Agriculture: des sécheresses qui causent des maux de tête

RÉGION. Ayant dû composer avec trois canicules en moins de deux mois, les agriculteurs de la région de Nicolet-Yamaska et Bécancour sont désespérés.

«Ça fait 42 ans que je suis là-dedans et c’est la première fois que je vois ça. Chaud de même et pas de pluie, c’est plutôt rare», lance au bout du fil Jean Lacharité. Avec son fils Yanick. l’agriculteur de Nicolet cultive du maïs grain et du maïs sucré dans le rang du Petit Saint Esprit. «Depuis le mois de mai, il n’a jamais assez mouillé pour que le maïs ait de l’eau suffisamment», se plaint-il.

Résultat, les plants sont à environ la moitié de la hauteur de ce qu’ils devraient être. «Le blé d’Inde qu’on vend au kiosque est petit, car il a mûri trop rapidement. Et on le sait, le monde achète avec leurs yeux.»

Plus petits, mais aussi plus chers: les prix se ressentent aussi de ces périodes de sécheresse. Le maïs des Lacharité se vend présentement à 8.75$ la douzaine. «C’est quand même moins que le 10,75$ qu’on retrouve à Trois-Rivières», se défend le producteur qui écoulait sa douzaine d’épis à 6$ à l’été 2019.

Quant au maïs grain, la récolte n’est qu’à l’automne mais Jean Lacharité prévoit tout de même qu’il n’atteindra pas sa pleine hauteur. «Au lieu de faire sept pieds, il va être à six pieds», prévoit-il.  Seule consolation des Lacharité, les variétés de maïs sucré plus tardives, donc plantées plus tard, pourraient sauver la saison advenant que Dame nature retrouve ses repères.

L’UPA aux aguets

La Financière agricole du Québec publiera cette semaine son bilan de mi-saison en assurance récolte mais en date du 8 juillet, l’organisme faisait état de 1260 avis de dommages ouverts à l’assurance récolte pour cause de sécheresse pour l’ensemble du Québec.

«C’est certain qu’il y a un manque d’eau», répond Sylvain Rheault lorsqu’interrogé sur l’état de la situation. Le directeur général de l’UPA du Centre-du-Québec anticipe un problème particulièrement dans la récolte de foins. «Le maïs grain, je n’ai pas entendu parler que c’état alarmant, car la récolte n’est qu’à l’automne et c’est quand même des plantes assez résistantes.»

Mais c’est un autre son de cloche pour ce qui est des cultures fourragères. «Le problème ici, c’est que la dernière sécheresse est survenue alors que c’était le temps de récolter. J’ai entendu dire que certains producteurs arrêtaient de faucher, car ils avaient peur que le sol brûle et que cela ait des impacts sur les coupes suivantes», souligne Sylvain Rheault.

«C’est très sévère»

Lui aussi dans le milieu depuis près de 40 ans, Pierre Duplessis confirme n’avait jamais composé avec une pareille situation. «J’en ai déjà vu des sécheresses et on passait au travers mais là, c’est très sévère.»

Le producteur maraîcher de Bécancour dit que cette situation lui occasionne beaucoup de pertes et de retards dans sa production. «Cela a un impact certain sur notre mise en marché. Ça fait 25 ans que je suis au Marché Godefroy et là, ça fait deux fins de semaine que je n’y suis pas parce que ma production n’est pas encore prête.»

Normalement, entre sa production de fraises et celle de bleuets, les légumes arrivent à maturité mais là, ils sont encore au champ. «On va avoir des légumes plus tardifs mais aussi, en moins grande quantité, car même au niveau de la germination des semences, il y en a beaucoup qui ne s’est pas fait.»

La chaleur occasionne aussi des problèmes au niveau de l’organisation du travail, déplore Pierre Duplessis qui ne croit pas que la situation puisse être rattrapée même si le reste de l’été se montre sous un jour meilleur pour les agriculteurs.

Rappelons que cette dernière canicule en juillet est la troisième depuis le début du printemps. La première était survenue à la fin du mois de mai et la seconde dans la troisième semaine de juin. Selon l’usage, une canicule est décrétée après trois jours avec le thermomètre affichant au minimum 30 °C, sans facteur humidex.