Jean-Michel Blais: s’attendre à l’inattendu

NICOLET.  Le troisième opus du Nicolétain d’origine Jean-Michel Blais est paru en février dernier. Aubades est le fruit d’un dur labeur enclenché au tout début de la pandémie, projet fortement influencé par la réalité du confinement et qui marque un tournant dans la carrière du pianiste.

Avec aubades, Jean-Michel Blais marque la transition de pianiste à compositeur, alors qu’il écrit pour un ensemble pour la première fois de sa carrière.

En mars 2020, l’artiste venait de terminer une tournée de deux ans et demi. La pandémie a tout de même réussi à changer ses plans, car le projet d’écriture qu’il avait alors en tête n’était plus possible. Alors qu’il avait l’impression de frapper un mur, après une rupture, deux évictions (de son studio et de son appartement) et un confinement, il s’est laissé inspirer par ce qu’il avait plutôt que par ce qu’il n’avait pas, et c’est comme ça que la magie a opéré.

« Je pense que ce qui est arrivé, c’est que je me suis retrouvé avec du temps devant moi. Ça faisait longtemps que j’avais le rêve d’apprendre à écrire pour d’autres instruments, mais ça ne se fait pas en un claquement de doigts. Je ne pense pas que j’aurais arrêté ma carrière pendant un an pour faire ça », explique Blais.

« Je me suis acheté un livre en ligne, j’ai demandé à des amis de me donner un coup de main. Cet apprentissage m’a pris environ un an ».

« Au début, j’ai écrit sur un ordinateur avec des sons un peu pourris et, petit à petit, j’ai raffiné mes sons, raconte-t-il en riant. À un moment donné, j’ai eu des sons qui me permettaient de savoir que le violoncelle ne joue pas plus grave ou plus aigu que telle ou telle note, et plus j’avançais, plus ça ressemblait à de vrais sons. Et tranquillement, j’ai transformé ça en partition! », explique Blais.

Aubades, c’est 11 pièces jouées par un ensemble de 12 musiciens, mais qui au final a nécessité la collaboration d’une cinquantaine de personnes; ce que Jean-Michel Blais trouve un peu ironique d’un album qui a été créé en pleine pandémie. « Aubades est né dans un moment où tu es plus seul que jamais, dans ta petite bulle, et tout à coup, on monte un show de fou avec plein d’humains interconnectés. C’est incroyable! », se réjouit le pianiste et compositeur.

Parmi les collaborateurs de l’album, Jean-Michel Blais a pu compter sur Alex Weston, originaire de Brooklyn, ex-assistant de Phillip Glass pendant plus de sept ans, ainsi que sur Nicolas Ellis, assistant de Yannick Nézet-Séguin à l’Orchestre Metropolitain et récipiendaire du prix Goyer Mécénat Musica.

Quand les astres s’alignent

Le titre de l’album de Jean-Michel Blais fait référence à l’aubade, un terme médiéval désignant une pièce chantée lorsque des amoureux se séparent au crépuscule, une sérénade de l’aube. Grand improvisateur, Blais avait dans sa manche quelque 500 extraits desquels les 11 pièces d’aubades ont découlé.

« En faisant le tri, je me suis rendu compte que la majorité des extraits qui étaient intéressants étaient en majeur, porteurs d’espoir, lumineux et frôlaient presque le kitch! J’avais la crainte de faire un album kitch, un peu comme un cadre que tu achètes chez Ikea d’une pensée magique. Je voulais faire un album qui parle de l’espoir, du renouveau et du matin, mais je voulais le faire avec goût », explique Blais.

« Je pense que le quétaine dérange parce que c’est trop vrai, c’est trop cru! », ajoute-t-il.

« Pour moi, le matin évoque beaucoup de puissance, de renouveau, de lumière, de joie ». La sortie d’aubade ne pouvait pas tomber mieux avec l’arrivée du printemps ainsi qu’avec celle d’un déconfinement qui permet à Blais de repartir en tournée.

« Je reçois tellement de messages et de témoignages de gens qui disent que la musique leur fait du bien et les aide à passer à travers des périodes difficiles, que ça les égaie que ça leur donne de l’espoir. Je suis choyé de recevoir ça! », révèle Jean-Michel Blais.

« Je pense qu’égoïstement, mon renouveau à moi, c’est de passer de pianiste improvisateur néoclassique à un compositeur qui écrit pour d’autres instruments et qui a une vision plus large et plus grande. Je crois que le mouvement de piano solo va s’essouffler et je me demandais donc comment je pouvais me renouveler là-dedans. Je crois que les gens s’attendaient à ce que je sorte un autre album d’électro-piano et je trouvais ça intéressant d’aller à l’opposé pour déstabiliser, créer un contraste de texture et de sonorité ».

D’ailleurs, Jean-Michel Blais est encore étonné de la réception exceptionnelle qu’il reçoit. « Ce n’était pas prévu. Je ne contrôle pas vraiment ce que je fais, je fais ce qui me plait, et de voir que ça débouche autant, ça me dépasse! », dit-il.

« J’ai la capacité de me renouveler et le monde me suit là-dedans. Je suis là parce que les gens le veulent bien. C’est un échange qui me donne le goût d’en donner plus », conclut Jean-Michel Blais.