Le quotidien sur le chantier du pont Laviolette

CHANTIER. Gaëtan Lapierre a œuvré à la construction du pont Laviolette de l’été 1965 à l’automne 1967.

Il raconte qu’au moment de bâtir les piliers centraux, une centaine de travailleurs par jour se rendaient au chantier pour veiller, entre autres, à la coulée du béton et à l’installation des armatures. Dix à douze ouvriers gagnaient quant à eux le fond du caisson pour ramollir le sol du fleuve et permettre ainsi au caisson de s’y enfoncer jusqu’à son emplacement final.

«Ça se passait 24h sur 24. Les travailleurs qui oeuvraient au fond du caisson brassaient la boue avec des pelles pour la rendre « pompable ». Ils n’y restaient pas plus de quatre heures, mais étaient payés pour huit. C’était extrêmement exigeant physiquement car ils étaient exposés à une pression trois fois plus élevée que la pression atmosphérique.»

Un des cylindres d’aciers insérés dans les caissons et au fond desquels les travailleurs se rendaient avant l’explosion du 7 septembre 1965. (Photo gracieuseté de Gaëtan Lapierre)

Pour se rendre au fond du fleuve, les ouvriers devaient passer par une chambre de compression afin d’habituer graduellement leur corps à cette pression. Après une demi-heure, l’équilibre des pressions se faisait et les travailleurs pouvaient ouvrir le sas situé au fond de la chambre pour se rendre sous le caisson.

«Ce n’était pas un emploi pour tout le monde. D’ailleurs, je suis allé une fois au fond du caisson, un mois avant qu’il explose et, à l’intérieur, j’ai

paniqué. Tu es dans un cylindre fermé, avec une simple lampe frontale pour t’éclairer. Ce n’était pas confortable…»

Gaëtan Lapierre se rappelle que lorsque les travailleurs sortaient de la chambre de décompression, ils ne pouvaient pas prendre immédiatement le chemin de la maison. «Ils allaient dans un local se reposer. On voulait s’assurer qu’ils se portent bien.»

Un pilier complet a été réalisé de la sorte. Le deuxième était complété aux trois-quarts lorsqu’est survenue l’explosion, le 7 septembre 1965. Par la suite, l’utilisation de grues a été privilégiée pour effectuer le même travail au niveau du sol fluvial.

Étape par étape

La construction des quatre piliers centraux du pont Laviolette a été un travail de longue haleine. Dans un premier temps, on remorquait par bateau le caisson d’acier qui en constituait la base jusqu’à l’emplacement déterminé. À l’intérieur se trouvait un fond de béton troué. Dans ces trous étaient placés des cylindres de 17 à 21 pieds de diamètre dotés d’un genre d’écoutille donnant accès au sol fluvial. Des formes étaient coulées tout autour du caisson pour permettre la construction d’un mur de béton. C’est dans cette enceinte que la majorité des travailleurs effectuaient leur travail.

«Pour couler le béton des murs, on utilisait des formes coulissantes qui fonctionnaient avec un système hydraulique. Ces formes montaient de quatre pouces à l’heure et on les remplissait par coulée continue. Pendant que les murs montaient, les

travailleurs mettaient en place l’armature et prolongeaient les cylindres. Ensuite, on coulait une épaisseur de plancher. Ça permettait de faire descendre tranquillement le caisson.»

 

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