Trump pourrait jouer la carte des «Five Eyes» sur les dépenses militaires canadiennes

OTTAWA — Un ancien conseiller à la sécurité nationale du premier ministre Justin Trudeau craint que les États-Unis ne mettent sur la table le partage de renseignements au sein des «Five Eyes» lors des discussions sur les dépenses militaires canadiennes, jugées «insuffisantes» par Washington.

Vincent Rigby craint que le renseignement de sécurité devienne éventuellement un outil de négociation alors que l’administration de Donald Trump cherche à obtenir de nombreuses concessions d’Ottawa.

«Nous entendons tellement parler des dépenses de défense et des 2 %, et de ce que les États-Unis pourraient faire ou ne pas faire si nous ne nous montrons pas à la hauteur, a déclaré M. Rigby lors d’une conférence de l’Institut canadien des affaires mondiales, mercredi après-midi. J’ai peur qu’à un moment donné, le renseignement soit utilisé comme un outil de négociation.»

Le Canada bénéficie actuellement du renseignement de ses alliés en tant que membre du groupe de partage «Five Eyes», qui comprend les services de renseignement des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.

M. Trump et d’autres élus américains ont vivement critiqué le Canada pour ne pas encore avoir respecté son engagement de consacrer 2 % de son PIB à la défense, comme s’y sont engagés en 2006 les membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

Le Canada est à la traîne au sein de l’OTAN: il ne consacre actuellement qu’environ 1,37 % de son PIB à la défense, mais M. Trudeau s’est engagé à atteindre l’objectif de 2 % d’ici 2032.

Vincent Rigby était le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement du premier ministre Trudeau pendant les premières années de la pandémie de COVID-19.

Il a déclaré que l’administration Trump pourrait même décider d’utiliser l’accès aux renseignements américains comme une arme au profit d’un autre irritant, alors que le président joue dur actuellement avec ses alliés traditionnels.

«Certains se moquent de cela, mais je sais par ma propre expérience que ce n’était pas tant une menace voilée la dernière fois qu’il était au pouvoir, et cette question a été soulevée à une ou deux reprises, a déclaré M. Rigby à propos de la première administration Trump. Je n’entrerai pas dans les détails, mais c’est une menace sérieuse et nous devons y réfléchir.»

L’année dernière, le ministre de la Sécurité publique de l’époque, Dominic LeBlanc, déclarait à la commission d’enquête publique sur l’ingérence étrangère que ce partage de renseignements était essentiel aux enquêtes antiterroristes et à la protection de la sécurité nationale du Canada.

«J’ai été frappé lorsque je suis devenu ministre de la Sécurité publique par la mesure dans laquelle nous sommes des importateurs nets de renseignements», a-t-il déclaré le 2 février 2024.

Ottawa s’appuie fréquemment sur des informations provenant de ses alliés dotés de systèmes de renseignement étrangers massifs et bien établis, comme le MI6 britannique et la CIA américaine.

«’Five Eyes’ nous a fourni de très, très bonnes informations à très peu de frais, a déclaré Stephanie Carvin, professeure agrégée d’affaires internationales à l’Université Carleton d’Ottawa. Il ne fait aucun doute que le Canada est un consommateur de renseignements plus qu’un producteur. Cela ne veut pas dire que ce que nous produisons n’est pas utile ou pertinent.»

Il y a dix ans, Aaron Driver, un résidant du sud-ouest de l’Ontario, avait publié une vidéo en ligne dans laquelle il disait être un kamikaze qui préparait un attentat. Le FBI a transmis des informations sur la vidéo et les autorités canadiennes sont intervenues pour l’arrêter.