Un Québécois est acquitté d’un double meurtre commis en 1978
MONTRÉAL — L’un des avocats d’un Québécois acquitté mercredi d’un double meurtre commis il y a plusieurs décennies espère que le cas de son client convaincra d’autres personnes condamnées à tort de ne pas perdre espoir.
Pour la première fois depuis plus de 40 ans, Claude Paquin s’est réveillé aujourd’hui en homme complètement libre après que le bureau du procureur de la Couronne du Québec a refusé de le juger une deuxième fois pour les meurtres de Ronald Bourgouin et Sylvie Revah survenus en 1978.
L’avocate Julie Harinen qualifie le résultat d’«historique et exceptionnel» parce que très peu de condamnations pour meurtre sont annulées au Québec.
«Pour la première fois, il n’a pas à se présenter devant un agent de libération conditionnelle», a-t-elle dit à propos de son client, âgé d’un peu plus de 80 ans. «Il peut aller où il veut, quand il veut. Il n’a pas à demander la permission à qui que ce soit.»
M. Paquin a été condamné pour la première fois pour les meurtres en 1983, son appel a ensuite été rejeté et il a passé 18 ans en détention avant d’obtenir une libération conditionnelle.
A l’extérieur de la salle d’audience mercredi, M. Paquin a déclaré aux journalistes qu’il est «sorti de l’enfer; je vie une liberté totale.» Il a toujours clamé son innocence et répété qu’il voulait que les familles des victimes sachent que «jamais, jamais, jamais j’ai participé à ça, à ces homicides là.»
Projet Innocence Québec a pris en charge son cas. Cette année, le ministre fédéral de la Justice, Arif Virani, a ordonné un nouveau procès après avoir conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’était probablement produite.
Me Harinen affirme que la décision du procureur d’abandonner l’affaire était fondée sur de nouveaux éléments de preuve qui ont émergé, notamment le fait que l’informateur ayant servi de témoin principal contre M. Paquin a changé sa version des faits et a reçu de l’argent et des faveurs en échange de son témoignage.
Les corps des deux victimes ont été retrouvés dans la région des Laurentides, au Québec, le 1er octobre 1978. L’informateur, Bernard Provençal, a témoigné que M. Paquin avait ordonné et orchestré les meurtres, qui, selon la poursuite, ont eu lieu après que Ronald Bourgouin a provoqué la colère d’une bande de trafiquants de drogue.
En plus de ce témoignage aujourd’hui discrédité, Me Harinen affirme qu’il y avait aussi des déclarations d’un autre témoin qui a témoigné que M. Paquin n’était pas impliqué, et des questions sur le traitement de la scène du crime.
Cette victoire survient après de nombreuses années d’efforts de la part des avocats de Projet Innocence Québec, dont Me Harinen, qui a commencé à travailler sur le dossier de M. Paquin alors qu’elle était étudiante en droit.
Elle affirme que les demandes de révision ministérielle sont longues et compliquées, ajoutant que les règles empêchent les demandeurs de recevoir de l’aide juridique et obligent les avocats à travailler bénévolement. Projet Innocence, a-t-elle dit, milite depuis longtemps pour la création d’une commission indépendante chargée d’examiner les cas où l’on soupçonne une erreur judiciaire. Un projet de loi fédérale visant à créer cette commission a été déposé l’an dernier et est actuellement analysé par le Sénat.
En attendant, elle dit espérer que le cas de M. Paquin serve d’encouragement à d’autres personnes qui se battent pour prouver leur innocence.
«Je veux que cet événement permette à toutes ces personnes condamnées de garder espoir et de croire en l’avenir», a-t-elle déclaré.