Les filles d’une Autochtone assassinée au Manitoba demandent à Ottawa d’agir

OTTAWA — Les filles d’une Autochtone qui aurait été victime d’un tueur en série au Manitoba étaient sur la colline du Parlement, mardi matin, pour demander au gouvernement fédéral d’agir.

La police croit que Morgan Harris et trois autres femmes autochtones de Winnipeg ont été assassinées par le même homme, qui a été accusé de quatre chefs de meurtre au premier degré.

La police de Winnipeg a aussi indiqué que trois des corps des victimes pourraient se trouver dans un dépotoir, mais qu’elle ne prévoit pas de fouiller la décharge, car la zone de recherches serait trop étendue.

Les filles de Morgan Harris, Cambria et Kera, affirment que le gouvernement doit mettre fin à la violence contre les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones.

Accompagnée de membres de sa communauté et debout dans un foyer à l’extérieur de la Chambre des communes, Cambria a affirmé qu’elle était dévastée et choquée.

«Maintes et maintes fois, nos femmes et nos frères et sœurs autochtones sont obligés de venir ici et d’élever la voix, d’implorer un changement et de demander justice pour notre peuple», a-t-elle dénoncé.

«C’est injuste. Je ne devrais pas avoir à être ici, aussi en colère, et suppliez pour que vous trouviez et rameniez nos proches à la maison.»

Un génocide reconnu comme tel

En 2019, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées avait conclu que les siècles de violence qu’elles ont endurées au Canada équivalaient à un génocide.

Le premier ministre Justin Trudeau avait été critiqué pour s’être abstenu de le qualifier de génocide dans sa réponse initiale au rapport, mais a depuis rectifié qu’il en acceptait la conclusion.

Le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, a mentionné lors de la conférence de presse que les gouvernements continuaient de laisser tomber les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones, ajoutant que c’était «une honte absolue» qu’ils «ne puissent pas garantir aux gens que cela ne se reproduira plus».

M. Miller a d’ailleurs promis de rencontrer la famille de Morgan Harris.

La cheffe de la Première Nation de Long Plain, d’où sont originaires deux des quatre victimes, demande des ressources pour sa communauté, comme un espace sécuritaire pour les femmes qui serait ouvert en tout temps.

«Je sais que de nombreuses communautés ont besoin de soutien et de services en ce qui concerne la sécurité de leurs membres», a reconnu Kyra Wilson.

La députée néo-démocrate Leah Gazan, qui représente une circonscription de Winnipeg, a rencontré mardi Mme Wilson, la famille de Morgan Harris, ainsi que d’autres dirigeants autochtones avant d’organiser la conférence de presse.

«Il est temps que le gouvernement agisse», a-t-elle tranché.

Mme Gazan avait exigé un débat d’urgence à la Chambre des communes, lundi, déclarant dans une lettre au Président que «les survivants, les défenseurs et les dirigeants communautaires demandent qu’un état d’urgence national soit déclaré en réponse à cette crise de violence». Elle avait affirmé que les députés devraient aider à façonner la nature de la réponse du gouvernement.

Le débat n’avait toutefois pas été accordé.

Mardi, Justin Trudeau assuré que son gouvernement avait pris des «mesures importantes» pour investir dans des soutiens, mais qu’il restait tout de même «beaucoup de travail à faire».

Féminicides multiples

Jeremy Skibicki, âgé de 35 ans, a été accusé de meurtre au premier degré pour la mort de Morgan Harris, Marcedes Myran, Rebecca Contois et d’une quatrième femme qui n’a pas été identifiée, mais qui a reçu le nom de «Buffalo Woman» par la police et les dirigeants communautaires.

L’accusé a fait une brève comparution devant le tribunal la semaine dernière lors de laquelle son avocat a déclaré qu’il clamait son innocence.

M. Skibicki avait été accusé pour la première fois du décès de Rebecca Contois, 24 ans, le 18 mai dernier. Ses restes partiels avaient été trouvés dans une poubelle près d’un immeuble, et la police avait ensuite retrouvé le reste de son corps dans un dépotoir.

Les forces de l’ordre croient que Mme Harris et Mme Myran ont également été tuées en mai, tandis que «Buffalo Woman» a été tuée au mois de mars.

Les filles de Mme Harris ont affirmé que si la police ne menait pas de recherches approfondies pour retrouver leur mère, elles le feraient toutes seules, soulignant que  les femmes disparues méritaient un lieu de repos approprié.

«Si vous voulez les respecter et les honorer, arrêtez d’inventer des excuses pour expliquer pourquoi vous ne les trouvez pas», a-t-elle exhorté.

L’Assemblée des Premières Nations, qui organise une assemblée spéciale des chefs à Ottawa, a observé mardi une minute de silence pour les quatre victimes et leurs familles.