Un cancer à « puncher »
SAINT-LÉONARD-D’ASTON. Se battre, fuir ou figer : voilà les trois façons d’aborder les épreuves de la vie lorsqu’elles se présentent à nous. Sans équivoque, Jean-Yves Doucet choisit la première. Le 31 août dernier, il a reçu un diagnostic de cancer (lymphome non hodgkinien) et au moment d’écrire ces lignes, il attend d’être traité.
Pour ce Léonardais impliqué dans plein de bonnes causes, pas question d’attendre ses traitements de façon passive et en se faisant du mauvais sang ! Au contraire : il le fait en consacrant une bonne partie de son temps à sensibiliser les élèves de l’école secondaire La Découverte (ESLD) à la réalité du cancer et à l’œuvre de Terry Fox. Chose qu’il fait depuis maintenant 13 ans, d’ailleurs, en compagnie de l’enseignante Marie-Josée St-Onge, dans le cadre du volet Terry Fox du Polycourons.
Mais cette année, leur présentation prend une tout autre couleur. Avant, pour montrer aux élèves à quel point les cas de cancer étaient fréquents, ils leur disaient ceci : « Probablement qu’un de nous deux aura un diagnostic de cancer un jour ». Cette année, le discours a changé : « Je dis maintenant aux élèves que depuis le 31 août, ce probablement n’existe plus. J’ai un diagnostic de cancer. »
Les premiers soupçons
C’est en mai dernier, en voulant aller donner du sang, que Jean-Yves Doucet a figuré que quelque chose n’allait pas. « L’infirmière m’a refusé. Elle m’a dit que je faisais un peu d’anémie. J’ai donc décidé d’aller voir mon médecin (Dr Alexis Labelle). Il m’a fait passer une série de prises de sang, investiguant toujours plus loin. Son professionnalisme m’a -peut-être sauvé la vie, car certains résultats étaient à la limite de la normale et je n’avais aucun symptôme. Dans ce contexte, il aurait très bien pu me dire de revenir le voir l’année prochaine ou dans deux ans. Mais rendu là, ça n’aurait possiblement pas été la même game. »
Jean-Yves Doucet a deux lymphomes non hodgkiniens indolents (d’évolution lente) sous l’aisselle gauche et une masse dans l’abdomen : « Je ne sais pas encore si elle est de nature agressive ou pas. J’attends les résultats d’une biopsie ». Ses organes vitaux ne sont pas atteints. « Je pense que j’ai un bon pronostic. On me parle de six mois de traitement, -peut-être. J’en saurai plus quand je reverrai mon oncologue, le 4 octobre. »
Petit Louis
Parler de sa situation lui fait du bien. « La première personne que j’ai rencontrée après l’annonce de mon diagnostic, c’est mon petit-fils Louis, âgé de 5 ans. Quand il l’a su, il m’a dit «Je vais le puncher, ton cancer, grand-papa !». J’ai trouvé que c’était une bonne idée ! »
Pour « puncher » ce fameux cancer, Petit Louis (c’est son surnom) courra le 1km du Polycourons Terry Fox le 20 octobre en compagnie de son grand-père et de sa mère. Il contribuera ainsi à recueillir des fonds pour la recherche. « Il ne peut pas me puncher dans le ventre, mais il sait qu’il faut faire quelque chose pour contrer ça. C’est venu me chercher au fond du cœur. Ce sera sa troisième participation à l’événement et il est vraiment motivé ! »
La Fondation Terry Fox
Son combat contre le cancer, Jean-Yves Doucet le livrera en se concentrant sur ce qu’il peut faire. « Je ne suis pas du genre à m’apitoyer sur mon sort. Ce que je peux faire, c’est continuer à ramasser des dons pour faire avancer la recherche. Alors mon objectif cette année, c’est de battre le record réalisé l’an dernier, qui s’élevait à 7851,15 $. »
Depuis l’ajout du volet Terry Fox au Polycourons, en 2010, 66 651,84 $ ont été donnés à la Fondation Terry Fox. Une cause chère aux yeux de M. Doucet, qui a perdu son épouse (Christiane Dumoulin) à la suite d’un cancer, en 2008. « Quand elle est décédée, je cherchais une façon de faire ma part dans la lutte contre le cancer. Marie-Josée (-St-Onge) m’est arrivée avec l’idée d’ajouter le volet Terry Fox au Polycourons et j’ai embarqué. Ça m’a redonné la vie après le deuil. »
Leçons de courage
C’est un peu cette histoire, combinée à celle de Terry Fox, bien sûr, qu’il partage avec les élèves de La Découverte quand il les rencontre à l’approche du Polycourons. « Ces -jeunes-là vont tous avoir à traverser des épreuves dans leur vie. On veut les aider à mieux y faire face. On veut aussi leur montrer à penser aux autres en leur faisant comprendre que leur don d’aujourd’hui peut faire une différence pour plus tard. Le Polycourons, pour moi, c’est un bijou d’éducation. C’est un cours sur la vraie vie. »
Tous les midis, Marie-Josée St-Onge et lui tiennent un kiosque à l’école La Découverte pour vendre des t-shirts blancs commandités par Desjardins. Chacun des 3 $ demandés pour ces t-shirts est directement versé à la Fondation Terry Fox. L’acheteur peut aussi ajouter 3 $ pour inscrire le nom d’un être cher sur son chandail afin de lui rendre hommage.
« Mercredi dernier, un élève s’est arrêté au kiosque et il m’a dit que tous les jeunes de sa classe mettraient mon nom sur leur chandail. Mon filleul est dans cette -classe-là. Une autre fille est passée ensuite et m’a demandé de signer son chandail. C’est très touchant ».
Polycourons Terry Fox : un bijou
En plus d’être « un bijou d’éducation », comme le dit si bien M. Doucet, le Polycourons est aussi un bijou d’activité physique.
Le volet Terry Fox célèbre ses 13 ans cette année, mais l’événement en soi a 40 ans. C’est l’une des plus vieilles courses au -Québec. « C’est l’enseignant Denis Allard, qui était mon professeur de stage à l’époque, qui a démarré ça avec Fernand Guilbert. Les deux sont décédés du cancer. »
Chaque année, l’événement se déroule sous la présidence d’honneur d’un ou d’une athlète. Cette année, le mandat a été confié à la patineuse de vitesse et Olympienne Florence Brunelle. Elle livrera une conférence aux élèves le matin de la course.
Le Polycourons propose quatre distances : 1, 2, 4 et 8 km. À 12 h 30, une marche symbolique de 300 mètres autour du terre-plein de l’école a lieu. C’est le Tour d’honneur visant à souligner le courage et la détermination des personnes éprouvées par le cancer. Jean-Yves Doucet y prendra part pour une première fois.
« Les participants du Tour d’honneur portent un gilet rouge à l’effigie de Terry Fox. C’est en demandant à Marie-Josée de m’en commander un que je lui ai appris que j’avais un cancer », raconte M. Doucet.
Un marathon d’émotions !
Cette édition du Polycourons revêtira un cachet spécial, admet ce retraité de l’ESLD. « Tous les ans, on y vit des choses extraordinaires. C’est pour ça que je ne veux pas le manquer ! Et même si je commence mes traitements d’ici là, je veux être là le 20 octobre ; avec un masque ou même en chaise roulante s’il le faut ! »