«Cette pandémie, on ne l’a presque pas vu venir»

RÉGIONAL. 11 mars 2020. Le branle-bas de combat commence. À la direction régionale de santé publique du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, on s’y préparait bien depuis quelques semaines avec les informations qui sortaient sur le virus, mais tout s’est mis à débouler: un premier cas de COVID-19 est alors confirmé dans la région.

La directrice de la santé publique en Mauricie et au Centre-du-Québec, Dre Marie Josée Godi, avait l’habitude de gérer des épidémies et avait déjà connu des pandémies, mais jamais de cette ampleur. L’équipe régionale surveillait depuis le début du mois de janvier l’évolution du virus en Chine et avait commencé à se préparer à l’arrivée du virus en sol mauricien.

«Dès les premiers instants, on avait amorcé la préparation. Tous les protocoles permettant d’identifier le virus avaient été établis. On y ajoutait de nouvelles connaissances au fur et à mesure. On avait suspecté plusieurs cas avant le 11 mars, mais les tests s’étaient avérés négatifs, raconte Dre Godi. Quand le premier cas positif est arrivé, on s’est rencontré en équipe. C’était l’heure d’entrer en jeu dans la bataille.»

Cette bataille s’est, entre autres, menée de pair avec le service des communications, car la population devait être informée des développements pour savoir quoi faire. Les points de presse régionaux quotidiens qui étaient également diffusés sur Facebook ont été mis en place pour permettre de suivre l’évolution de la situation dans la région.

«Cette pandémie, on ne l’a presque pas vu venir, ajoute-t-elle. Il fallait agir rapidement, mais on avait encore peu de connaissances sur le virus durant la première vague. C’était sans doute le plus grand défi. Les choses changeaient très vite avec les informations qui arrivaient rapidement et il fallait s’adapter tout aussi rapidement. Une pandémie de cette ampleur, on n’aurait jamais imaginé ça, surtout le fait qu’elle soit autant étalée dans le temps. C’est ce qui est difficile en ce moment.»

Dre Godi a été marquée par les nombreux décès survenus dans les CHSLD de la région au printemps dernier.

«Ça a été quasi traumatisant pour tout le monde. Les actions que nous avons posées étaient en fonction des connaissances du virus que nous avions à ce moment. On a appris et ça a fait en sorte qu’on a corrigé la situation lorsque la deuxième vague est arrivée. Même si on a déploré des décès dans les CHSLD, ça n’a pas eu la même ampleur qu’au printemps. On a encore des choses à apprendre du virus. Le virus s’adapte à son environnement et il faut encore approfondir les recherches pour mieux le connaître.»

Gérer une pandémie au quotidien

Sur le plan personnel, la gestion de la pandémie est un défi important pour la directrice régionale de santé publique, mais elle arrive à garder le moral.

«Je sais toujours quand j’entre au bureau, mais jamais quand j’en ressors. Il y a beaucoup d’imprévus et d’éléments nouveaux qui étirent les journées de travail. Je me garde une ou une demi-journée de repos par semaine. J’essaie de me donner une certaine discipline pour avoir un minimum de repos à travers cette frénésie», confie Dre Godi.

«C’est une expérience de vie et un beau gros défi à la fois, concède-t-elle. Je me sens bien, même si les recommandations sont difficiles à faire et qu’il y a beaucoup de mauvaises nouvelles à annoncer.»

Elle a hâte de pouvoir voir son garçon qui vit dans une autre ville et qu’elle n’a pas eu l’occasion de voir depuis un certain temps. Pour se sortir un peu la pandémie de la tête lors de ses journées de congé, elle cuisine, fait de l’exercice chez elle et essaie de prendre le temps de dormir.

La diminution des nouveaux cas pendant la saison estivale, qui a coïncidé avec la fin de la première vague, a permis à la Santé publique régionale de revoir ses protocoles, d’en savoir plus sur le virus et de donner du répit aux équipes.

«Depuis janvier, on est dans un autre tournant avec le déploiement de la vaccination qui vient donner une lueur d’espoir d’en finir avec la pandémie. On doit s’assurer que cette campagne soit un succès assez rapidement. Ça fait partie des objectifs. La menace des variants est une préoccupation importante aussi, mais dans la mesure où les vaccins actuels sont efficaces contre les variants, nos prochains efforts seront d’inciter la majorité de la population à se faire vacciner tout en conservant des mesures sanitaires en place», précise-t-elle.

Elle n’a pas pris le temps de penser à ce qu’elle ferait lorsque la pandémie sera dernière nous. «Il y aura d’autres choses hors COVID-19 à élaborer en matière de santé publique, notamment en ce qui a trait à la santé des jeunes familles et de nos aînés. Au niveau personnel, j’ai hâte de pouvoir réunir toute la famille autour d’un bon repas. Et je dirais un voyage, dans un endroit paisible…»