Peindre comme un cowboy ou un gangster

SAINT-LÉONARD-D’ASTON. Manier des pistolets pour gagner sa vie? C’est que ce fait l’artiste Dotel dans son atelier de Saint-Léonard-d’Aston. Mais attention: rien n’est dangereux ici, car les pistolets en question sont spécialement dédiés à la peinture.

L’airbrushing (aérographie), c’est toute sa vie. Du moins, depuis plus de 30 ans! Plus précisément depuis qu’il a reçu un kit de base pour s’adonner à cet art comme cadeau d’anniversaire, pour ses 16 ans.

«C’est ma mère qui me l’a offert, raconte Dotel. Tout jeune, j’avais accroché sur les fameuses « boîtes à caresses » – ces mini vans américains dans lesquels il y avait du tapis, un lit et un bar. Elles arboraient toutes sortes de dessins sur leur carrosserie. Ça me fascinait».

Il s’est donc rendu à Drummondville avec sa mère, dans un magasin qui vendait du matériel pour carrossier. «Elle m’a acheté mon premier kit pour une centaine de dollars. Il permettait de faire du <@Ri>stripage<@$p>. Ce n’était pas nécessairement la grosse affaire, mais ça m’a permis d’expérimenter la technique et de prendre mon envol là-dedans», sourit Daniel Turcotte, de son vrai nom.

Il s’est alors mis à dessiner toutes sortes de choses pour des amis. «C’était mon loisir. Ça m’a bien servi, car pour devenir bon, il n’y a pas de secret: il faut pratiquer.»

Il ignorait à l’époque qu’il finirait par gagner sa vie avec ce loisir. «J’ai fait mon cours en graphisme à Sherbrooke. Mais au moment où j’ai terminé, la transition vers l’ordinateur (infographie) se faisait. Il aurait fallu que je retourne sur les bancs d’école, mais je souhaitais intégrer le marché du travail. J’ai donc travaillé en construction et en usine, tout en continuant à faire du airbrushing

De fil en aiguille, les contrats ont commencé à se multiplier. «Je me suis accroché. J’ai commencé à faire un peu de publicité et ça a fini par débloquer.»

Casques de motos, autos, camions, pièces de motos, murales, illustrations: il s’est mis à manier les pistolets pour toutes sortes de projets. Les pinceaux et les aiguilles à tatouer aussi, selon les demandes.

«Je suis chanceux car les contrats sont très différents d’une année à l’autre. Chaque projet est unique. Je ne me mets pas de barrières», indique l’artiste, qui prend plaisir à mettre un brin de fantaisie dans ses œuvres lorsque possible. «J’essaie d’être avant-gardiste», dit-il tout bonnement.

Dotel devant la murale réalisée au Centre Richard-Lebeau de Saint-Léonard-d’Aston.

Une vision qui s’est avérée payante tout récemment, puisqu’il a été choisi pour réaliser deux projets inusités et de grande envergure dans sa municipalité au cours de la dernière année: la réalisation d’une murale (80 pieds par 40) sur le côté du Centre Richard-Lebeau et la décoration d’une partie du Centre l’Assomption, où sont hébergées des personnes atteintes d’Alzheimer.

Dans le cas du Centre Richard-Lebeau, il disposait de trois semaines, au début de l’été, pour réaliser le contrat. Le mur à décorer, conçu en tôle ondulée, lui a donné un peu de fil à retordre: «Il fallait que je m’assure que le résultat soit beau de toutes les perspectives, ce qui n’était pas facile en raison de l’ondulation. Il fallait aussi que je me lève tôt pour travailler, car rendu sur l’heure du dîner, il faisait trop chaud. À une certaine température, la peinture n’adhère plus.»

En ce qui concerne le Centre l’Assomption, le contrat s’est échelonné sur quelques mois, à temps partiel. C’est l’infirmière en chef du Centre qui l’a approché pour ce projet auquel il a mis la touche finale en janvier dernier.

«Elle avait vu qu’un centre d’hébergement européen avait conçu un décor en 3D pour égayer le quotidien de ses résidents. Elle souhaitait transposer le tout ici, mais sous forme de murale. J’ai commencé par dessiner des maisonnettes de différents styles autour des portes des chambres, puis j’ai finalisé le décor en y intégrant une ferme, un lac et plein d’autres éléments évoquant de vieux souvenirs plaisants.»

Il y avait déjà plusieurs années que l’artiste n’avait pas réalisé de murales. «J’en avais fait quelques-unes pour des restaurants, dans le coin de Victoriaville. À cette époque, c’était populaire, puis la demande s’est estompée. Ça semble revenir à la mode», remarque Dotel, qui a pris un malin plaisir à faire aller de nouveau ses fusils pour ce genre de projet.

«Dans le cas de la murale du Centre Richard-Lebeau, j’ai fonctionné au fusil à air, et non au petit air brush, en raison de la superficie. Ça ne fait pas vraiment de différence, car c’est la même technique. C’est comme donner un coup de pinceau, mais c’est un coup de fusil!»

D’ailleurs, l’artiste manie aussi parfois des pinceaux. «J’ai réalisé une murale au pinceau dans la salle du conseil cet automne, à l’hôtel de ville de Saint-Léonard-d’Aston. Aussi, au Centre l’Assomption, j’ai réalisé tous mes fonds au pinceau. J’ai apporté la touche finale à l’air brush. Pour moi, c’est plus facile de rendre certains détails avec cette technique. L’airbrushing me permet d’obtenir de bons jeux de dégradés plus rapidement.»