Des canards de compétition

BÉCANCOUR. Richard Cyr a planifié sa retraite vingt ans à l’avance. Au début des années 1990, le Bécancourois a fait abattre un immense tilleul de sa terre à bois avec une idée bien précise en tête: s’en servir ultérieurement pour sculpter des canards. Une activité à laquelle il ne s’était pourtant encore jamais adonné!

Mais pourquoi vouloir sculpter des canards? « Parce que j’aime les canards », répond-il simplement. On comprend à quel point il dit vrai aussitôt  que son cellulaire sonne… ou plutôt, cancane!

« Je sculpte depuis une dizaine d’années environ. C’est venu avec la retraite, raconte celui qui est aujourd’hui âgé de 74 ans. J’ai toujours aimé le bois. J’ai toujours travaillé là-dedans; j’étais entrepreneur en construction. »

Dans son entrepôt de Sainte-Angèle-de-Laval, en bordure du fleuve Saint-Laurent, une quantité impressionnante de bûches n’attend qu’à être sculptée: « Mon tilleul était gros! Je vais en avoir jusqu’à la fin de mes jours! », s’exclame l’artiste, qui utilise aussi le cèdre et le Tupelo (un bois léger poussant dans les bayous de la Louisiane) pour compléter ses œuvres qui sont, en fait, des appelants de chasse.

« [Mes canards] flottent, mais ils sont quasiment trop beaux pour les envoyer à la chasse! », sourit M. Cyr, qui préfère « les envoyer se faire juger » dans divers concours à l’international. Un choix judicieux puisque ses œuvres ont remporté de nombreux prix au fil du temps…

Maintes fois primé

À la mi-mars, d’ailleurs, il prenait part au Ohio Decoy Contest, à Cleveland, où cinq de ses plus récents canards ont été décorés de neuf rubans au total. Deux d’entre eux (un fuligule à collier et un harle couronné)  figurent même sur le site web du concours, ayant été couronnés deuxième et troisième « Best of show » (meilleure œuvre du concours) de la catégorie Amateur.

D’autres concours figurent à son agenda 2022. Du 3 au 5 juin, il prendra part au Canadian National Wildfowl Carving Championship. Puis, à la mi-août, il se rendra à St. Andrews pour participer à la New Brunswick Woodcarving Competition and Sale.

« Je fais quatre ou cinq compétitions par année, y compris le Championnat du monde, qui a lieu à Ocean City, dans le Maryland. Depuis deux ans, par contre, il est annulé à cause de la COVID. C’est encore le cas cette année », rapporte M. Cyr, qui dit apprendre énormément à chacune de ses participations.

« Quand j’ai vu qu’il y avait des compétitions, j’ai voulu m’y inscrire rapidement dans le but de m’améliorer. Là-bas, je côtoie des champions du monde. On échange des trucs. Après les compétitions, on peut aussi rencontrer les juges pour qu’ils nous disent ce qui n’était pas correct et où on a perdu des points. Ce sont des détails, souvent, qui font la différence », explique-t-il.

Par exemple, de sa dernière compétition, il a retenu qu’il fallait bien nettoyer les yeux. « On peut même leur mettre une petite goutte d’huile d’olive pour qu’ils soient plus brillants », confie-t-il.

Un homme organisé

Richard Cyr tient un livre de bord sur chacune de ses créations. Il note tout et conserve ses plaquettes de pratique.

Comme sources d’inspiration, il feuillette un nombre incalculable de revues et de livres de références sur les canards et la sculpture. Sa bible, en quelque sorte, est un très grand livre regroupant des patrons de sculpture, des astuces pour bien réussir les détails des plumes et plus encore.

Il prend aussi la peine, lorsque nécessaire, de traduire en français des articles qu’il juge intéressants.

Beaucoup de travail

Fabriquer un canard peut lui prendre une centaine d’heures de travail. « J’amène mes canards à divers degrés durant l’année », détaille celui qui en a plusieurs en cours de fabrication. Certains sont prêts à peindre et d’autres en sont à leurs premières coupes. « Quand j’en fais un et que je le reprends le mois d’après, je vois toutes les erreurs, alors je les corrige! », souligne-t-il, ajoutant en bon philosophe qu' »atteindre la perfection, ça prend du temps et de l’observation ».

Richard Cyr se décrit comme « un directif », c’est-à-dire « quelqu’un qui cherche à arriver au but le plus vite possible »! « Je suis tout équipé pour faire des canards décoratifs, avec des plumes brûlées barbule par barbule, mais c’est des heures et des heures d’ouvrage juste brûler! C’est pour ça que je suis dans les appelants de chasse. Il y a quand même pas mal de détails à faire, mais beaucoup moins! »

Depuis ses débuts, le Bécancourois a sculpté une quinzaine d’espèces de canards. Il est outillé comme un professionnel et pratique son passe-temps dans plusieurs endroits. Selon la saison, il s’installe dans son sous-sol, dans son atelier et entrepôt, ou encore dans une annexe de sa maison donnant une vue imprenable sur le fleuve. « Tout mon équipement est transportable, alors c’est facilitant », fait remarquer celui qui a grandi en Gaspésie et qui y conserve un pied-à-terre où il va se ressourcer quelques semaines par année… avec son équipement, bien sûr!