Petit projet devenu grand

SAINT-WENCESLAS. « Ça me chamboule de les voir sur scène ; de voir ce qu’on a pu faire avec des jeunes qui n’avaient jamais touché à un instrument avant…. »

La directrice de l’école primaire Jean XXIII de Saint-Wenceslas, Marie-Chantale Rousseau, a des étoiles dans les yeux lorsqu’elle parle des accomplissements des élèves inscrits à l’option musique-étude de l’établissement.

En poste depuis deux ans, elle éprouve un réel plaisir à les entendre jouer : « Ça fait un beau climat d’école, une belle ambiance de travail pour nos élèves. C’est accueillant. Il y a quelque chose d’apaisant et de réconfortant dans la musique. On est privilégié d’avoir ça dans la commission scolaire. En milieu rural, en plus », témoigne-t-elle.

Apprendre de zéro

Le programme de musique accueille tout élève intéressé par la musique, à partir de la 3e année. Pas besoin de savoir jouer d’un instrument ni de lire la musique pour y être admis : il suffit de vouloir apprendre. Dès le début de l’année scolaire, l’école lui prête un instrument qu’il apprendra peu à peu à manipuler : trompette, saxophone, flûte traversière, clarinette, etc. Puis, il devient membre à part entière de l’Harmonie de l’école (Harmonie La Riveraine) ! Plus vieux, soit en 5e et 6e année, il a la possibilité d’intégrer le Stage band de l’école, s’il le désire.

La musique, c’est un loisir rassembleur. Ça nécessite des efforts et un engagement, mais quand tu réussis, c’est gratifiant »

Francine Lafond

« Il n’y a pas de prérequis pour s’inscrire en 3e année. Il faut juste aimer la musique et vouloir développer un talent. Normalement, l’élève va garder l’instrument qu’il apprend jusqu’en sixième année », explique l’enseignante de musique Marie-Line Guimond, qui a pris en charge le programme en 2021.

« L’an dernier, c’était une année d’adaptation et d’apprentissage pour moi. C’est beaucoup de gestion ! -Il faut voir à tout : les horaires, les achats, les préparations de cours… Heureusement, les plus vieux et les spécialistes qui viennent à l’école m’ont beaucoup aidée. »

Elle se sent de plus en plus confortable dans le siège du conducteur du programme, reconnu par le ministère de l’Éducation il y a 10 ans (2013), mais fondé en 1989 par deux enseignants passionnés qui en ont tenu les rênes pendant un bon quart de siècle : Francine Lafond et Réal Deschênes, aujourd’hui retraités.

En 2016, leur fille -Léonie a repris le flambeau. Elle l’a passé à Marie-Line Guimond cinq ans plus tard.

« C’est un gros programme, une grosse tâche. On a été chanceux de trouver Marie-Line ! », admet Francine Lafond, consciente d’avoir placé la barre haute pour la relève, qui travaille dans un contexte différent de celui dans lequel le projet a germé.

Le début de l’aventure

C’est d’abord en formule d’activité parascolaire, à l’école Tournesol de Saint-Léonard-d’Aston, que l’Harmonie La Riveraine a vu le jour.

« À l’époque, les directions d’école cherchaient à donner une couleur à leur établissement. Pierre Duval (directeur de Tournesol) aimait beaucoup la musique. Il avait comme tradition d’organiser un spectacle de fin d’année. Francine venait accompagner les élèves au piano. En discutant ensemble, on a décidé de s’informer pour voir ce que ça prendrait pour mettre sur pied une harmonie au primaire », raconte Réal Deschênes, qui était alors enseignant à cette école.

« De mon côté, j’étais étudiante à l’UQTR en éducation musicale au primaire et au secondaire. Je commençais à toucher les instruments à vent et ça me plaisait beaucoup », ajoute Francine Lafond.

Les astres semblaient alors parfaitement alignés pour aller de l’avant dans l’aventure !

La quête

Pierre Duval et Réal Deschênes ont fait la tournée d’écoles dans le coin de Montréal pour s’inspirer et voir la faisabilité du projet, et visité des magasins de musique pour s’informer des coûts pour l’achat d’instruments. Ils ont aussi approché la Garde paroissiale de Saint-Léonard-d’Aston, qui n’était plus active : « Ils avaient remisé leurs instruments dans le sous-sol de l’église. On a tout rapatrié ce qui avait de l’allure, soit une vingtaine d’instruments », souligne M. Deschênes.

Le magasin Twigg Musique, à Montréal, a de son côté accepté de vendre à l’école, à crédit et sans intérêt, des instruments pour le projet. « On les payait à la fin de l’année, avec l’argent recueilli grâce à nos spectacles et à des activités de financement comme des discos et des bingos. »

« On a aussi reçu des dons, par exemple de la part de la Fondation JP Despins », ajoute Mme Lafond.

Aujourd’hui, tous les instruments appartiennent à l’Harmonie.

L’évolution du projet

« La première année, on avait 23 élèves d’un peu partout aux alentours. On se retrouvait à l’école le jeudi de 16 h à 18 h 30 », se rappelle Francine Lafond.

Dorvalino De Melo, directeur du module de musique à l’UQTR, supervisait le projet. « Il venait même diriger les jeunes. Il nous aidait beaucoup. »

De janvier jusqu’à la relâche, chaque section de l’Harmonie était invitée tour à tour un samedi à la maison du couple Lafond-Deschênes pour travailler le répertoire et se perfectionner. Un camp de trois jours était aussi organisé à l’approche du temps des Fêtes.

En 2004, le projet a déménagé à l’école primaire Jean XXIII en raison d’un manque d’espace. « Quand on est arrivé ici, c’était encore en parascolaire. Deux ans plus tard, on l’a intégré à la grille horaire comme programme. Ç’a été un gros travail parce qu’il fallait convaincre les commissaires, le comité de parents, le comité de direction, la commission scolaire… La collaboration a été au rendez-vous et on a pu faire avancer le projet », mentionne M. Deschênes.

Aujourd’hui, la popularité et l’efficacité du programme ne se démentent pas. Les jeunes qui l’intègrent le font rayonner année après année, notamment lors du Festival des Harmonies et Orchestres Symphoniques du Québec, où ils se classent parmi les meilleurs depuis des années.

Et même si c’est beaucoup de travail, l’enseignante qui le chapeaute en tire une fierté immense, mais surtout unique : celle d’enseigner « vraiment » la musique. « On est à un autre niveau », confie Marie-Line Guimond.