Appropriation des cultures autochtones: Jacques T. Watso en a assez

ABÉNAKIS. Reconnu pour son franc-parler, Jacques T. Watso dénonce l’appropriation culturelle dont sont victimes les autochtones. Noms d’équipes sportives, arts, spiritualité, le conseiller du conseil de bande d’Odanak depuis 2005 en a assez de ce qu’il considère comme «une nouvelle forme de colonialisme».

«Les autochtones ont été tassés. À Odanak, les catholiques ont été éduqués par les Sœurs grises. Les protestants, comme moi, ont été envoyés en Ontario dans des pensionnats. C’était dit par les enseignants et par la société en général qu’être un Indien, un Sauvage, ce n’était pas beau, ce n’était pas bien. Qu’il fallait avoir honte de notre culture et que pour s’émanciper, il fallait devenir des Blancs», explique Jacques T. Watso.

Dans les années 1960, des voix de résistants vont se faire attendre. «Dans les communautés, on a commencé à se réapproprier notre art, nos chants et nos danses. Tout ce qu’on voyait de notre supposée identité, c’était au cinéma. Dans les films d’Hollywood, on avait une image stéréotypée des Indiens de l’Ouest. Un Abénakis, ce n’est pas un Sioux; un Appache, ce n’est pas un Mohawk; et un Attikamek, ce n’est pas un Cherokee. Chaque nation a sa langue et sa façon de faire les choses. Depuis cette époque, on s’affiche fièrement et on laisse de côté les stéréotypes. On s’affiche dans nos cultures propres, comme, chez nous, la culture abénakise», précise l’homme qui dénonce que ce mouvement soit entaché par des non-autochtones qui reprennent, à leur profit, des éléments culturels.

«Avec les New Age, dans les années 70 et 80, on va vu se vendre un genre de « mysticisme autochtone » dont on est exclu. On se sert de notre identité, du moins de ce qu’on pense qu’elle devrait être. C’est venu défaire ce qu’on s’acharne à rebâtir. Depuis des siècles, on est des citoyens de troisième ordre. Là, on commence à s’affirmer et ces gens qui viennent prendre notre culture. On est encore à guérir nos plaies du passé, on commence à réintroduire nos cérémonies et vous venez vous les approprier. Vous prenez ce qui est sacré pour nous et vous en faites du junk food, du n’importe quoi. C’est blessant», dénonce vivement Jacques T. Watso qui, du même souffle, adresse ses reproches aux «bien-pensants» qui croient faire bonne œuvre en diffusant leur interprétation de pans culturels autochtones.

«On n’est pas consulté. Ils ne valident pas ce qu’ils font auprès de gens sérieux dans nos communautés. Ce sont des charlatans», dit-il.

La même logique s’applique aux propriétaires du domaine du sport qui ont donné des noms relatifs aux autochtones à leur équipe. «Certains disent que ce n’est pas grave, les Indians de Cleveland, les Braves d’Atlanta ou les Redskins de Washington. Oui c’est grave! C’est inacceptable. Peut-on s’imaginer avoir une équipe qui s’appellerait les Juifs de Brooklyn ou les Chinois de San Francisco ? Ce n’est pas ça, mon héritage. Ce n’est pas un hommage, c’est une caricature», déplore-t-il.

Jacques T. Watso en a également contre ceux qui veulent se faire passer pour des autochtones. «Il y a de l’argent en jeu. Par exemple, Nadine St-Louis, à Montréal, a un OBNL qui fait la promotion de l’art contemporain autochtone. Elle se colle sur des artistes autochtones pour avoir des subventions. Elle dit: «Je fais ça pour vous aider». Moi, je lui réponds: «On est capable de le faire nous-mêmes». En tant que membre des Premières nations, on a les compétences pour faire la promotion de notre propre art et de le vendre. C’est encore du colonialisme. C’est comme si on disait «Vous n’êtes pas capable de vivre votre propre culture, on va le faire à votre place», indique le militant d’Odanak. «En art comme ailleurs, les solutions, on va les trouver nous-mêmes», ajoute-t-il.

Concernant l’accès à des programmes subventionnaires, Jacques T. Watso prône un resserrement dans l’attribution des sommes. «Les gens qui s’auto-identifient vont chercher des subventions qui devraient nous être attribuées pour faire la promotion de nos cultures. C’est un gros racket. Il faut que le gouvernement fédéral parte des listes des membres des bandes pour donner l’argent. Le gouvernement du Québec est plus sensible à la situation», reconnaît le conseiller.

En ce qui a trait au racisme systémique qui a fait la manchette récemment, Jacques T. Watso reconnaît que les autochtones peuvent être discriminés au Québec, mais que ce n’est pas le cas dans sa communauté d’Odanak. «Depuis les quarante dernières années, on a un bon voisinage», conclut-il.