’achète des albums, des t-shirts et tout ce que vous pouvez imaginer. Croyez-le ou non, il existe même un cercueil officiel de Kiss!

Du lipsync à la vraie musique

Le natif de Aston Jonction ne se contentera pas de faire semblant de jouer de la musique avec des amis. Il deviendra un excellent batteur lors de son passage à la Polyvalente de Saint-Léonard. Il est de tous les spectacles à donner implacablement le rythme dans le stage band ou sur des chansons populaires. Mais c’est dans le rock qu’il trouve son vrai plaisir.

Encore aujourd’hui, à l’aube de la cinquantaine, Richard joue dans le groupe Mimi Vanderglow. Avec son frère David, son cousin Carl Hébert et Pascal Pépin, le Cake, c’est son surnom, offre un rock québécois original et joyeusement décapant. Mais Kiss n’est jamais loin pour les quatre membres provenant de Aston Jonction, de Sainte-Eulalie et de Sainte-Angèle.

«Quand on fait un show et que ça lève avec nos compositions, c’est certain qu’on fait une toune de Kiss», rapporte Richard. L’admiration de Mimi Vanderglow s’est même concrétisée par une séance photo où l’on rend hommage à la célèbre pochette de Dressed to Kill de Kiss. Pour information, c’est sur cet album que l’on retrouve l’ultime hymne Rock and Roll All Nite.

Un projet de conférence

Avec ses impressionnantes connaissances de tous les racoins de l’histoire de Kiss, on peut discuter des heures avec Richard Gaudet. Cependant, il ne souhaite pas former un groupe hommage. «Je voudrais plutôt faire des conférences sur ma vision de Kiss. Ce groupe-là, c’est le rêve américain. Ce sont deux fils d’immigrants, Paul Stanley et Gene Simmons, qui sont partis de rien et qui vont à la conquête du monde. Ce sont des innovateurs, ils ont commercialisé le rock and roll. Ils ne sont pas là pour changer le monde. Ils sont là pour te faire oublier que tu travailles 40 heures par semaine avec le plus gros des partys son et lumière du monde», relate-t-il dans un enthousiasme communicatif.

La boucle est bouclée

Printemps 2019, Richard Gaudet tenait à voir son tout dernier spectacle du groupe qui a jalonné plus de 40 ans de sa vie avec celui qui est le plus précieux à ses yeux. «À Montréal, j’étais avec mon fils Léo. Il a dix ans. Il ne pouvait pas y avoir plus magique que ça. Depuis qu’il est né que Kiss fait partie de sa vie. Il en écoute et il a des posters du groupe dans sa chambre. Avec ses cousins, il fait des lipsync comme nous autres à son âge», de conclure Richard Gaudet.

La boucle est bouclée, la roue continue de tourner. Les hommes de 45 ans, 50 et même plus qui, pour un soir, en avait dix pour l’ultime spectacle de Kiss retourne à leur vie d’adulte. Cependant, malgré la tournée d’adieu, il n’y aura jamais de dernier baiser pour eux. Tant qu’il y aura un Richard qui transmet son héritage à Léo. Qui, à son tour, donnera le relais à son fils, la magie de Kiss, cet incroyable univers laissant la plus belle des places à l’imaginaire, continuera de vivre pour toujours.

You keep on shoutin’, you keep on shoutin’
I wanna rock and roll all night and party every day
I wanna rock and roll all night and party every day