Cri du cœur d’une technicienne en services de garde en milieu scolaire

BÉCANCOUR. La technicienne en services de garde Valérie Demers, de Bécancour, a acheminé  une lettre au ministre de l’Éducation pour lui présenter les effets collatéraux des classes bulles dans les services de garde en milieu rural.

«Nos enfants vont mal», mentionne sa collègue Andrée Bernet, qui nous a transmis une copie de sa lettre.  «Ça me déchire le coeur de voir un élève seul,  avec personne pour pouvoir jouer, alors que d’autres ont cette chance», précise-t-elle dans son message.

Selon elle, la lettre en question «reflète totalement la réalité de notre service de garde scolaire au Centre de services scolaire de la Riveraine» et celle de beaucoup d’autres au Québec.

Voici la lettre dans son intégralité.

«Monsieur le Ministre,
Je vous écris pour vous parler d’un sujet de peu d’importance… En effet, si peu important qu’on peut le négliger, l’oublier.

En ce moment, vous travaillez pour que les écoles fonctionnent bien malgré cette folie. Quand je parle d’école, évidemment, je parle des cours, en classe, avec les enseignants. On parle ici de ce qui est important : l’aspect académique. Et vous y arrivez, ma foi, avec le soutien du corps professoral, assez bien malgré tout. Ayant déjà été vous-même enseignant, vous saviez peut-être un peu par où vous diriger. Dossier réglé…

Mais non Monsieur Roberge… Il reste un petit hic ! Un petit point de peu d’intérêt, mais bien présent. On peut le négliger, l’oublier, le mettre de côté, mais il est tout de même bien réel. Le service de garde en milieu scolaire. Celui-là même qui a été un service essentiel quand vous en aviez besoin. Vous vous rappelez ? Il aurait été bien que quelqu’un du ministère ait également une expérience de travail dans ce domaine. Peut-être aurions-nous eu des mesures plus réalistes ?

En ce moment, dans les gros services de garde, peut-être que ça roule. Je ne sais pas, je suis d’un milieu rural… Avec des collègues qui sont tous en milieux ruraux. Parce que oui, il y a aussi des services de garde en milieux ruraux ! Il n’y a pas que des fermiers avec leur femme à la maison pour garder la progéniture, dans nos villages ! Nous avons des services de garde plus petits, mais indispensables pour plusieurs parents.

Mais quelles différences entre les gros et les petits services de garde ? Quels sont nos problématiques ? Je me fais un plaisir de vous l’expliquer immédiatement ! Il y a une foule de complications depuis le COVID. Mais en ce moment, le pire est notre passage dans la zone rouge. Les enfants doivent rester seulement avec les élèves de leur classe. Les autres classes doivent jouer à deux mètres en tout temps. Dans les gros services de garde, il y a beaucoup d’enfants. Les bulles classes regorgent donc d’amis pour les élèves en faisant partie. Chez nous, un élève peut passer tous ses matins et fins de journées seul dans sa bulle classe (ce qui représente environ 3h15 dans sa journée). Il voit les bulles classes plus peuplées d’à côté jouer ensemble, mais pour lui, c’est impossible.

Chez nous, il y a un maternelle 4 ans (seul de sa classe qui vient au service de garde) qui ne comprend pas qu’il doit rester loin de tous, qui pleure et demande à rejoindre d’autres amis. Il y a une belle grande fille de 6ème année, qui se sent insécure de se garder seule à la maison, qui se voit confinée dans son coin. Il y a cet élève avec une trisomie qui va dans une école spécialisée, mais qui revient dans son service de garde de village et qui doit rester seul aussi. J’ai un adorable garçon qui se retrouve avec deux filles de sa classe avec qui il n’a aucune affinité et qui commence à avoir de mauvais comportements qu’il n’a jamais eu avant. J’ai plusieurs cas comme ça. Et seulement pour mon petit service de garde.

En plus, j’ai une éducatrice qui s’occupe de six bulles classes dans le gymnase. Il y a aussi deux autres groupes classes qui cohabitent dans le gymnase, animés par une deuxième éducatrice. Parce qu’en plus de manquer de personnel (vos demandes d’aides à la population ne semblent pas susciter beaucoup d’intérêt dans nos villages !!), nous manquons également de locaux, d’espace, d’air ! Chez nous, les éducatrices doivent animer jusqu’à 6 groupes à la fois dans un gymnase écho. Du coup, nous ne pouvons plus utiliser le gymnase pour courir et s’amuser. Chaque groupe à un espace de 3 mètres par 5 mètres environ.

Il est primordial de revoir vos mesures. Les bulles classes, au service de garde, devraient pouvoir être reformées en une nouvelle bulle « service de garde » tel qu’il était possible de le faire en zone orange. C’est un minimum. Je ne le demande même pas pour nos éducatrices à bout de souffle… Je le demande pour ces enfants qui se sentent rejetés, seuls, tristes.

Il y aurait long à dire Monsieur Roberge sur notre travail mis à l’oubli. Mais pour nous, personnel professionnel en service de garde en milieu scolaire, le plus important, c’est le bien-être des enfants. Et présentement, Monsieur le Ministre, vos enfants ne vont pas bien… Nous sommes prêts à donner le meilleur de nous, mais s’il-vous-plaît, donnez-nous un coup de main.»

– Signé Valérie Demers, technicienne en service de garde en milieu scolaire