Québec n’a aucun échéancier pour limiter la vente de produits du tabac et de vapotage

MONTRÉAL — En réaction au fléau de l’accès aux produits de vapotage par les ados québécois, le ministre de la Santé dit vouloir «sévir» contre les distributeurs, mais le ministère confirme n’avoir toujours aucun échéancier pour limiter la vente de tels produits au public.

Pressé de questions à l’Assemblée nationale, jeudi, à la suite de révélations du quotidien Le Devoir indiquant qu’il est facile pour les mineurs de se procurer des cartouches de vapotage excédant la dose légale en nicotine, le ministre Christian Dubé a qualifié la situation d’«inadmissible».

Il a ajouté que les distributeurs doivent se conformer à la loi et que le gouvernement allait «exiger des distributeurs qu’ils respectent la loi».

Or, le gouvernement du Québec n’a aucune idée du nombre de distributeurs de produits du tabac et de vapotage et encore moins de qui ils sont ni où ils se trouvent.

Actuellement, la loi ne requiert aucun permis particulier pour vendre au détail des produits du tabac ou de vapotage et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a confirmé à La Presse Canadienne qu’il n’existe pour l’instant aucun échéancier pour déployer ce système.

«La mise en œuvre d’un système de permis ou de licences tarifés de vente de produits du tabac et de vapotage a été effectivement identifiée parmi les mesures visant une réduction du tabagisme au Québec. Aucun échéancier n’a été précisé pour l’instant», a répondu le MSSS dans un courriel en réponse à une question posée le mois dernier au sujet de l’avancement du projet.

Il s’agit pourtant des recommandations 3 et 4 du rapport du directeur national de santé publique portant sur des «mesures visant à mieux encadrer le vapotage». Un document commandé par le gouvernement caquiste et publié en août 2020. C’est ce même document auquel s’est référé le ministre dans ses réponses au député libéral Enrico Ciccone.

La recommandation 3 propose d’«instaurer un permis de vente» pour les produits de vapotage et de tabac. Puis, la recommandation 4 ajoute que l’on pourrait ainsi «diminuer la densité des points de vente (…) à proximité des établissements d’enseignement».

Ces mêmes solutions sont également inscrites dans la mesure 1.3 de la Stratégie pour un Québec sans tabac 2020-2025. Un document rédigé par le MSSS qui sert de guide au gouvernement dans la lutte contre le tabagisme et le vapotage.

«Un tel système permettrait d’avoir un registre à jour des points de vente, qui servirait à réglementer la densité et la localisation des points de vente et qui permettrait éventuellement de réduire le nombre de détaillants autorisés», peut-on lire.

Enrico Ciccone, porte-parole de l’opposition officielle en matière de saines habitudes de vie, se dit déçu du peu d’empressement de la CAQ pour agir.

«Honnêtement, celle-là, je ne la comprends pas», laisse tomber le député de Marquette pour qui ces mesures seraient pourtant facilement applicables.

«Quand j’entends le ministre dire qu’il veut demander au directeur de la santé publique où on peut aller plus loin, je me dis « pourquoi tu veux y parler encore? » Ça fait déjà trois ans que les recommandations sont là!», s’insurge-t-il.

Au cabinet du ministre Dubé, on n’a pas fourni davantage d’explications pour justifier que ces solutions n’ont toujours pas été déployées. On se réfère à la réponse donnée jeudi par le ministre selon laquelle on demande aux distributeurs de respecter la loi et que «si on doit mettre d’autres mesures en place, on va le faire».

Contre-la-montre

Dans le camp des organismes de lutte contre le tabagisme et le vapotage, on martèle que le temps presse et qu’il faut agir rapidement pour éviter qu’encore plus de jeunes ne deviennent dépendants à ces produits néfastes.

David Raynaud, gestionnaire de l’équipe de la défense de l’intérêt public à la Société canadienne du cancer (SCC), soutient que d’un point de vue de politiques publiques, c’est la base de savoir où se trouvent les points de vente et donc disposer d’un système de permis.

«Le fait d’avoir cette politique-là pour « mapper » le Québec, savoir exactement où sont les points de vente et leur distance avec des points clés, ça permet d’avoir une meilleure distribution et de mieux contrôler l’accès aux produits», résume-t-il en soulignant que la SCC avait participé aux consultations de la santé publique sur cet enjeu.

«Nous, on soutient que les sept recommandations devraient être mises de l’avant depuis déjà un moment parce que ça fait bientôt trois ans», dénonce M. Raynaud.

Même réaction du côté du Conseil québécois sur le tabac et la santé, où la directrice générale Annie Papageorgiou répète que «limiter l’accès physique et augmenter les prix, c’est la meilleure façon reconnue scientifiquement et par l’Organisation mondiale de la santé pour garder les gens le plus loin possible de ces produits nuisibles».

Les deux organisations s’inquiètent du taux élevé de jeunes adolescents ayant déjà consommé des produits de vapotage. Elles se battent depuis plusieurs années déjà contre l’accès à ces produits et contre le marketing qui les entoure, incluant les couleurs et les saveurs pour leur donner l’allure de bonbons.

«C’est une course contre la montre. Plus on attend avant d’agir pour limiter l’accès aux produits de vapotage, de plus en plus de jeunes sont initiés et deviennent dépendants à la nicotine», conclut David Raynaud.

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