La pénurie de main-d’oeuvre fait perdre des millions $ chaque semaine

RÉGIONAL. Il y a urgence d’agir, plaide Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ), parce que les manufacturiers du Centre-du-Québec, faute de travailleurs, perdent chaque semaine des millions de dollars.

Voilà pourquoi MEQ, qui représente 1100 manufacturiers dans la province, a entrepris, à la fin de mai, une tournée régionale virtuelle de 10 régions qui prendra fin à Montréal le 23 juin.

Mercredi dernier (2 juin), MEQ et sa présidente-directrice générale Véronique Proulx ont rencontré les manufacturiers centricois. Une vingtaine d’entre eux ont participé à ce rendez-vous. «Avec cette tournée, on veut démontrer aux gouvernements l’impact économique de la pénurie de main-d’œuvre dans chacune des régions et leur proposer des solutions», a indiqué la PDG lors d’une entrevue téléphonique accordée au groupe de presse Icimédias, dont fait partie Le Courrier Sud.

La pénurie de personnel, on en parle depuis fort longtemps, a-t-elle rappelé. «Au Québec, dans le secteur manufacturier, on dénombre quelque 17 000 postes vacants. Ce qu’on dit aux décideurs, c’est qu’il faut prioriser des solutions pour notre secteur spécifiquement si on veut que les manufacturiers jouent leur rôle dans la relance économique», a fait valoir Véronique Proulx.

Il est frappant de constater, a-t-elle noté, que toutes les entreprises ont «des dizaines et des dizaines» de postes vacants. «Et cela, c’est pour répondre à la demande actuelle. Dans le futur, avec les départs à la retraite, avec les projets de croissance qu’elles ont et les contrats qu’elles pourraient décrocher à l’international, il y aura énormément de postes à combler», a-t-elle signalé, tout en précisant que le contexte de pénurie fait en sorte que des millions de dollars sont laissés de côté chaque semaine, et dont la région se prive, faute d’avoir les travailleurs nécessaires.

La PDG de MEQ fait même remarquer qu’une certaine entreprise doit retarder un projet d’investissement de robotisation et d’automatisation de 12 M $ ne sachant pas si elle pourra compter sur les travailleurs requis pour faire rouler l’usine. «Les gens ne voient pas la lumière au bout du tunnel, ne savent pas à quel moment les gouvernements les aideront», a souligné Mme Proulx.

Des solutions

Les manufacturiers centricois ont proposé différentes solutions pour contrer la pénurie de la main-d’œuvre. Puisque pour de nombreuses entreprises le recours aux travailleurs étrangers temporaires constitue une avenue incontournable, les manufacturiers réclament un assouplissement des règles en matière d’immigration temporaire. «Ils souhaitent notamment de plus courts délais. Faire venir un travailleur peut prendre jusqu’à 10 ou 12 mois», a signalé Véronique Proulx.

Les manufacturiers souhaitent aussi une hausse ou l’abolition de la limite de 10% par usine imposée aux employeurs quant au pourcentage de travailleurs étrangers temporaires qu’ils peuvent embaucher au sein de leur effectif. «Vu l’ampleur du phénomène, cela permettrait aux entreprises d’aller chercher les travailleurs dont ils ont besoin», a-t-elle observé.

La solution à la pénurie passe aussi par la rétention des personnes immigrantes en région. «C’est un problème. Après avoir investi des sommes importantes, parfois de 10 000 $ à 12 000 $ pour les loger et les former, les entreprises voient les travailleurs partir après deux ou trois ans pour retourner dans leur pays ou dans les grands centres», a exposé la PDG de MEQ.

D’où, selon elle, le rôle important qu’ont à jouer les municipalités et les MRC dans la mise en place des conditions gagnantes pour s’assurer que les gens désireux de s’installer en région aient accès aux services essentiels, comme des logements abordables, des places en garderie et le transport en commun.

Par ailleurs, les jeunes font partie également de la solution, estiment les manufacturiers. Pour les attirer, il convient de mieux leur faire connaître le secteur. «Ils ne connaissent pas les entreprises, ce qu’elles fabriquent. Ils ont aussi une mauvaise perception, pensant à tort que c’est lourd et sale, que les conditions ne sont pas nécessairement bonnes. Or, le secteur manufacturier a pris un important virage technologique comportant beaucoup d’automatisation et de robotisation. Et puis, le salaire moyen se situe à 28 $ l’heure, bien au-delà du salaire minimum», a fait savoir Mme Proulx, tout en faisant valoir l’importance de travailler avec le gouvernement et les instances en milieu scolaire pour promouvoir et faire connaître le secteur, non seulement auprès des jeunes, mais aussi des femmes.

Une fois sa tournée régionale virtuelle terminée, MEQ compte présenter vers la fin août un rapport consolidé aux gouvernements. «Il contiendra des constats et des recommandations par région. Des gestes devront être posés rapidement. Éventuellement, si rien n’est fait, des entreprises vont commencer à réduire leur empreinte manufacturière et cela va à l’encontre de la volonté du premier ministre qui nous disait, en septembre, vouloir qu’on augmente notre capacité de production dans certains secteurs. Mais pour cela, il nous faut les travailleurs dont on a besoin», a conclu Véronique Proulx.