Une appli pour apprendre l’abénakis

ODANAK. On peut compter sur les doigts de la main le nombre de locuteurs de langue abénakise restant aujourd’hui. Si aucune action n’était posée rapidement, on craignait vraisemblablement que l’abénakis ne soit plus qu’un souvenir. Le Grand Conseil de la Nation Waban-Aki (GCNWA) a donc entrepris le projet de créer une application mobile d’apprentissage de la langue abénakise, « Neg8nsosakilal8mow8gan: la voix de nos ancêtres ».

Ce projet s’inscrit dans la poursuite des efforts déployés par les membres de la Nation pour préserver et promouvoir leur patrimoine culturel. L’application a quant à elle été réalisée par l’agence numérique abénakise Asban, située à Odanak.

L’application mobile, disponible gratuitement sur les plateformes iOS et Android ainsi que sur le web, propose une centaine de mots usuels à travers différentes leçons d’apprentissage, avec une intégration continue de nouveau contenu.

Les utilisateurs peuvent également entendre la voix de leurs ancêtres grâce à des enregistrements remastérisés. De plus, la grande majorité des images ont été réalisées par une jeune abénakise de Wôlinak, contribuant ainsi à la transmission intergénérationnelle des savoirs.

Le projet « Neg8nsosakilal8mow8gan : la voix de nos ancêtres », financé en partie par Patrimoine canadien, a de multiples objectifs : d’abord, faciliter l’apprentissage de la langue abénakise et accroître le nombre de locuteurs de cette langue. Ensuite, il répond à un besoin exprimé par les membres de la Nation et vise à assurer la pérennité et la survie de la langue abénakise. De plus, grâce à une application numérique ludique et éducative, le projet cherche à susciter l’intérêt des jeunes générations et renforcer leur sentiment d’appartenance à la Nation et celui de fierté envers leur patrimoine culturel. Enfin, en offrant un outil didactique accessible à tous pour l’apprentissage d’une langue autochtone reconnue au Canada, le projet permet de partager cette richesse linguistique avec l’ensemble de la population canadienne.

Pour plus d’informations sur le projet « Neg8nsosakilal8mow8gan: la voix de nos ancêtres » ou encore pour télécharger l’application mobile, visitez le https://abenakis.app.

La technologie au service de la culture

L’agence numérique Asban a été fondée en 2013 par Steve O’Bomsawin. Pendant 5 ans, il a fait cavalier seul avant de graduellement se trouver quelques partenaires. Chaque année depuis trois ans, il double son chiffre d’affaires, et l’équipe est désormais constituée d’une douzaine d’employés, certains situés outre-mer.

« Je suis un passionné de l’informatique depuis que je suis tout jeune. Avant de faire des sites web, j’opérais des serveurs de jeux et je taponnais du web sur le côté. Je voyais que je voulais faire une carrière là-dedans, raconte Steve O’Bomsawin. Je voulais offrir un produit aux entreprises », précise-t-il.

« On touche à pas mal de tout ce qui est numérique. On est capable de faire une approche 360 degrés », explique celui qui vient d’ailleurs d’ajouter une offre vidéo à ses services. Afin de démontrer les possibilités, M. O’Bomsawin utilise l’exemple de son travail au camping Abénaki Aventure, entreprise appartenant à son père. « On a fait le réseau sur le camping, le wi-fi, le système de réservation, le marketing, les réseaux sociaux, les vidéos… tout au complet! », lance-t-il.

L’entreprise est également en train de développer une nouvelle offre d' »unlimited design », un modèle d’affaires qui gagne en popularité dans le domaine du numérique. « Tu payes une mensualité qui te permet d’envoyer du travail à l’infini à l’agence. On en fait une à la fois, et c’est celle qui est en haut de la liste. Ça permet à l’entreprise de bénéficier de l’expertise de douze personnes, sans les inconvénients d’engager un nouvel employé », explique le propriétaire d’Asban.

Il n’existe que très peu d’agences numériques des Premières Nations. « J’en connais deux ou trois, et elles sont petites », révèle M. O’Bomsawin. L’entreprise Asban commence quant à elle à se tailler une place de choix, presque uniquement grâce au bouche-à-oreille. « On est une agence qui fait des images de marque, mais on est un peu cordonniers mal chaussés! On n’a pas le temps de travailler sur notre affaire à nous, et notre présence Facebook est quasi nulle. Pourtant, on ne manque pas de travail », souligne M. O’Bomsawin.

Selon le propriétaire, ce sont sans aucun doute les contrats récurrents avec les membres de la communauté, dont les conseils d’Odanak et de Wôlinak, ainsi que le GCNWA, que les choses ont été lancées en grand pour Asban. L’application mobile « Neg8nsosakilal8mow8gan : la voix de nos ancêtres » a d’ailleurs probablement été le plus gros contrat de l’agence numérique. 

« L’application était censée être lancée plus tôt, mais il y a eu des complications avec la fameuse COVID. C’était également plus complexe qu’un site web, concède Steve O’Bomsawin. On a livré un bon produit, mais avec les ajouts qui s’en viennent, elle sera vraiment sur la coche! » En effet, de nouvelles fonctions et des niveaux supplémentaires seront ajoutés. « Les trucs les plus intéressants et innovateurs vont venir dans la phase 2 qu’on débute en ce moment. »

Mettre la main sur le contenu de l’application a aussi été un défi de taille, étant donné le nombre de locuteurs de la langue abénakise dangereusement en déclin. M. O’Bomsawin a pu compter sur le savoir d’un enseignant allochtone à l’Institut Kiuna qui a appris la langue par passion, ainsi que de deux autres intervenants, dont Daniel G. Nolett, directeur général du Conseil des Abénakis d’Odanak. Ils sont extrêmement exigeants sur la véracité et la précision du contenu.

Selon M. O’Bomwasin, on compte déjà plus de 500 téléchargements de l’application et les commentaires des utilisateurs sont excellents. « On est toujours en train de regarder comment on pourrait intégrer des nouvelles technologies pour rendre la culture intéressante à utiliser », conclut M. O’Bomsawin.