Pro-bio se lance dans une culture rarissime

SAINT-LÉONARD-D’ASTON. Une production rarissime au Québec est en cours d’expérimentation à grande échelle dans un champ de Saint-Léonard-d’Aston. L’entreprise agricole biologique Pro-bio s’est lancée dans la culture de la patate douce biologique.

Vers la mi-juin, pas moins de 87 000 boutures de ce tubercule ont été plantées. «On fait six acres de patates douces cette année, indique Samuel Richard, copropriétaire de l’entreprise avec son frère Gabriel. C’est vraiment un gros défi, car à la base, la patate douce est une plante tropicale. Ce n’est vraiment pas adapté à notre climat, surtout pour une production à grande échelle.»

Pour être en mesure d’obtenir une récolte, les producteurs doivent réussir, par divers moyens, à recréer un climat plus chaud, explique M. Richard. «C’est plus facile à petite échelle parce qu’on peut utiliser différents équipements, comme des bâches flottantes ou de la culture sous tunnel. À grande échelle, ce n’est pas toujours possible. La stratégie qu’on a choisie a été d’utiliser le paillis de plastique pour réchauffer le sol rapidement au printemps, et de démarrer le champ avec des boutures importées des États-Unis.»

Chaque bouture a été plantée à la main dans les trous percés à cette fin dans le paillis de plastique. «C’est une opération qui demande beaucoup de main-d’œuvre. Par le biais d’appels à tous, principalement sur les réseaux sociaux, on a réussi à recruter 45 personnes pour repiquer les boutures sur deux jours.»

Un choix réfléchi

Se lancer dans cette culture inusitée représente un défi de taille auquel il faut greffer beaucoup d’investissement en temps et en argent.

Mais les frères Richard n’ont pas peur des défis et ont les reins solides. Les patates, ils connaissent ça! Car en plus de gérer Pro-bio, ils sont la troisième génération de Richard à la tête de Proculteur, une imposante entreprise de production conventionnelle de pommes de terre. C’est avec une volonté commune de faire un essai en bio au niveau de la production de patates qu’ils ont démarré, il y a quatre ans, la filiale Pro-bio.

«La première année, on a loué des terres qui étaient déjà en production bio. Ça nous a permis d’essayer la culture biologique et de développer et adapter nos techniques. L’année suivante, on a décidé de réserver, à même nos terres, un bloc de 90 acres pour la culture biologique et on a débuté la transition.»

Il faut compter trois ans pour compéter cette transition et être certifié comme producteur biologique, raconte Samuel Richard. Durant tout ce temps, aucun intrant n’est appliqué: pas d’engrais chimiques, ni fongicide, ni herbicide. «On cultive en bio sans avoir la certification bio. Par contre, au terme de la troisième année, notre récolte sera certifiée biologique.»

Aujourd’hui, les deux frères cultivent 50 acres de patates régulières biologiques, en plus de leur production de pommes de terre conventionnelle. Cette année, en ajoutant la production de patates douces biologiques, ils viennent diversifier de nouveau les activités de leurs entreprises tout en répondant à une certaine demande.

«Au niveau du marché, on a quand même été surpris de la réponse des différents acheteurs qu’on a contactés. Il y a vraiment une demande [pour la patate douce bio] et actuellement, l’approvisionnement se fait en partie de l’Ontario et en partie des États-Unis. On a pu constater que les acheteurs sont favorables à acheter localement. C ‘est encourageant.»

Imagination et rendement

Le fait d’avoir déjà en leur possession l’équipement et les infrastructures utiles à la culture des pommes de terre donne un sérieux coup de pouce aux deux agriculteurs, qui peuvent ainsi les mettre à profit dans toutes leurs sphères d’activités (biologiques et conventionnelles). Mais cela ne les empêche pas de rivaliser d’imagination quand vient le temps de s’outiller pour maximiser leur production et leur rendement.

«On a modifié une récolteuse de pommes de terre pour être capable de récolter mécaniquement la patate douce. La plupart des gens le font encore à la main, souligne fièrement Samuel Richard. On aimerait éventuellement développer quelque chose pour la transplantation [mécanisée] des boutures de patates douces sur le paillis de plastique parce que rien n’existe encore à cet effet. On va travailler là-dessus cet hiver et faire des tests.»

En parallèle, les frères Richard souhaitent développer leur propre réseau de vente au détail. Pour cela, ils compteront sur l’aide de leur cousin, Guillaume Allyson, qu’ils ont embauché en janvier dernier à titre de responsable du développement commercial.