Philippe Muratori: comme Spiderman sur New York… ou presque!

PONT LAVIOLETTE. Entendre Philippe Muratori parler du pont Laviolette, c’est comme entendre quelqu’un parler d’une auto-construction. Le pont, il le connaît comme le fond de sa poche. À l’emploi du ministère des Transports du Québec depuis 1987, il consacre 90% de son temps à l’inspecter et à s’assurer qu’il demeure en bon état.

Il connaît chaque élément qui le compose, des piliers jusqu’au sommet. L’ingénieur de 54 ans n’hésite d’ailleurs pas à enfiler harnais et casque de sécurité pour escalader et décalader la structure, à la recherche de la moindre trace de corrosion, de bris et d’irrégularités. On pourrait le qualifier de  «gardien» ou même de «protecteur» du pont… un peu comme Spiderman sur New York.

«Mon mandat, c’est d’inspecter le pont et de m’assurer qu’il soit maintenu en bon état. Je m’occupe de planifier les travaux à réaliser en fonction de leur urgence. Généralement, ce sont des travaux préventifs. L’idée, c’est d’aller au-devant des problématiques», explique-t-il.

Pour les curieux, il mentionne que l’inspection des piles (*1) prend une semaine et demie. La vérification des suspentes (*2) nécessite trois jours par direction.

En ce qui concerne l’inspection de la structure d’acier au-dessus de la voie carrossable, il faut compter de deux à trois semaines dans des conditions météorologiques optimales. Les parties métalliques accessibles avec des camions-nacelles sont inspectées aux deux ans, lors de l’inspection générale du pont. Celles qui ne le sont pas, comme le haut de l’arche, sont quant à elle inspectées aux quatre ans par technique d’escalade.

«On fait ce genre d’inspection généralement en août. Nous sommes trois à escalader la structure. Les deux ou trois premiers jours, on se déplace principalement à quatre pattes, le temps de retrouver nos repères et de s’habituer aux conditions. Car là-haut, il vente constamment.»

Ce «là-haut» se situe à plus de 100 mètres au-dessus du fleuve. Et à cet endroit, les poutres pour circuler mesurent à peine 838 millimètres de large…

Évolution

À son entrée en poste, il y a 30 ans, on n’inspectait pas les ponts comme aujourd’hui. «On faisait une inspection sommaire en quelques points, se souvient Philippe Muratori. Aujourd’hui, on regarde absolument tous les aspects. Chacun des éléments est coté: matériaux, comportement, état général…  Le tout est répertorié dans un système électronique.»

Une fois l’inspection faite vient la rédaction des rapports et la préparation des projets d’entretien et de réparation.

De travail à passion

À force de côtoyer le pont Laviolette, Philippe Muratori a appris à en apprécier la conception; autant sa complexité technique («Il y a cinq types de ponts dans le pont Laviolette!») que  son esthétisme. «On le surnomme le pont de dentelle. Il est gracieux. Les gens ont raison d’en être fiers et d’en faire l’emblème de la région.»

Il se sent privilégié de travailler à assurer sa pérennité. Et encore plus d’avoir un accès presque exclusif aux splendeurs qu’il offre, comme cette vue exceptionnelle à son sommet ou la possibilité d’assister, de si près, au passage de bateaux sous le pont.

«Je ne compte plus le nombre de fois où j’en ai photographiés», souligne l’ingénieur, qui tire une grande fierté de sa banque de photos inédites.

Entre deux confidences, il indique aussi détenir chez lui quelques vestiges du pont Laviolette, récupérés lors de travaux antérieurs, comme des écrous, des bouts de suspente, des morceaux d’aciers et même un appareil d’appui désuet.

Cette collection inusitée, il l’alimente continuellement, pour le plaisir: «J’ai aussi des pièces provenant d’autres ponts, comme celui de Grand-Mère et l’ancien pont de Québec».

 

* Lexique

1-  Piles: ce sont les appuis supportant le tablier du pont

2- Suspentes: ce sont les câbles d’acier verticaux qui soutiennent le tablier dans la partie centrale du pont

Philippe Muratori au sommet du pont Laviolette. (Photo gracieuseté de Philippe Muratori)