Excusez-moi, mais est-ce que ça va?

LETTRE OUVERTE. J’ai passé une bonne partie de la nuit dernière dans la tourmente. Vous savez, quand le cerveau refuse de fermer la machine parce qu’il y a un trop plein?  Bien que la technologie occupe une bonne partie de nos vies, la fonction control+alt+suppr n’est pas encore fonctionnelle pour l’humain.

Lorsque j’étais au cégep (mea culpa, j’ai détesté le cégep et l’étiquette accolé à mon statut de gars en sciences humaines), un prof nous avait dit : l’actualité, il faut la suivre; vous devez lire un journal et regarder un bulletin de nouvelles par jour, tous les jours. C’est un conseil que je n’ai pas oublié et à vrai dire, depuis mon tout jeune âge, je suis un boulimique des nouvelles en continu, tant sur le web, la télé, en format papier, sur les réseaux sociaux, etc.

Cette habitude nous permettrait de prendre position sur les enjeux de nos communautés et certainement d’apporter des nuances à nos positions; débattre sainement, quoi.

Mais voilà.

Aujourd’hui, j’ai le goût de tout fermer et d’hisser le drapeau blanc. De m’avouer vaincu et de concéder la victoire.

À qui me demanderez-vous ?

Je vous répondrai à l’air malsain qui flotte actuellement. À cette haine qui déferle sur les médias sociaux. À ce déferlement de sottises, d’opinions basés sur une lecture d’un titre d’article dépourvu de tout sens critique songé et contrevérifié, à cette manière de véhiculer son avis en étant le plus sauvage possible, sans souci de l’autre, etc.

Derrière cette énumération, malheureusement, ce sont des hommes et des femmes.

Je sais, on me suggérera de ne pas faire attention à ses trolls, ses polémistes, etc.

Non.

On ne peut pas laisser faire ça. C’est un sophisme que de penser qu’en ne les pointant pas, on ne les verra pas. Je ne changerai pas le monde avec ce texte, mais je voulais m’adresser à vous, peut-être qu’ensuite, je pourrai retrouver le sommeil…

J’ai 30 ans, père de famille, jeune professionnel et engagé.

Toute ma vie, j’ai voulu servir ma communauté, dans ma tête, l’idée de me présenter un jour en politique n’a jamais été très loin, sauf là.

Votre haine, votre mépris des institutions, votre rapidité à pianoter le clavier pour composer le texte le plus blessant possible ralentissent les plus ardents et valeureux citoyens.

Ce n’est pas la peur qu’on révèle mes erreurs, ça non, je suis même plutôt fier d’avoir avancé et d’être ce que je suis, maintenant. Lorsque ceux qui critiquent donneront la moitié de ce que j’ai donné en engagements, on pourra jaser, mais c’est plus que ça, vous ne critiquez pas, vous attaquez les gens, leurs familles, vous leur souhaitez du mal; c’est d’une telle violence.

Le Québec que j’aime profondément est-il capable d’autant de méchanceté? Il semble que oui et ça me fait peur. Bien humblement, si vous réussissez à m’enlever le goût de toute implication, je présume que je ne serai pas seul sur la ligne.

Les mots que vous écrivez sur le lock-out à l’ABI, la démission de Catherine Fournier, le départ de M. Lévesque, Vision zéro, la mort tragique des 7 enfants syriens, etc.

Saviez-vous que des parents, des mères, des pères, des sœurs, des frères, des amis tout comme vous les lisent? Avez-vous perdu tout jugement, sous prétexte de liberté de parole?

Mais plus encore, même les bonnes nouvelles ne sont plus des bonnes nouvelles! Plutôt que de souligner le bon coup, vous soulignerez plutôt que le reste va mal.

Ce n’est plus une histoire de gauche, de droite, de jeunes ou de vieux. Non, c’est une histoire de bêtise humaine.

Bref, disons que je suis dégommé. Ne pas avoir la même opinion que son voisin, c’est sain. Lui souhaiter les dix plaies d’Égypte parce qu’il est contre votre vision, un peu moins.  (Avant de m’écrire votre haine, vous pourrez aller lire sur les plaies d’Égypte, ça vous obligera à lire, au moins).

Pourrait-on faire un examen de conscience? Pourrait-on s’aimer un peu plus, à travers nos différences? Pourrait-on accepter d’être en désaccord, mais de chercher l’accord? Pourrait-on accepter les erreurs, mais accepter aussi de les réparer?

Alors oui, je me le demande : est-ce que ça va?

Clairement, pas.

Faudra y voir.

 

 

Jérôme Gagnon

Nicolet