Pour éviter que les archives s’envolent

DOSSIER. Le Centre d’archives régionales du Séminaire de Nicolet joint sa voix aux services d’archives privées agréés (SAPA) du Québec pour dénoncer la «menace d’un Alzheimer collectif».

Si on n’en est pas là à Nicolet, certains centres sont menacés de fermeture, ce qui fait en sorte que l’enjeu est de taille: la perte du patrimoine régional, notre mémoire collective. C’est déjà arrivé en Beauce, où les archives historiques ne sont plus accessibles depuis la fin décembre. Une situation qui pourrait aussi arriver à quelques Sociétés d’histoire qui conservent précieusement des documents de certaines régions.

Pour éviter que ça se produise, on invite les gens à signer la pétition en ligne au https://www.mesopinions.com/petition/politique/appui-mobilisation-milieu-culturel-sauvegarde-services/41858. Au moment d’écrire ces lignes, plus de 1700 personnes ont souscrit à la démarche.

C’est que malgré une aide supplémentaire de 210 000$ par années pour 2018-2019 et 2019-2020, le Regroupement des services d’Archives privées agréées (RSAPAQ) ne baisse pas la garde. Les SAPA poursuivent leur offensive pour défendre les archives qui menacent de disparaître dans différentes régions.

C’est que les sommes prévues pour la période 2018-2020 restent encore insuffisantes. D’autant plus que cette hausse ne sera pas récurrente, alors que l’enveloppe à laquelle ont droit les SAPA est demeuré stable alors que leur nombre a augmenté. Cela  a fait en sorte de sous-financer les services déjà en place.

Depuis des décennies, les programmes d’aide financière la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) peinent à combler les aspirations du secteur des archives privées au Québec. Un secteur de la culture dont les exigences de performance sont pourtant toujours plus élevées.

En effet, selon les nouvelles règles, leur financement est basé sur leur performance en matière d’acquisition, de traitement et de diffusion des archives. Le tout dans un contexte de concurrence entre les différents services et sans tenir compte du territoire qu’ils desservent.

Compte tenu des compressions budgétaires touchant le domaine de la culture, la BAnQ, le nombre de centres qui recevront une subvention passerait de 32 à 25.

Pour les Archives du Séminaire de Nicolet, cette subvention représente présentement 24 000$ sur un budget total de 105 000$. Perdre ce financement gouvernemental viendrait précariser les services et entraîner des postes à temps partiel.

Les documents et photos remis par Le Courrier Sud lors de son déménagement, sont conservés dans une salle tempérée.

Dans toute son histoire, le plus haut niveau de financement dont a pu bénéficier les Archives du Séminaire de Nicolet s’est chiffré à 44 000$. C’était en 1991. Ce financement a progressivement diminué pour atteindre 19 000$, avant de remonter quelque peu il y a trois ans parce que des centres ont fermé.

Le plus gros du financement de l’organisme provient des profits de la vente du Séminaire de Nicolet, devenu l’Institut de Police, et de l’ancienne École d’agriculture, aujourd’hui le MAPAQ, en 1969.

Une somme de 2 millions $ qui a été placée et sur laquelle des intérêts sont prélevés chaque année. Le capital a toutefois été réduit avec les investissements majeurs qu’avaient nécessités les travaux pour aménager les archives au diocèse. Le tout avait été réalisé sans subvention.

«Ce ne sera pas éternel. Lorsque nous aurons écoulé cette somme, il ne nous restera que les subventions», admet l’archiviste, Marie Pelletier, qui souhaite que le ministère de la Culture et des Communications du Québec augmente le financement.

D’autant plus que les revenus que peut puiser l’organisme de ces activités sont minces. La consultation des documents demeure gratuite. Quelques frais minimes sont nécessaires pour les photocopies, la numérisation et l’utilisation des photographies.

Avec un réinvestissement, c’est une somme maximale de 55 000$ dont pourrait profiter le Centre d’Archives régionales du Séminaire de Nicolet. «Ça nous permettrait de desserrer un bouton dans notre ceinture. Parce qu’on ne vit pas gras. On ne peut pas faire d’argent. C’est difficile. Parce qu’on travaille avec des documents du passé, aujourd’hui pour le futur», souligne l’archiviste.

«On n’est pas glamour. On passe après toutes les causes.  Tout le monde aime les archives, les trouve utiles et souhaite qu’elles soient conservées, mais personne ne nous donne de l’argent.»

Un trésor inestimable

Les Archives du Séminaire de Nicolet représentent plus de deux siècles de documents écrits, visuels et sonores qui témoignent du passé des individus et des organismes de notre région.

Au total, ce sont plus de 487 mètres linéaires de documents, 172 353 photos, 1652 cartes et plans, 300 heures et 23 minutes d’enregistrements sonores ainsi que 239h43 d’images en mouvement.

On y trouve notamment des Fonds de Fabrique ou encore des archives de personnes remis par de généreux donateurs. «Par exemple, le fils de la journaliste Françoise Gaudet-Smet nous a apporté tout ce qu’elle avait accumulé au cours de sa vie, comme les correspondances qu’elle entretenait et les documents qu’elle recevait.»

Les documents auxquels s’intéresse le Centre d’Archives régionales concernent l’histoire de Nicolet et de la région, du diocèse de Nicolet, des anciens étudiants et professeurs du Séminaire et ceux d’individus, de familles ou organismes ayant une valeur historique. La date extrême de tous les documents accumulés remonte à 1658.

Une longue liste de ce qui se trouve dans le Centre des Archives régionales se trouve sur le site www.archivesseminairenicolet.wordpress.com.

On y trouve plus de 487 mètres linéaires de documents, 172 353 photos, 1652 cartes et plans, 300h23 d’enregistrements sonores ainsi que 239h43 d’images en mouvement.

À cela s’ajoute la bibliothèque du Séminaire qui est là et qui compte 60 000 volumes ou brochures mis à la disposition des chercheurs. Du nombre, 178 datent du XVIIe siècle, 12 du XVIe siècle et 2 du XVe siècle. Le plus précieux est une Bible latine avec enluminure, imprimée à Venise en 1476.

La bibliothèque met aussi à la disposition des chercheurs 1256 titres de revues, 157 titres de journaux ainsi qu’une intéressante section de généalogie.

L’an dernier, environ 260 chercheurs sont venus sur place pour consulter des documents. Plus de 300 demandes ont été reçues par courriel ou par téléphone. Il s’agit d’une année plutôt moyenne. «On en a déjà plus du double», souligne l’archiviste, Marie Pelletier.

«On en a perdu beaucoup en raison de l’Internet, continue-t-elle. Parce que les gens qui s’intéressent à la généalogie y ont accès de chez eux. Ça attire quand même encore des gens qui veulent savoir où restait leur ancêtre, ce qu’il faisait dans la vie.»

Des photos et des cartes sont aussi souvent commandées pour monter des expositions sur la région.