Les déchets nucléaires enfouis en Mauricie?

NUCLÉAIRE. Accepteriez-vous que les déchets nucléaires des anciennes centrales Gentilly-1 et Gentilly-2 demeurent dans la région ad vitam aeternam?

C’est ce qu’a proposé Jacques Dagenais, qui s’intéresse à la question depuis une vingtaine d’années, dans un mémoire déposé à la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) sur les installations prototypes de gestion des déchets qui se tenait récemment à Ottawa.

Celui qui est un membre aviseur du mouvement «Sortons le Québec du nucléaire» et qui milite pour un déclassement accéléré des installations de Gentilly estime que ce serait la solution la plus sécuritaire et la moins coûteuse.

On se rappelle qu’Hydro-Québec doit trouver un endroit pour disposer de ses déchets à moyenne intensité, soit les équipements qui ont servi aux opérations de production d’énergie nucléaire. Jacques Dagenais estime qu’il vaut mieux que ce soit au Québec qu’en Ontario pour limiter le transport.

Il donne en exemple les 16 générateurs de vapeur que l’Ontario Power Generation (OPG) souhaitait envoyer en Suède, en 2010. Un projet qui avait soulevé une levée de boucliers à l’idée que 1600 tonnes de déchets nucléaires passent devant chez nous, sur le fleuve.

Selon lui, pour réduire les risques environnementaux, il vaut mieux enfouir les déchets dans la région, sans les laisser près du Saint-Laurent.

Il estime aussi que le combustible irradié devrait subir le même sort. Actuellement, le projet de la Société de Gestion des Déchets Nucélaires (SGDN) est d’enfouir dans un site au Nord de l’Ontario toutes les grappes produites au Canada, autant celle du Québec que du Nouveau-Brunswick. Une opération qui durerait une quarantaine d’années.

L’enfouissement dans un site à proximité, estime Jacques Dagenais, permettrait de réduire les risques liés au transport du combustible irradié. D’autant plus que tout ce qui aura servi à Point Lepreau, au Nouveau-Brunswick, passerait par chez nous.

Le dernier plan prévoit que chaque transport se ferait par convois routiers contenant chacun 192 grappes sur environ 1500 kilomètres à partir de Gentilly, et 2500 km de Point Lepreau, indique Jacques Dagenais. «Ce serait ainsi 700 convois qui seront nécessaires à partir de Gentilly pour les quelque 128 000 grappes et le double en provenance de Point Lebreau si la centrale opère un autre 25 ans», fait-il valoir.

«C’est la chose la plus dangereuse au monde de transporter ça», lance-t-il, en donnant l’exemple d’une catastrophe comme Lac Mégantic. Si un accident impliquait un camion-citerne ou un convoi ferroviaire transportant des produits pétroliers, la température pourrait atteindre 1600 degrés. Les contenants étant prévus pour résister à une température de 800 degrés, ils risqueraient d’être endommagés. Le combustible irradié soumis à une telle température causerait un désastre environnemental important dans un grand périmètre.»

Entre Shawinigan et La Tuque?

Sans identifier d’endroit en particulier, Jacques Dagenais estime que plusieurs zones seraient propices à l’enfouissement au nord de Trois-Rivières en raison de la qualité de sol des vastes formations granitières.

«Il faut que ce soit assez loin des cours d’eau et du monde. Sur la Rive-Sud, il n’y a pas tellement d’espace, parce qu’il y a plusieurs cours d’eau. Entre Shawinigan et La Tuque, par contre, il y a beaucoup d’endroits où il y a au moins cinq kilomètres sans habitants et où on pourrait faire un trou, fait-il valoir. Il y a aussi une mine abandonnée près de Lac Édouard qui pourrait servir.»

Que ce soit pour enfouir les déchets à moyenne densité ou le combustible irradié au Québec, il ne faudrait pas un site si important, fait valoir Jacques Dagenais, un intervenant privé dans le dossier depuis 1999.

«Il y aurait 1000 mètres cubes sur les 6000 qui devront être enfouis à 1500 pieds de profondeur. Même s’il faut enfouir 6000 mètres cubes au total, ça ne fait pas un si gros trou, fait-il valoir. Pour ce qui est du combustible, ce n’est que l’équivalent des CANSTORS qui serait nécessaire.»

Au plus vite

Jacques Dagenais fait également valoir que le démantèlement de Gentilly-1 et de Gentilly-2 doit se faire au plus vite et non pas d’attendre 40 à 100 ans avant de commencer l’opération.  Un projet, dit-il, qui pourrait être piloté par les employés de la FTQ ou le syndicat des ingénieurs et qui créerait 400 emplois pour une dizaine d’années.

Il propose de confier le démantèlement à un organisme sans but lucratif pour coordonner l’opération avec Énergie Atomique Canada Ltée (EACL), propriétaire de Gentilly-1, et Hydro-Québec, qui a la responsabilité de Gentilly-2. Ceux-ci deviendraient des fournisseurs de services et le gouvernement du Québec épongerait les coûts de l’opération.

À son sens, il faut accélérer l’opération pour une évacuation des déchets des rives du fleuve Saint-Laurent au plus vite. «C’est le plus grand risque environnemental actuellement au Québec», lance-t-il.

Dans un premier temps, il souhaite que les 3000 grappes qui sont encore dans le cœur du réacteur, à Gentilly-1, soient placées dans les CANSTORS d’Hydro-Québec, qui ont une capacité totale de 132 000 grappes, alors qu’Hydro-Québec en a produit environ 128 000 lors de l’exploitation de Gentilly-2.

«La diminution du niveau de la radioactivité ne tient pas, tranche-t-il. On n’enverra jamais d’employés à l’intérieur pour démanteler le réacteur comme on prévoyait le faire il y a 40 ans. Tout ce travail sera robotisé. En fait, la partie la plus risquée du déclassement est identique à la phase 1 des opérations de réfection effectuées en Ontario et à Point Lepreau, soit le retrait des tubes, leur déchiquetage et l’empaquetage des déchets pour leur évacuation vers des silos temporaires. Rien n’empêche donc de réaliser le déclassement total de G-1 et G2. Seul le sort du site des Canstors restera à être planifié.»