Le nombre de plaintes de passagers aériens a triplé en un an, pour atteindre 42 000

MONTRÉAL — Le nombre de plaintes de passagers aériens auprès de l’organisme de réglementation des transports du Canada a plus que triplé au cours de la dernière année, dépassant ce mois-ci le seuil de 42 000. 

Cette croissance de l’arriéré signifie que chaque cas prendra maintenant de plus d’un an et demi avant d’être traité, ce qui incite les groupes de défense et les politiciens à remettre en question l’efficacité du processus, alors même que l’embauche et le financement augmentent. 

Le décompte des plaintes a augmenté dans la foulée du chaos des voyages de l’été dernier, et à nouveau pendant les vacances des Fêtes, alors que la demande de vols augmentait et que les mauvaises conditions météorologiques perturbaient les horaires des vols. 

Les plaintes se dénombraient à environ 13 400 au 31 mars 2022, avant de grimper en flèche pour atteindre des sommets sans précédent dans les 12 mois suivants, selon les rapports de l’Office des transports du Canada (OTC). Elles ont atteint le nombre de 36 000 à la fin janvier et ont encore augmenté de 17 % depuis. 

Cette croissance du nombre de plaintes survient malgré un financement complémentaire de 11 millions $ pour le régulateur dans le budget fédéral d’avril dernier, et d’une aide supplémentaire de 76 millions $ annoncée la semaine dernière, dans le but d’augmenter les effectifs et d’accélérer le traitement des plaintes. 

L’agence compte actuellement 343 employés, comparativement à 298 à la fin mars l’an dernier, a-t-elle précisé dans un courriel. 

La présidente de l’OTC assure que le traitement des plaintes demeure son objectif principal et que l’application de la loi vient ensuite. Mais des critiques affirment que l’arriéré est attribuable à des lacunes majeures dans la charte des droits des passagers aériens et à l’inaction de la part du régulateur. 

Dépôt d’un projet de loi

Le porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière de transports, Taylor Bachrach, a déposé lundi un projet de loi émanant d’un député visant à éliminer les échappatoires, à augmenter les amendes et à rendre automatique l’indemnisation des voyageurs dont les vols sont retardés ou annulés. 

Le Règlement sur la protection des passagers aériens, qui est entré en vigueur en 2019, permet aux compagnies aériennes de rejeter les demandes d’indemnisation en invoquant des raisons liées à la sécurité. Le projet de loi mettrait fin à cette exception. 

Pendant ce temps, des groupes de défense des voyageurs estiment que le manque d’amendes témoigne du mépris de l’agence pour l’application de la loi. La valeur totale des punitions imposées aux compagnies aériennes et aux aéroports a atteint 645 630 $ au cours des 12 derniers mois, comparativement à 253 975 $ en 2021-22 et 54 500 $ en 2020-21. Cependant, le chiffre le plus récent ne représente qu’une infime fraction des ventes annuelles des compagnies aériennes — moins de 0,04 % des revenus de 16,56 milliards $ d’Air Canada l’an dernier, par exemple. 

M. Bachrach réclame des sanctions plus sévères et une application plus rigoureuse. 

«Les amendes prévues dans la législation actuelle sont insuffisantes pour avoir un effet dissuasif. Tant que le coût du respect des règles sera supérieur à celui de leur violation, nous verrons les compagnies aériennes exploiter leurs activités en dehors des règles dans le cours normal des affaires», a-t-il affirmé lors d’un entretien téléphonique depuis Prince Rupert, en Colombie-Britannique. 

La présidente de l’OTC, France Pégeot, a indiqué en janvier au comité des transports que des règles plus claires et plus strictes pourraient conduire à une meilleure application. Elle a cependant précisé que le rôle de l’agence en tant que tribunal quasi judiciaire traitant des plaintes était la priorité numéro un, et que son mandat de pénaliser les infractions venait en deuxième. 

«La première chose que nous faisons, c’est que nous nous concentrons vraiment, en premier lieu, sur les plaintes, car c’est ce qui met de l’argent dans les poches des consommateurs», a expliqué Mme Pégeot au comité, le 12 janvier. 

À l’époque, l’agence n’avait que six agents dédiés à l’application, avait-elle noté. 

Elle n’a également jamais infligé d’amende à une compagnie aérienne pour violation de l’indemnisation des passagers, avait-elle souligné. 

Tant M. Bachrach que John Lawford, qui dirige le Centre pour la défense de l’intérêt public, affirment que la refonte des droits des passagers promise par le gouvernement fédéral pour ce printemps doit également rendre automatique l’indemnisation en cas de retards importants ou d’annulations à court préavis. 

«Vous avez besoin d’un régulateur très dédié avec un ensemble clair de règles qui s’appliquent beaucoup, et un régime facile à naviguer pour les consommateurs — presque automatique», a fait valoir M. Lawford lors d’un entretien téléphonique. 

Sylvie De Bellefeuille, une avocate pour le groupe québécois Option consommateurs, est d’accord avec un autre aspect du projet de loi de M. Bachrach: le transfert vers les lignes aériennes du fardeau de la preuve en cas de perturbation de vols. Les transporteurs auraient alors à fournir l’information pour montrer qu’une indemnité n’est pas requise, contrairement à la situation actuelle, qui demande aux voyageurs de réclamer de l’information auprès des lignes aériennes pour prouver cela — ce que Mme De Bellefeuille juge «illogique». 

Plus d’employés à venir 

La semaine dernière, le ministre des Transports Omar Alghabra a promis 75,9 millions $ sur trois ans pour réduire l’arriéré de plaintes de l’OTC en embauchant 200 employés supplémentaires. Il s’est également engagé à mettre fin à l’échappatoire qui permet aux compagnies aériennes de rejeter les demandes d’indemnisation pour des raisons de sécurité, comme la maintenance imprévue ou même les pénuries d’équipages. 

Le directeur général de l’analyse et de la liaison de l’OTC, Tom Oommen, a indiqué à La Presse Canadienne en août qu’il essayait d’embaucher plus d’agents pour aider à résoudre les plaintes des clients, mais que la rétention des travailleurs restait un problème. 

«L’OTC a déjà examiné son processus actuel de résolution des plaintes pour identifier et apporter des améliorations au processus afin de s’assurer qu’il utilise au mieux les ressources qui lui sont fournies par le gouvernement», a déclaré l’agence dans un courriel la semaine dernière. 

«Par exemple, nous avons déjà été en mesure de rationaliser la réception des plaintes et de réduire les demandes incomplètes et inexactes de 50 % de toutes les demandes reçues à 10 %, ce qui se traduit par une diminution du va-et-vient administratif et des temps d’attente plus courts pour les plaignants.»