Le COC est «ouvert» à la participation des Russes aux Jeux olympiques de Paris

MONTRÉAL — Le Comité olympique canadien s’est dit «ouvert à explorer» un possible retour des athlètes russes et biélorusses en vue des prochains Jeux olympiques de Paris en 2024.

C’est du moins ce qu’a indiqué David Shoemaker, chef de la direction et secrétaire général du COC, dans une note transmise par courriel à La Presse Canadienne jeudi midi.

«Nous reconnaissons que la décision d’exclure des athlètes uniquement sur la base de leur nationalité va à l’encontre des principes qui sont au cœur du Mouvement olympique», a d’abord mentionné le COC. 

«Ainsi donc, nous sommes ouverts à explorer un parcours conduisant à l’inclusion d’athlètes russes et biélorusses neutres qui, au minimum, respectent les conditions établies par la commission exécutive du CIO», a-t-on ajouté. 

Cette position du COC rejoint celle du Comité international olympique (CIO). La semaine dernière, le CIO a indiqué être en faveur de la présence des délégations de la Russie et du Bélarus, sous bannière neutre, lors des Jeux olympiques de Paris en 2024, malgré la requête du président ukrainien Volodymyr Zelensky de les exclure totalement de l’événement.

«Le CIO a fait fi des crimes de guerre de la Russie, en alléguant ‘qu’aucun athlète ne devrait être puni en raison de son passeport’, alors que des athlètes ukrainiens continuent d’être abattus en raison du leur. Je demande à tous les dirigeants sportifs de la planète qu’ils s’expriment sur cet enjeu», avait d’ailleurs écrit le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba sur Twitter la semaine dernière.

Le lendemain de l’annonce de l’organisation basée à Lausanne, la Russie et le Bélarus ont été officiellement invités aux Jeux asiatiques, un événement clé vers la qualification olympique.

La position du COC détonne de celle du gouvernement canadien, qui a rapidement dénoncé l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. D’ailleurs, Ottawa s’est récemment joint au mouvement en Occident pour envoyer des chars de combat en Ukraine.

La ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, ne s’est pas arrêtée pour répondre aux questions des journalistes alors qu’elle arrivait au Parlement jeudi, avant la période des questions. Elle a brièvement répondu à une question sur un autre sujet avant de tourner les talons.

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, n’a pas non plus pris part à une mêlée de presse, jeudi.

Dans une déclaration écrite, toutefois, St-Onge a réitéré la position du gouvernement canadien concernant cet enjeu politico-sportif. 

«Le Canada condamne fermement l’invasion injustifiable et non provoquée de l’Ukraine par le président Poutine. Notre position comme gouvernement fédéral demeure toutefois claire: les athlètes russes et biélorusses ne devraient pas être autorisés à participer à des compétitions sportives internationales. Nous continuons de manifester notre solidarité à l’Ukraine et j’encourage la communauté sportive internationale à faire de même», pouvait-on lire dans la réponse de la ministre St-Onge.

De son côté, l’ex-bosseur Jean-Luc Brassard n’a pas manqué de souligner la divergence de position du gouvernement par rapport à celle du COC dans une entrevue accordée au 98,5 fm jeudi matin. 

«D’un côté, on a (la ministre des Affaires étrangères) Mélanie Joly qui claironne haut et fort que le Canada est avec l’Ukraine. On prend des sanctions contre les oligarques (russes), on fait des pieds et des mains pour aider l’Ukraine, mais on va laisser la plus belle vitrine à l’oppresseur — Poutine et sa gang de dictateurs — pour qu’il ait tous les réflecteurs sur lui», a déclaré Brassard, médaillé d’or olympique en bosses à Lillehammer en 1994 et ex-membre du COC, au micro de Paul Arcand. 

Brassard a du même souffle rappelé la piètre feuille de route de la Russie — qu’il a qualifiée «d’État voyou» — en matière de dopage. Il a notamment souligné que la Russie a été punie à la suite des révélations entourant le scandale de dopage institutionnalisé. 

L’ex-bosseur âgé de 50 ans a toutefois souligné qu’il existe des règles limitant la capacité du gouvernement canadien à s’ingérer dans les décisions du COC. 

«La ministre (Joly) pourrait prendre le téléphone et chauffer les oreilles du COC, mais elle n’a aucun pouvoir. On l’a vu récemment avec le scandale chez Hockey Canada: la ministre (du Sport, Pascale St-Onge) pouvait appeler, couper le financement de l’organisation, mais c’est tout ce qu’elle pouvait faire parce que les règlements ne lui permettent pas d’avoir un droit de regard profond et une capacité de changement des choses», a-t-il expliqué. 

Le COC a toutefois refusé toute demande d’entrevue de La Presse Canadienne à ce sujet. 

Un éventail de réactions

Ailleurs sur la planète, les réactions à la décision du CIO varient d’un pays à l’autre. 

Le nouveau président et directeur général du Comité olympique et paralympique américain (USOPC) a réitéré l’appui de son organisation à explorer un parcours conduisant à l’inclusion d’athlètes russes et biélorusses (sous bannière) neutre aux Jeux de Paris. Il a toutefois rappelé que les sanctions actuelles contre la Russie doivent être maintenues. 

Gene Sykes, qui a remplacé Susanne Lyons à la tête de l’USOPC le 1er janvier, a rédigé une lettre aux athlètes et aux autres acteurs du domaine la semaine dernière à la suite de l’annonce du CIO. La Russie et le Bélarus ont d’ailleurs été exclus de la plupart des compétitions internationales qui comprennent des sports faisant partie du programme olympique en raison de l’invasion de l’Ukraine.

«Après avoir écouté de nombreux athlètes et acteurs du domaine des quatre coins des États-Unis, nous reconnaissons une réelle volonté d’affronter les meilleurs athlètes de partout sur la planète — à condition, bien sûr, qu’on puisse assurer un environnement sécuritaire et juste», a écrit Sykes dans une lettre dont l’Associated Press a obtenu copie. 

Mercredi, la Lettonie a indiqué qu’elle songera au boycottage des Jeux olympiques de Paris en 2024 si les athlètes de la Russie et du Bélarus obtiennent la permission d’y participer, après l’invasion russe de l’Ukraine. 

Si certains gouvernements européens, dont celui de la Lettonie, ont condamné la décision du Comité international olympique d’ouvrir la porte à une éventuelle participation des athlètes de la Russie et du Bélarus, et que l’Ukraine a menacé de procéder au boycottage des JO, il en est autrement pour les Comités olympiques nationaux. 

La sortie du COC, une entité indépendante du gouvernement canadien, était donc prévisible selon Brassard. 

«Je souhaitais de tout mon coeur qu’il (le COC) lâche la ligne de conduite du CIO là-dessus, parce que — c’est un fait connu — le COC n’est qu’un porte-voix du CIO. (…) Mais j’aurais aimé que le Canada se tienne debout, qu’il s’affirme», a-t-il conclu. 

– Avec la collaboration d’Émilie Bergeron, de La Presse Canadienne, et d’Eddie Pells, de l’Associated Press