Le rêve partagé de la Ferme du Joual Vair
BÉCANCOUR. Bernard Giles et Christian Beaudin sont des passionnés de chevaux, des vrais de vrais, et tous deux parlent de la Ferme du Joual Vair avec des étoiles dans les yeux. Il y a un an déjà, M. Giles cédait son entreprise à sa relève, M. Beaudin et sa conjointe, Sylvie Dionne. « Un transfert de rêve », décrit l’ancien propriétaire. « Mon idéal dans la vie, c’était de vendre à des gens comme eux autres. »
Déjà vers l’âge de 10 ans, Christian Beaudin caressait le rêve d’avoir son propre village western! Camping, hôtel, centre équestre… « J’ai passé mon adolescence à le dessiner et à le redessiner. J’ai même déjà fait toute la maquette de mon centre! », raconte-t-il. Après le secondaire, il a poursuivi ses études en administration, toujours dans le but de réaliser son rêve, mais les circonstances ont fait qu’il a été mis de côté pendant longtemps.
En 2012, un de ses amis lui révèle qu’il rêvait d’aller dans l’ouest pour faire de la conduite de troupeau, et Christian Beaudin s’est rappelé qu’il avait déjà entendu parler d’un endroit unique au Québec où c’était possible de pratiquer cette activité. Et cet endroit, c’est la Ferme du Joual Vair, situé à quelque deux heures et demie de route de chez lui à Hemmingford. « Je suis tombé en amour avec la place », affirme M. Beaudin. Il ne s’est pas limité à une seule visite et a même gardé contact avec les guides de la Ferme.
En octobre 2021, c’est en fouinant sur un site immobilier qu’il tombe sur un endroit à vendre à Bécancour et, par curiosité, il a voulu vérifier si c’était à proximité de la Ferme du Joual Vair… pour constater qu’il s’agissait bel et bien du centre équestre qui était à vendre. « Je me suis levé debout et je me suis mis à tourner en rond sans dire un mot », se souvient M. Beaudin, alors sous le choc par la nouvelle. « C’était la première fois de ma vie que j’avais deux personnes qui se battaient dans ma tête, une qui disait que j’étais bien où j’étais, l’autre qui me disait que c’était ça mon vrai rêve. »
En fait, le véritable obstacle qui se dressait devant son rêve, c’était sa conjointe des 21 dernières années. « Quand j’ai rencontré Sylvie, ce n’était pas la fille aux chevaux du tout. Ça faisait peut-être un mois qu’on était ensemble qu’elle m’a dit : Mets-toi ça tout de suite dans la tête que tu n’auras jamais un cheval avec moi! Elle n’aimait pas ça, ne voulait rien savoir et en avait même peur! », dit-il.
Tout l’après-midi, il a préparé son plaidoyer pour son retour à la maison, mais étant donné toute sa fébrilité, rien n’est sorti comme souhaité, et il a bien cru que son « chien était mort ». Pourtant, trois jours plus tard, l’idée avait cheminé dans l’esprit de Sylvie Dionne. Après avoir interrogé davantage son conjoint sur la Ferme du Joual Vair, ils ont finalement fait des démarches auprès de leur courtier immobilier et voilà que quelques mois plus tard, en avril 2022, le couple emménageait officiellement à Bécancour.
Que s’est-il passé dans l’esprit de Mme Dionne durant ces quelques jours? « On voulait être notre propre patron, on ne voulait plus travailler pour personne et être autonome. Et c’est son rêve, alors on est allé de l’avant », dit-elle. Il y a probablement aussi beaucoup d’amour derrière cette décision…
Un an après leur arrivée à Bécancour, ni un ni l’autre ne regrette leur décision. Mme Dionne a affronté ses peurs et, désormais, les 31 chevaux de la ferme sont devenus ses bébés. « D’habitude, faire sortir les chevaux l’après-midi, ce n’est pas compliqué et ça ne prend que 15 minutes. Là, j’en ai pour une heure! Elle va voir les chevaux un après l’autre pour les câliner! », se réjouit Christian Beaudin.
« Maintenant, de voir qu’elle aime ça, je suis le gars le plus heureux! Oui, c’est ça, je suis heureux. Je ne peux pas dire ça autrement ».
La Ferme du Joual Vair, institution touristique à Bécancour.
Le 10 juin 1979, Bernard Giles débutait ses activités à Bécancour avec la Ferme du Joual Vair. Il ne s’agit cependant pas de ses premières expériences équestres, puisqu’auparavant, il était propriétaire du Joual Vair, un petit emplacement à L’Épiphanie, dans Lanaudière.
« Ça fait 54 ans que j’ai des chevaux. Rendu là, c’est pas mal toute ma vie! », lance M. Giles. À l’âge de 12 ans, il commençait à travailler dans un centre équestre et, dès 16 ans, alors qu’il fréquentait encore l’école, il devenait propriétaire de sa propre entreprise.
Petit hic : comme il était locataire, il était plus difficile de faire croitre son entreprise. C’est donc à Bécancour qu’il a trouvé l’emplacement idéal. « Pour une entreprise comme ça, c’était plus que parfait. Il y a du boisé, des cours d’eau, des vallons. Tu tombes dans ce décor et tu te penses ailleurs tout de suite, révèle M. Giles. C’est un avantage pour l’industrie touristique et ce qu’on a comme activités. »
Dès les tous débuts de l’entreprise, il offre du tourisme équestre et accueille des gens de partout sur la planète. Au service de randonnée s’est ajoutée par la suite la conduite de bétail. « C’est devenu le produit vedette de la place, parce que ça ne se faisait pas dans tout l’est de l’Amérique, même aux États-Unis. Ça s’est installé à d’autres places depuis, mais on peut se vanter d’être les premiers à avoir parti ça. Ça prenait non seulement l’expérience avec le bétail, mais également les chevaux entrainés en conséquence et le décor! », explique M. Giles.
Il y a un peu plus de deux ans, Bernard Giles s’est dit qu’il devait penser à la relève de son entreprise. « Je ne voulais pas attendre et être obligé de vendre parce que j’étais malade ou quoi que ce soit », explique-t-il. Cela lui permettait ainsi de prendre le temps de trouver les bons successeurs.
Le transfert d’entreprise se fait tout en douceur, car M. Giles n’a pas vraiment quitté la Ferme. « Je ne peux pas avoir meilleur prof! Même si j’ai eu des chevaux avant, je n’ai jamais été dedans autant que présentement. Il m’enseigne tous les trucs et me révèle les secrets du terrain et de la routine. Je suis content et je ne veux pas qu’il parte! », lance Christian Beaudin.
« C’est merveilleux! Je suis content, car ça me permet de continuer à participer au rêve, parce que je viens travailler ici encore tout l’été! », conclut l’ancien propriétaire. Sans mettre de côté sa passion pour les chevaux, il profitera de sa retraite pour prendre davantage soin de ses amis et de sa famille.