Kiuna: dix ans au service de la culture et des langues autochtones
ODANAK. La rentrée virtuelle bat son plein au Collège Kiuna d’Odanak. Kiuna est aujourd’hui le seul collège à offrir des cours dans une langue des Premières Nations que ce soit l’abénakis, l’atikamekw, l’anicinape ou l’innu.
Le collège a ouvert ses portes en 2011 et accueille annuellement entre 70 et 80 étudiants. C’est le premier centre d’études collégiales consacré à l’éducation de la culture et des langues autochtones au Québec depuis la douteuse fermeture du collège Manitou de La Macaza en 1976, trois ans seulement après son ouverture. Le collège Manitou a vu passer des figures de proue des communautés autochtones canadiennes, jusqu’à ce qu’il soit transformé… en un centre correctionnel. Le gouvernement canadien s’en est d’ailleurs excusé des années plus tard.
Il y a peu de chances que le même sort soit aujourd’hui réservé au collège Kiuna, qui signifie «À nous», en abénakis. «C’est un lieu de revalorisation et de revitalisation des langues et des cultures des Premières Nations où l’on apprend non seulement les perspectives et visions du monde propres aux Premières Nations, mais aussi leurs multiples contributions culturelles à la société mondialisée actuelle», écrit le collège Kiuna.
Jimena Terraza est coordonnatrice du DEC en Arts, lettres et communication, option Langues des Premières Nations, à Kiuna. La plus belle réussite du collège s’exprime d’abord selon elle, par son fort taux de rétention et de diplomation.
«Les étudiants se reconnaissent dans l’enseignement. On parle de penseurs autochtones, d’artistes autochtones, de langues autochtones. C’est un centre d’études fait à leur image». Des études qu’ils peuvent poursuivre en éducation spécialisée, sciences humaines ou en technique de communication dans les médias, avec des options en langues des Premières Nations et en cinéma autochtone.
Les femmes, moteurs de changement
À Kiuna, les étudiants sont surtout… des étudiantes. Est-ce un hasard, une tendance ou la norme? «Les femmes sont des moteurs de changement», nous dit Jimena Terrazza. «Le fait qu’on accommode beaucoup les femmes, les familles [en résidences], a peut-être à voir là-dedans».
Le type de programmes offerts à Kiuna attire peut-être aussi plus de femmes, mais Jimena Terrazza observe le même phénomène dans les cours d’innu qu’elle donne à l’UQAM.
Des choses émergent peu à peu au fil des ans au collège Kiuna. «Je pense que les étudiants apprennent à se connaître. C’est très positif d’avoir des gens qui sont fiers d’eux-mêmes, d’apprendre et de parler leur langue. Ils portent leur culture avec fierté. C’est d’abord ça qui opère en eux», affirme Jimena Terrazza. «Ils s’ouvrent sur le monde autochtone et sur le monde en général», notamment au travers des projets d’échanges culturels avec les universités mayas.
Le collège Kiuna va livrer tous ses cours en ligne pour la rentrée de l’automne 2020. Ses cours sont ouverts à tous, autant aux allochtones qu’aux autochtones. Kiuna offre aussi à la demande des communautés des programmes courts de formation technique destinés aux adultes (AEC). Les résidences seront fermées cette année, en raison de la pandémie.