Princesse de l’usagé

NICOLET. Emmy Bourgoin n’a pas eu à fouiller bien loin pour dénicher la tenue qu’elle portera à son bal de finissants, ce jeudi 20 juin. Elle se trouvait presque sous son nez, dans une garde-robe du local du service d’animation à la vie spirituelle et à l’engagement communautaire (SASEC) de son école…

C’est sans grandes attentes qu’elle s’est laissé convaincre par Claudia Bourgeois, l’animatrice SASEC de Jean-Nicolet, de jeter un œil aux robes de bal recueillies depuis un peu plus d’un an par la Cabane à Dons, la friperie de l’école. Mais au final, elle s’est surprise à apprécier l’expérience. Au fur et à mesure que les housses révélaient leur contenu, le plaisir grimpait d’un cran…

«Entendons-nous bien: ce n’est pas comme une séance de magasinage en boutiques sur la rue St-Hubert, à Montréal, là où toutes les jeunes filles, ou presque, semblent rêver d’aller pour essayer plein de robes», mentionne Claudia Bourgeois qui, d’ailleurs, s’explique mal ce rituel suscitant tant d’engouement.

Emmy Bourgoin dans sa robe de bal de la Cabane à Dons de l’école secondaire Jean-Nicolet.

Mais même lorsqu’on magasine dans un local de son école secondaire, le coup de foudre peut survenir; et quand c’est le cas, impossible de l’ignorer! C’est précisément ce qui est arrivé à Emmy, dès qu’elle a vu cette robe saumon soyeuse, ornée de jolies paillettes au bustier, et brillant presque parmi les 42 robes disponibles! Elle a tout de suite su que c’était celle qui lui fallait! Et non seulement était-elle magnifique, mais elle lui allait comme un gant!

Incrédule face à sa découverte, Emmy est même retournée l’essayer une deuxième fois en compagnie de sa mère, afin d’obtenir son avis. «Quand j’ai vu son regard, j’ai su que j’avais bel et bien trouvé ma robe!»

Casser le rituel

«Au départ, quand Emmy m’a parlé d’acheter sa robe de bal à la Cabane à Dons, j’ai été surprise, et même un peu déçue à l’idée de ne pas aller me promener dans les boutiques avec elle, comme je l’avais fait avec ma fille aînée et mon garçon. Ça avait été de bons moments, et il m’apparaissait un peu étrange qu’elle ne veuille pas les vivre elle aussi, raconte la maman, Josée Verville. Elle me disait que ce rituel n’était pas si important… et j’ai réalisé qu’elle avait entièrement raison!».

En y réfléchissant davantage, elle a même perçu plusieurs avantages à cette décision, à commencer par une économie d’argent appréciable (la robe a coûté 80$; une fraction du prix original) et une empreinte écologique moindre, cadrant parfaitement avec les valeurs de récupération bien ancrées dans la famille. «Je n’ai jamais ressenti de gêne à accepter de sacs de linge, indique Josée Verville. Chez nous, on les perçoit comme des cadeaux.»

Aucun malaise pour elle, donc, que la robe de bal d’Emmy ait déjà été portée. «Pour moi, le seul élément déstabilisateur était vraiment lié au fait que, pour cet événement grandiose de la vie de ma fille, je ne vivrais pas avec elle ce moment de complicité que m’aurait apporté une bonne session de magasinage! Je le vivrai autrement, en la coiffant le jour du bal», sourit-elle, philosophe.

Une portée insoupçonnée

La décision d’Emmy d’opter pour une robe de la Cabane à Dons émeut grandement Claudia Bourgeois, qui souhaiterait que plus de jeunes l’imitent. «Tout le monde, ici, applaudit l’idée de récupérer des robes de bal, mais personne ne passe à l’action pour en porter, soulève Claudia Bourgeois, qui salue l’audace d’Emmy. Elle est notre pionnière!»

Elle rappelle qu’on retrouve pourtant, dans la penderie, des robes à donner, à prêter, à louer et à acheter. On y trouve même des souliers et des accessoires. Neuf habits pour les jeunes hommes y sont également accrochés, prêts à trouver preneur.

L’animatrice du SASEC espère que plusieurs jeunes filles et jeunes hommes emboîteront le pas à Emmy dans le futur, pour les raisons déjà évoquées, mais également parce que l’argent recueilli par certaines ventes sera transformé en bourses d’études remises dans des pays comme le Guatemala, Haïti, le Nicaragua et l’Équateur, où des élèves de l’école secondaire Jean-Nicolet réalisent des stages de solidarité. «Que ce soit par conscience environnementale, par souci d’économie, par le goût d’aider une communauté à l’étranger ou autre, il faut encourager ce geste qui fait tellement de sens.»

«Je suis très fière d’Emmy, de la femme qu’elle devient et de son parcours, mentionne sa mère. Réussir, ce n’est pas nécessairement avoir les meilleures notes ou les mentions d’honneur; c’est aussi découvrir qui l’on est vraiment dans la vie. Elle l’a compris, comme en témoigne un peu son choix de robe de bal.»